La covid-19 a contre toute attente déferlé à nouveau sur la France et bien d’autres pays dans le monde ; les mesures préventives, en l’absence de tout traitement curatif identifié, ont joué un rôle certain lorsqu’elles ont été respectées : port du masque, distance physique, lavage des mains. Cependant l’impatience de la population a déjoué leur efficacité, et une deuxième vague est advenue. C’est le paradoxe des libertés individuelles qui amènent certains à préférer le risque plutôt que de se joindre à un projet républicain et solidaire.
La vaccination apparait donc comme un acte ultime et efficace vers une libération de cette pandémie, mais même vers cette liberté-ci les démons individualistes sont à l’œuvre pour rester en dehors d’une démarche sociétale. Ce n’est pas propre à ce vaccin en particulier, mais à tous les vaccins, car le problème pour les humains est la capacité à adhérer à une démarche de groupe vécue comme liberticide même s’ils pourraient y trouver leur compte : plutôt mourir que de prendre soin de la communauté. Un vécu de persécution prime sur toute idée de solidarité.
Il y aura donc beaucoup de résistances au vaccin, alors que tout le monde réclame une sortie de crise. Mais les vaccins, malgré tout, arrivent : ultime persécution, ultime peur ?
Le vaccin qui va être proposé est fabriqué par la firme Moderna sous le contrôle de la FDA américaine. La technologie à ARN messager est bien connue des laboratoires, mais c’est la première fois qu’on l’utilise pour un vaccin humain ; c’est aussi une voie de recherche majeure pour le traitement des cancers, et probablement pour beaucoup d’autres vaccins dans le futur. Les vaccins à ARN messager se basent, comme leur nom l'indique, sur l'injection d'un ARN messager synthétique. Ce processus imite ce qu'il se passe dans une infection naturelle, et déclenche une immunité robuste.
Si les vaccins à ARN messager sont beaucoup étudiés, c'est qu'ils possèdent des avantages non négligeables. Leur production à grande échelle et à faible coût ne pose pas de problème avec la technologie actuelle. Chaque dose vaccinale est extrêmement pure et ne contient que le brin d’ARN encapsulé dans sa bulle lipidique et rien d'autre. Ils sont donc sûrs.
Il n’y a pas de passage du vaccin dans le noyau cellulaire et il n’y a aucun risque de modification génétique, ce que redoutent certains. Les brins d’ARNm étant très fragiles, cela impose une conservation à très basse température, mais l’injection se fait à température ambiante.
Le vaccin est administré en deux fois sous forme d'injection de 0,5 ml dans le muscle deltoïde à un mois d’intervalle. Une récente étude coordonnée par Lisa Jackson a montré son innocuité et sa très bonne immunogénicité. Les effets indésirables rapportés sont quelques jours avec fatigue, douleurs musculaires, céphalées. Aucune complication n’est rapportée.
On a donc un vaccin qui donne une très bonne immunité, surement plus prolongée qu’après la maladie elle-même. Il est bien supporté, sans aucune contrindication. La campagne de vaccination va pouvoir débuter probablement en janvier, d’autres vaccins suivront.
Il serait dommage que des peurs, des croyances, des sentiments de persécution viennent empêcher une immunité de masse de se constituer. Le vaccin est le seul moyen de barrer la route au SARS-CoV-2, et de se prémunir de vagues successives, de nouveaux confinements, de nouveaux dégâts économiques et sociaux. Il s’agit juste de faire preuve de solidarité en participant à une action collective sans aucun risque personnel.
Dans le passé, de nombreuses épidémies ont pu être évitées et des microbes éradiqués comme la variole par exemple qui avait auparavant tué des millions de personnes. La poliomyélite, la rougeole, la tuberculose sont à peu près contenues grâce aux vaccins. Mais on remarque que dès que le nombre de personnes vaccinées diminue, l’épidémie revient.
Pour la Haute Autorité de Santé, dans un rapport du 27 novembre 2020, les objectifs actuels du programme de vaccination contre le Sars-Cov-2 seront donc de réduire la morbidité-mortalité attribuable à la maladie (hospitalisations, admissions en soins intensifs et décès) et de contribuer à maintenir les activités essentielles du pays.
La HAS rappelle à juste titre l’importance du maintien des gestes barrières et de la distanciation physique.
Cela ne semble pas inhumain de demander, pour quelques mois seulement, à une population adulte de participer à une action de responsabilité collective. J’observe cependant que des fractions significatives de notre société ont une forte propension à s’auto infantiliser : caprice car « on » va m’empêcher d’aller au ski, d’avoir des cadeaux sous le sapin de Noël familial, de ne pas pouvoir embrasser son tonton pendant quelques semaines.
Ces mêmes personnes veulent faire croire que c’est le gouvernement qui les infantilise, mais elles n’ont besoin de personne. Faut-il y voir le signe d’une dé-responsabilisation de la société, d’un individualisme forcené, d’une paranoïa collective « épidémique », d’une réponse traumatique à une peur irraisonnée ? En tout cas c’est certainement le signe que cette société va mal, incapable de prendre soin d’elle, de s’assumer, d’être solidaire et bienveillante.
Certes la communication officielle autour de cette pandémie a été souvent défaillante, malmenée par des élus parfois inconséquents, des spécialistes auto proclamés et des journalistes dont le sport préféré est de plus en plus de jeter de l’huile sur le feu. Mais chacun a le droit de se sentir enclin à se limiter un peu dans ses envies et de repousser de quelques semaines des plaisirs somme toute assez enfantins. Il se passe dans le monde des évènements d’une autre gravité, dont les médias ne parlent même plus, obnubilés par les petites convulsions de la société essentiellement parisienne.
Il est temps je le crois de prendre de la hauteur et de la maturité.
Lisa A. Jackson, Evan J. Anderson, Nadine G. Rouphael & al. for the mRNA-1273 Study Group. An mRNA Vaccine against SARS-CoV-2 — Preliminary Report. New Engl J Med, November 12, 2020. DOI: 10.1056/NEJMoa2022483.