Lucky Luke contre Pinkerton, quatrième tome des aventures de Lucky Luke d’après Morris parait le 15 octobre. Il est l’œuvre d’Achdé au dessin, et de Daniel Pennac et Tonino Benacquista au scénario. Le trio a concocté une aventure haute en couleurs et riche de sens.

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Lucky Luke a un nouvel ennemi : « la loi en personne, le bras justicier du président Lincoln, le nouveau héros du pays »... Allan Pinkerton, légendaire fondateur de la première agence de détectives privés aux Etats-Unis et éminence grise d’Abraham Lincoln pour les questions de renseignement militaire lors de la guerre de Sécession est au centre de cette nouvelle aventure du cowboy solitaire loin de son foyer.
A partir de faits réels (la vie d’Alan Pinkerton et le complot de Baltimore), Pennac et Benacquista ont écrit une aventure qui tire (plus vite que son ombre) sur le fichage des citoyens, l’utilisation (sinon la création) de la rumeur d’un attentat imminent, la suspicion et la délation érigées en mode de vie, l’emprisonnement abusif… et la surpopulation carcérale. Un Lucky Luke politique en somme ? Les auteurs s’en défendent. Le lecteur prendra un plaisir certain en suivant les péripéties croquignolesques et dérisoires des Dalton pris entre les feux croisés d’Alan « We never sleep » Pinkerton qui vénère les secrets (surtout ceux des autres) et ses chères fiches ; de Jolly Jumper et ses boutades savoureuses, de Lucky Luke, éternel et flegmatique redresseur de torts.
Lucky Luke contre Pinkerton est un album aux grandes qualités, utilisant les ressorts comiques de la série avec bonheur : la bêtise des Dalton, la droiture et l’indépendance de Lucky, les agissements d’un sombre personnage comploteur. Le choix de Pinkerton comme méchant de service est d’ailleurs un des atouts majeurs de cet album, avec ce personnage paradoxal et ambivalent que fut ce professionnel du renseignement, abolitionniste et battant en brèche les libertés en fichant tout le monde… au XIXème siècle. Pennac et Benacquista se sont approprié Lucky Luke, évitant l’écueil de l’auto parodie.
Très documenté, presque « sérieux » par endroits pour qui ira relire l’histoire des Etats-Unis, l’album distille surtout un humour lettré, délaissant les jeux de mots trop faciles au profit de mots d’esprits subtils et décalés. Comme ceux de Jolly Jumper : « le rodéo, c’est comme le tango, il faut être deux… Et c’est toujours moi qui mène la danse ». Ou bien lorsque Lucky Luke et le fidèle destrier surveillent (patiemment mais sûrement) des faux–monnayeurs :

Pour enfin les voir hors d’état de nuire (après avoir essuyé le feu nourri des colts des représentants de l’ordre) :
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Drôle et bien écrit, avec un scénario, enlevé et maîtrisé de bout en bout, graphiquement irréprochable, Lucky Luke contre Pinkerton est une réussite, un album intelligent et impertinent. Un évènement à ne pas rater. – D. B.

Lucky Luke contre Pinkerton, Daniel Pennac - Tonino Benacquista – Achdé, Lucky Comics (Dargaud), 9 € 95, parution le 15 octobre 2010