Communiqué et analyse - CRPA
Ci-après (cliquer sur ce lien) un jugement indemnitaire pris le 17 octobre 2016 par la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Paris, obtenu par Me Marie-Laure Mancipoz avocate au Barreau de Paris, à propos de l'affaire d'un de nos adhérents qui a été placé au CH Esquirol de St-Maurice (Val-de-Marne) en mesure de soins péril imminent du 19 décembre 2012 au 14 janvier 2013 à temps complet.
Ce jeune homme a été ultérieurement au 14 janvier 2013 maintenu en programme de soins ambulatoires sans consentement jusqu'à ce que la direction des hôpitaux de St-Maurice, sur demande d'éclaircissement faite par l'avocate de cet adhérent sur la situation juridique de son client, finisse par nous dire par courrier en date du 15 novembre 2013 que le programme de soins ambulatoire instauré le 14 janvier 2013 était levé en août 2013, par caducité, du fait d'une absence de renouvellement du certificat médical mensuel en juillet... Il convient d'observer au surplus que c'est échange de courrier entre l'avocate de cet adhérent et la direction de l'hôpital qui a fait réaliser à cet établissement que la mesure de soins péril imminent en question était levée par caducité...
On note également dans cette affaire qu'une ordonnance de mainlevée de l'hospitalisation sans consentement temps complet a été prise par le juge des libertés et de la détention de Créteil le 2 janvier 2013. Cette ordonnance a été résolument laissée sans effet par l'hôpital qui a gardé dans les murs l'interné sans lui notifier cette ordonnance et sans le libérer...
Ce jugement, intéressant par sa motivation, est relativement décevant sur le montant accordé : 13 400 euros d'indemnisation en tout, plus 3 400 euros d'article 700, si l'on soustrait les 600 euros à verser par le requérant à l'Agent judiciaire de l'Etat représentant les services étatiques qui est mis hors de cause. Un total indemnitaire supérieur à 15 000 euros aurait été mieux venu. Le 1ère chambre civile du TGI de Paris accorde néanmoins suffisamment de dommages et intérêts pour qu'il n'y ait pas d'appel.
On peut retenir pour l'avenir :
1. - En matière de contestations a posteriori de mesures de soins sur demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, afin de mettre en cause efficacement l'Agent judiciaire de l'Etat il vaudra mieux mettre explicitement en cause le déficit de contrôle de la mesure par la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP), laquelle est en charge d'un contrôle obligatoire de telles mesures dès lors qu'elles durent plus de 3 mois. Les CDSP, dans l'ensemble et de notoriété publique, ne font pas leur travail de contrôle de légalité. Cette carence offre un biais qui peut être utile.
La responsabilité des Commissions départementales des soins psychiatriques en tant qu'autorités de contrôle a d'ailleurs été accentuée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui, dans son article 69, a renforcé dans l'article L 3212-5 du code de la santé publique l'information obligatoire des CDSP sur les mesures de SDT et de SPI en les rendant destinataires des certificats médicaux de ces mesures, mais aussi des décisions d'admission prises par les directeurs d'établissements.
Or, les CDSP sont représentées juridiquement par les Préfectures qui désignent leurs membres. Ce sont les Préfets en dehors de Paris, et le Préfet de police à Paris, qui désignent les personnes qualifiées pour siéger dans ces commissions de contrôle des mesures de soins sans consentement, lesquelles ont le statut d'autorités administratives indépendantes. On peut donc rechercher la responsabilité de l'Agent judiciaire de l'Etat pour manquement à son obligation de contrôle par telle Commission départementale des soins psychiatriques sur la mesure de SDT ou de SPI que l'on conteste.
Cela suppose que le requérant demande communication des pièces administratives et médicales détenues par la CDSP couvrant géographiquement l'établissement qui a décidé la mesure de soins sur demande d'un tiers ou en cas de péril imminent litigieuse avant d'engager le contentieux indemnitaire.
A défaut il vaudra mieux à l'avenir s'abstenir d'engager la responsabilité de l'Etat. Vu l'évolution de la jurisprudence, il est plus efficace de n'avoir que l'établissement hospitalier comme défendeur.
2. - S'agissant des préjudices professionnels et médicaux il faut idéalement produire un maximum de pièces prouvant ces préjudices et le lien direct de cause à effet entre le fait dommageable et les préjudices en question. Les effets corporels somatiques des traitements peuvent prêter lieu à un constat médical fait par un médecin généraliste ou par un médecin spécialiste dument consulté dans les semaines qui suivent la mesure de contrainte.
3. - Le jugement contient une erreur matérielle peu importante : page 9°, 7ème paragraphe, il faut comprendre 15 novembre 2013, et non 15 janvier 2013 comme il est écrit par erreur.
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1. Le CRPA est agréé pour représenter les usagers du système de santé en Île-de-France, par arrêté n°16-1096 de l'Agence régionale de santé d'Île-de-France, du 6 septembre 2016. Le CRPA est également partenaire de l'Ordre des avocats du Barreau de Versailles (Yvelines) sur la question de l'hospitalisation psychiatrique sans consentemennt, et est ahérent au Réseau européen des usagers et survivants de la psychiatrie (ENUSP / REUSP).