Le temps s’écoule comme il peut, entre la solitude des matins frais et les promenades sur le belvédère qui surplombe le village, entre l’attente dans le jardin potager et le sempiternel passage devant le cimetière municipal. Pour dire que ce n’est pas encore le moment. Marcel coule des jours tranquilles. Du moins en apparence, il trompe l’ennui.
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Marcel est un ancien de la « drôle de guerre », celle de 40, celle de la débâcle, celle que le cinéma légumier et cocardier nous ressert annuellement, la guerre de La Septième Compagnie et de son clair de lune. Aujourd’hui Marcel a 85 ans et des souvenirs à la pelle. Un beau jour, au détour d’une brocante, il croise un marchand de bric-à-brac qui expose un clairon. Et les souvenirs reviennent.
Déjà remarqué avec Jazz Club (Dargaud – 2007) où il racontait les aventures musicomiques d’un jazzman torturé après une séparation amoureuse, Alexandre Clérisse revient avec un second one shot de son cru, Trompe la mort, histoire « librement inspirée » par celle de son propre grand-père. Se détachant de Voutch dont on sentait l’influence (pour ne pas dire la marque) dans Jazz Club, avec ces personnages longilignes et au nez fort, Alexandre Clérisse compose et dessine un univers pastel, rond, avec des personnages davantage croqués que dessinés, jouant avec les coloris et avec une absence quasi-totale de contours, de tracés, avec des cases aux contours tantôt rectilignes, tantôt rudes et bruts. Le style graphique est extrêmement novateur, chaleureux, poétique, souple. Ce que ne laisserait pas supposer un traitement numérique.
Marcel retrouve donc un clairon, et décide de partir sur les traces de son clairon. Celui qu’il avait reçu aux premiers jours de la mobilisation, engagé de la clique, les tambours et clairons de la musique militaire. Aidé de sa petite-fille qui exerce le métier rêveur et altruiste de conductrice de taxi-clairière – parent éloigné et métropolitain du taxi-brousse africain, Marcel part en quête de ses souvenirs, à la recherche de sa guerre, Marcel veut retrouver son clairon, qu’il a abandonné en 1940, avant d’être fait prisonnier.
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Conte anti militariste subtil et rocambolesque, Trompe la mort parle des souvenirs et des aspirations de générations diverses. Trompe la mort parle de la mémoire. Celle d’un clairon de 40 qui avait perdu son instrument dans une bataille. Mais il ne savait plus vraiment où. Alors, il est parti à sa recherche.
DB
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Trompe la mort, d’Alexandre Clérisse, Dargaud, 14 € 50
© Dargaud - 2009
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