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Billet de blog 5 janvier 2016

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Pour Agnès Saal

Une ministre sous pression s'en remet à un président de la République pour infliger une sanction administrative à une haute fonctionnaire: Quand l'Etat, sous influence médiatique, perd le sens des proportions et des priorités

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Un petit fonctionnaire territorial au secours d'une haute fonctionnaire d'Etat, j'assume l'image, au risque de la caricature ou du commentaire affligé. Je ne connais pas personnellement Agnès Saal, tout juste ai-je eu l'occasion d'apprécier son efficacité et son sens de l'intérêt public (oui) dans le cadre d'un projet culturel entre ma collectivité et le Centre Pompidou. J'en sais ce que les médias en ont dit, parfois de manière équilibrée comme Michel Guerrin dans le monde en mai 2015, la plupart du temps sur un mode hystérisé qui me gêne de plus en plus.

D'où deux ou trois réflexions sur un air du temps qui ne lasse pas de m'inquiéter.

1/L'Etat et ses plus hauts représentants, de droite puis de gauche, ont réorganisé le fonctionnement et la gestion du service public pour les mettre à un goût du jour plus libéral, sous entendu plus efficace. Cette réorganisation porte de doux noms comme seule la technocratie sait en inventer, Loi d'Orientation des lois de finances (LOLF) et Révision Générale des Politiques Publiques RGPP). Depuis 10 ans, toute politique publique se doit d'être passée par des filtres évaluatifs croisant objectifs et indicateurs, dans un environnement budgétaire toujours plus contraint, si ce n'est rigoureux. Car là où le bas blesse, c'est que tout ce bric à brac gestionnaire, qui s'applique aussi bien aux administrations qu'aux établissements publics nationaux tel Pompidou ou l'INA, se révèle de fait inopérant faute de mode de régulation et de contrôle efficaces. Tout cela pour dire que dans le monde idéal de la LOLF et de la RGPP, des dépenses excessives comme celles reprochées à Agnès Saal aurait dû être repérées, expertisées et recalibrées et pourtant non.

Il est facile, après, de faire reposer sur un individu, l'entropie d'un système défaillant.

2/ A l'heure des états d'urgence tous azimuts, François Hollande  a été sollicité pour valider une sanction administrative, passant du rôle de père de la Nation à celui de Président de commission disciplinaire, le tout claironner dans un communiqué du ministère de la Culture. Comment, après cela, s'étonner que les médias ne retiennent que l'écume des choses et que les réseaux sociaux en fassent une bave injurieuse? Sans parler de la triste ironie qui voit une énarque s'en remettre à un autre énarque  pour en sanctionner une troisième dans une boucle assez vertigineuse.

3/ En arrière plan, une certaine idée de la "république exemplaire" tente de se hausser du col en faisant assaut de vertus. Elle serait plus convaincante si, dans ce domaine hautement symbolique, des gestes avaient été accomplis par ceux qui s'en étaient fait les promoteurs, François Hollande en premier. Lequel n'a, par exemple, jamais envisagé de renoncer à la luxueuse villégiature que constitue le Pavillon de la lanterne dans le parc du château de Versailles, "piqué" en son temps par Nicolas Sarkozy à son premier ministre. Et qui n'hésite pas, comme récemment dans le documentaire de Jeuland, à se mettre en scène dans les ors de la République,en l'occurrence ceux de l'Elysée, avec son protocole luxueux et désuet, très ancien régime.

Quand on se veut le chantre de l'austérité, il est visiblement plus facile de l'exemplariser via un cas comme celui d'Agnès Saal plutôt que de se l'appliquer à soi-même.

Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure manière.

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