Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 21 juin 2025

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Briser le cercle de la violence

Contre l’illusion d’une paix imposée par les armes, cet article appelle à une révolution mentale : dépasser la logique destructrice de Si vis pacem, para bellum pour bâtir une culture de non-violence fondée sur la justice, le dialogue et la reconnaissance de l’autre. Sans ce choix, l’humanité court à sa perte.

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Briser le cercle de la violence

Si vis pacem, para bellum. 

« Si tu veux la paix, prépare la guerre. » 

Cette maxime, vieille de plusieurs siècles, est devenue l’un des dogmes les plus enracinés de la pensée politique et militaire. Pourtant, derrière cette prétendue sagesse se cache un paradoxe destructeur : la paix obtenue par la menace de la guerre est une paix factice, une paix de peur et d’oppression, qui prépare inéluctablement la prochaine conflagration. 

Dans un monde marqué par des conflits récurrents — qu’il s’agisse du cycle inextricable de violence entre Israël et Palestine, soutenus et exacerbés par les intérêts régionaux de l’Iran, ou la guerre brutale entre la Russie et l’Ukraine — ce dogme s’avère non seulement insuffisant mais profondément dangereux.

La violence, une logique sans fin

Penser que la paix se construit sur la guerre, c’est s’enfermer dans un cercle vicieux. La violence engendre la violence. Les massacres de civils, les bombardements, les occupations militaires nourrissent la haine, la revanche, la méfiance, et détruisent les bases mêmes d’une coexistence pacifique. Dans le conflit israélo-palestinien, la stratégie de la « dissuasion par la force » alimente une escalade permanente, où chaque attaque appelle une riposte, chaque occupation une résistance, chaque guerre une nouvelle guerre.

La guerre Russie-Ukraine, débutée en 2014 et intensifiée en 2022, illustre également ce mécanisme infernal : un affrontement où la course aux armes, aux alliances, aux stratégies militaires perpétue une violence massive qui détruit des vies, des infrastructures, des espoirs. Dans ces contextes, Si vis pacem, para bellum apparaît comme un slogan d’échec, une impasse.

La folie institutionnalisée et la perte de l’humain

Jean-Marie Muller, philosophe et pacifiste, nous avertit : « La culture non-violente ne s’acquiert pas en un jour ; c’est un travail de longue haleine qui implique un changement profond des mentalités, des comportements, des institutions. » La non-violence ne se réduit pas à une simple tactique, c’est une révolution mentale, un bouleversement éthique. Or, dans ces conflits, la violence est institutionnalisée, acceptée, justifiée par des raisons « stratégiques » ou « sécuritaires ». Cette acceptation détruit la possibilité même d’un dialogue authentique, remplaçant l’autre par un ennemi à éliminer.

Le recours permanent à la violence comme moyen légitime de résolution est une folie collective. Il détruit le tissu social, anéantit la confiance et réduit les humains à des pions sur l’échiquier géopolitique.

La révolution mentale : une urgence vitale

Face à ces tragédies, la révolution mentale prônée par Muller est plus nécessaire que jamais. La paix ne peut être fondée sur la menace ou la force, mais sur la reconnaissance mutuelle, la justice, et la transformation des relations de pouvoir. Cette révolution implique l’éducation à l’empathie, le dialogue interculturel, la réforme des institutions, et surtout l’engagement actif dans la non-violence.

Dans le contexte du Moyen-Orient, cela signifie dépasser les logiques de vengeance, reconnaître la souffrance de l’autre, mettre fin aux occupations, investir dans la justice sociale et le respect des droits humains. En Ukraine, cela signifie cesser de penser la sécurité dans la confrontation armée, mais envisager des solutions politiques audacieuses, avec le soutien de la communauté internationale, fondées sur la souveraineté, l’intégrité territoriale et la coopération.

Comment développer la culture non violente ?

Développer une culture non violente, c’est :

  • Éduquer à l’empathie et à la reconnaissance de l’autre. Apprendre à voir en l’autre un sujet de droits, pas un ennemi.
  • Promouvoir le dialogue et la médiation comme moyens de résolution des conflits.
  • Transformer les institutions pour qu’elles ne reproduisent pas la violence mais favorisent la justice.
  • Soutenir les mouvements non-violents qui luttent pour la paix et la dignité.
  • Construire une mémoire critique pour ne pas oublier les blessures du passé et guérir.

Jean-Marie Muller rappelle que « la non-violence est à la fois un combat et un chemin, elle exige courage, discipline, patience, et foi dans l’être humain. »

Une révolution mentale mondiale ou l’extinction

Le défi est mondial. La multiplication des conflits armés, l’armement nucléaire, le nationalisme exacerbé, la méfiance entre peuples et États rendent urgente la révolution mentale. Oser refuser Si vis pacem, para bellum comme paradigme dominant, c’est oser croire qu’un autre monde est possible. Cette révolution mentale ne sera pas locale ou partielle : elle doit être globale, portée par une conscience planétaire de notre interdépendance.

« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde », disait Gandhi. Cette révolution intérieure est la source d’une paix durable. De l’Inde libérée sans armes au Chili qui renversa Pinochet, de la Tunisie à Berlin, l’histoire porte l’espérance : les peuples debout, sans violence, peuvent vaincre l’oppression et faire naître la paix.

Le recours à la violence pour maintenir la paix est une illusion mortelle, un cercle vicieux qui conduit inévitablement à la destruction et à la souffrance. Penser que la paix peut naître de la guerre, c’est confondre la fin et les moyens. La paix n’est pas une absence temporaire de conflits, imposée par la force ; elle est un état de justice, de reconnaissance et de respect mutuel. 

Construire la paix par la guerre, c’est prétendre guérir la maladie en la propageant. Les conflits actuels en Israël-Palestine et en Ukraine illustrent cette tragédie. La seule issue est une révolution mentale, une transformation profonde des esprits et des institutions vers une culture de non-violence active et engagée. 

Jean-Marie Muller nous appelle à ce combat : il n’est ni naïf ni utopique, mais vital. Sans cette révolution, la paix restera un mirage, et l’humanité songe à son propre naufrage. Soit nous choisissons de désarmer nos esprits, soit nous continuerons à enterrer nos enfants. Voilà le vrai choix de civilisation !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.