Billet de blog 3 mai 2020

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"La Défaite des idoles" un roman de Benjamin Dierstein

Entre la mort de Kadhafi et l’élection présidentielle en France de 2012, un ancien policier organise un nouveau trafic de drogue à l’échelle internationale et une capitaine de police franchit les échelons de sa hiérarchie en traquant sans relâche ses cibles.

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Parution du livre La Défaite des idoles de Benjamin Dierstein

Après le succès de son polar La Sirène qui fume (2018), Benjamin Dierstein reprend certains de certains personnages pour prolonger son exploration hallucinée du milieu des affaires louches en France mêlant les différents services de la police, la haute sphère de la politique, les milieux mafieux corses et albanais ainsi que les branches djihadistes dans un contexte social d’une extrême violence qui prend les traits notamment des massacres perpétrés par Mohammed Merah. L’auteur mêle habilement d’une part le contexte précis de la France des quelques mois qui précède l’élection présidentielle de 2012 et les événements qui ont cours au même moment en Lybie, et d’autre part les récits de ses deux protagonistes antagonistes, chacun se trouvant officiellement de chaque côté de la loi mais dont les objectifs, les méthodes et les valeurs sont souvent étroitement liés. Les chapitres de ce roman fleuve sont dynamisés par une alternance systématique du récit de ces deux personnages dans l’ambiance pleinement assumée du polar développant une lucidité pessimiste profonde sur la réalité effective du développement du pouvoir en France, que l’on prenne les voix des électeurs pour le justifier ou que l’on s’impose par la violence et les exécutions sommaires : le tout répond à une logique d’appropriation de territoires. Tel est le constat que le livre impose. Du côté de la légalité, les partis politiques au pouvoir disposent de leurs propres réseaux d’influence pour asseoir leur mainmise étroitement liés aux différents services de police pleinement embarqués dans ces intérêts où la violence des criminels qu’ils recherchent les gangrène à un tel point où les valeurs humanistes deviennent un vague mirage dans la mise en scène du respect des droits de l’Homme dans un cadre républicain.

La précision des informations réunies par Benjamin Dierstein pour nourrir son récit sont sidérantes et nourrissent un récit de fiction qui ne s’essouffle jamais au fil de plus de 600 pages qui se dévorent sous la forme d’un thriller politique et policier haletant. Cette histoire est ainsi une belle opportunité d’avoir un accès documentaire sur les enjeux méconnus des arcanes du pouvoir en France, et plus particulièrement des services de police extrêmement liés à la politique, via notamment les syndicats, soutien incontournable pour franchir les échelons. L’évolution vers l’autodestruction des personnages principaux donnent également le vertige et le lecteur est amené à les suivre dans une descente aux enfers sans répits qui rappelle notamment la description hallucinée du milieu de la pègre par Martin Scorsese dans ses films. Cette « défaite des idoles » vient donner un coup de pied dans la fourmilière du patriarcat qu’il soit incarné à l’époque du récit par Sarkozy comme de Kadhafi et des djihadistes dans une réalité sociale qui continue à résonner avec le temps présent.

Illustration 1

La Défaite des idoles
de Benjamin Dierstein

Nombre de pages : 640
Date de sortie (France) : 19 février 2020
Éditeur : nouveau monde éditions

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