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La commission européenne a donné son accord à l'Espagne et au Portugal pour décrocher du système tarifaire européen... Pourquoi le France ne formule pas une demande pour quitter, elle-aussi, ce marché européen de l'électricité, tant décrié ?
Ce marché ne ressort pas d'un traité européen, mais d'une entente entre États souverains.
Alors, de quel droit la commission nous empêcherait-elle de le quitter ? Sous quel prétexte ?
Il s’agit pour l’institution que préside aujourd’hui Ursula von der Leyen de "garantir des conditions de concurrence équitables aux entreprises de l'UE, ainsi qu'un vaste choix et des prix justes aux consommateurs."
Le rôle de la commission n'est pas de faire respecter un traité qui n'existe pas. Elle agit dans le cadre de ses prérogatives, et des traités, authentiquement européens.
Bruxelles a donc autorisé les deux États ibériques à décrocher "temporairement" du système tarifaire européen, au prétexte que "le manque d'interconnexions de ces deux pays avec le reste de l'Union européenne pénalise leurs consommateurs".
La France ne peut invoquer ce précédent pour se retirer de ce marché de l'électricité. Elle est loin d'être déconnectée de ses partenaires !
La commission européenne, gardienne des traités... et de ses prérogatives
Les États européens peuvent signer entre eux tous les accords qu'ils veulent, la commission monte la garde. Elle veille aussi jalousement sur ses prérogatives.
Elle entend faire respecter formellement les règles de la concurrence... quitte à se mettre en porte-à-faux en éludant l'esprit de ces règles. Elle fait une lecture à la lettre des règles sensées mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Elle ne tient pas compte des spécificités nationales, sauf dans le cas ibérique. En fait, la commission se fait mener par le bout du nez par les acteurs de ce marché de l'électricité qui n'a d'européen que le nom.
Ce marché est dans les mains des grands "lobbies" des États. Ils sont responsables de l'envolée folle des prix et de la spéculation. L'aveuglement de la commission fait des ravages. Son but est-il vraiment, comme elle le mentionne sur son site*, "d'assurer des conditions justes et équitables aux entreprises, tout en favorisant l'innovation, l'harmonisation des normes et le développement des petites et moyennes entreprises (PME)" ?
Pour beaucoup, c'est une plaisanterie.
"Depuis des mois, à cause de ce marché européen de l'électricité, les industriels et les artisans français se battent avec des factures faramineuses, non pas relevées de 10 ou 25% comme pour les particuliers, mais de 300 à 600%... !" s'étrangle Loïc Le Floch-Prigent, ingénieur, ancien président de Gaz de France et de la SNCF (propos relevés sur le figaro.fr).
Le prix de l'électricité a considérablement augmenté en Allemagne après le coup d'arrêt brutal des livraisons de gaz russe. Ce dernier servait aussi à fabriquer l'électricité qui fait tourner les entreprises allemandes. Les Français ont alors vu leurs factures considérablement s'alourdir en raison des pratiques de vente sur le marché européen de l'énergie ; la commission européenne a joué mécaniquement son rôle, au détriment de la France, en disant se porter garante « des conditions de concurrence équitables aux entreprises de l'UE" sur ce marché.
Tout le monde n'accepte pas cette logique qui oblige les entreprise françaises à payer l’électricité au prix fort ,"alors qu'EdF produit l'électricité la moins chère d'Europe", comme fait remarquer Le Floch-Prigen (ndr : "la moins chère" à la production, pas forcément à la vente à cause des règles imposées par le marché européen de l'électricité.)
Le Floch-Prigent : "Contrairement à EDF, qui produit l'électricité la moins chère d'Europe, beaucoup de fournisseurs d'électricité spéculent et ne fournissent que des factures"...
Selon lui, "les fournisseurs d'électricité inventés par les technocrates, ne produisent rien, ne distribuent rien. Ils ne font que spéculer". Les abonnés paient le prix fort et se retrouvent gros Jean comme devant après avoir été appâtés et ferrés par les offres de ces "fournisseurs"... qui ne fournissent que des factures. D'abord alléchantes, puis salées. Il rend ces fournisseurs apparus à l'occasion de ce marché européen de l'électricité, responsables d'une augmentation générale des prix. Il les accuse de spéculer.
Ces derniers n'auraient-ils d'autre utilité que de faire avaler la pilule intergouvernementale du marché européen de l'électricité aux consommateurs, en leur faisant croire qu'ils peuvent trouver moins cher que le tarif réglementé ? Une pilule amère qui reste aujourd'hui au travers de la gorge de nombreux dirigeants d’entreprises.
Le bricolage intergouvernemental à la petite semaine, ça suffit !
Il est urgent de changer de paradigme pour affronter les défis énergétiques et géopolitiques. Désormais, tous les pays de l'Union européenne sont logés à la même enseigne. Les défis à relever sont les mêmes pour tous. Et réclament comme pour la crise du covid une réponse collective, authentiquement européenne. Elle seule est facteur multiplicateur de puissance et de progrès sous l'égide de la commission. Pas sous celle des lobbies et des spéculateurs qui dictent leur loi sur ce marché juteux de l'électricité.
L'addition des politiques nationales, chaque État ayant ses propres exigences, l'empilement des moyens de production, ne sauraient constituer une authentique politique européenne.
Il s'agit maintenant de passer à la vitesse supérieure. Du stade infantile d’une l'Europe des États nations, à celui de l’Europe forte, "organisée et vivante », grâce notamment à une politique énergétique européenne digne de ce nom.
Le bricolage intergouvernemental à la petite semaine, ça suffit !
*Lecture en ligne du Figaro, article de Le Floch-Prigent publié le 07 juillet 2023 à 14h00 (mis à jour le 3 août 2023)
* https://european-union.europa.eu/.../actio.../competition_fr