Lorsque j’étais enfant, nous partions en vacances dans la voiture de mes parents, ma sœur et moi sur la banquette arrière où nous pouvions jouer à loisir et nous mettre parfois à genoux pour observer les voitures qui nous suivaient, compter les couleurs, les marques. Nous étions fiers quand notre père appuyait « sur le champignon » pour doubler. C’était la liberté. Mais à cette époque, il y avait à peu près 15000 morts par an sur les routes, et de nombreux blessés graves.
Alors un jour, le gouvernement a inventé la ceinture de sécurité, à l’avant d’abord : c’était une abomination pour certains, une atteinte aux libertés individuelles, une contrainte insupportable qui empêchait de conduire confortablement ; certains disaient que jamais ils ne pourraient ; mais un jour il y a eu des contraventions pour les réticents, puis des points de permis perdus, et tout le monde s’y est mis, toutes les voitures étaient équipées malgré le surcoût. Il y a eu bientôt moins de 10000 morts. Alors le gouvernement a imposé la ceinture à l’arrière : même tollé général, même répression, même habitude qui s’est installée, et maintenant c’est une évidence qui ne fait même plus sujet. Et les morts on encore diminuées.
Alors j’ai l’impression que nous revivons la même chose avec les masques et les gestes barrière pour la COVID-19 : même sentiment d’atteinte aux libertés individuelles, même arbitraire, même « je ne pourrai jamais m’y résoudre ». Et puis il y a ce marchandage : les mettre dans les lieux clos, dans les rues passantes, dans les réunions où la distanciation sociale est incertaine, sur les plages ? Comme si pour la ceinture de sécurité on ne la mettait qu’en ville, ou dans les bouchons, et qu’on l’enlevait sur les routes désertes, à la carte finalement (on pourrait imaginer la même chose pour la vitesse d’ailleurs). Cette perte de sens commun, de responsabilité collective, cet individualisme exacerbé est stupéfiant. Certains semblent penser qu’ils ne doivent rien à personne, aucun effort, mais que par contre la société leur doit tout pour qu’ils puissent jouir de la vie : des droits mais pas de devoirs.
Alors on va y arriver, le masque pour tous tout le temps sinon c’est la contravention, l’état endossant une image du père souvent défaillante. Dommage d’en passer par là, dommage d’entendre des « scientifiques » plus à la télévision que dans leur service dire que c’est inhumain d’imposer le masque à ces jeunes qui ont besoin de s’amuser et qui dans quelques mois penseront peut être qu’on ne leur avait pas dit que ça risquait d’être si grave. Alors s’il vous plait, chers concitoyens, mettez votre ceinture de sécurité et votre masque, sauvez des vies, sentez-vous solidaires, ça a plus de sens que d’applaudir à 20h des soignants qui désespèrent de vous croiser dans la rue … sans masque. Merci.