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Monsieur le ministre de l’intérieur,de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
Diplômés étrangers visés par la circulaire du 31 mai promulguée par vos soins auprès des préfets de France, nous avons suivi avec grande attention l’effet de la circulaire «rectificative» du 12 janvier sur le sort des jeunes diplômés étrangers. Depuis sa publication, vous maintenez sans équivoque votre position, et défendez fermement ses principes directeurs, après avoir admis les «malentendus» nés de la première circulaire.
Depuis un mois, nous attendons de votre part des réponses concrètes à nos inquiétudes et à la confusion suscitées par cette nouvelle circulaire. Il n’en a rien été. Vous affirmiez que «les malentendus étaient désormais levés»; veuillez bien croire que du point de vue des principaux concernés, ceux-ci persistent et s’amplifient.
Vous présentez en effet le dispositif de l’autorisation provisoire de séjour, permettant depuis 2006 aux jeunes diplômés étrangers de rechercher un emploi à l'issue de leurs études, comme la «solution-miracle» aux problèmes de ces diplômés, dénoncés aussi bien par les étudiants que par les sphères universitaire, entrepreneuriale, politique et syndicale. Nous persistons à croire, monsieur le ministre, que ce dispositif, qui, au demeurant, ne constitue pas une innovation, ne favorise ni les diplômés, ni les entreprises qui les recrutent.
Compliquée par des contraintes de délais excessivement strictes, conditionnée par un engagement de retour au pays d’origine après la «première expérience professionnelle», dont la durée, la nature et l’intérêt restent à l’appréciation des préfectures, cette procédure laisse une fois de plus place à l’arbitraire. Dans ces conditions, est-il concevable que la réhabilitation de cette disposition, plaçant les jeunes diplômés sur siège éjectable, satisfasse les entreprises qui souhaitent les recruter?
Vous disposez également que la nouvelle circulaire, éclairant la procédure de changement de statut par une série de cas de figure valorisants, devrait apporter une solution aux difficultés des jeunes diplômés étrangers. Dorénavant, les préfectures pourront notamment prendre en compte «la connaissance approfondie d’un pays, d’une civilisation ou d’une culture étrangère». Est-il besoin de préciser qu’ayant étudié et vécu de longues années en France,et y ayant décroché des diplômes français, nous ne souhaitons en aucun cas être enchaînés à notre condition d’étrangers? Nos compétences n’ont pas de nationalité; demandez-le à ces entreprises qui nous embauchent. Elles savent apprécier nos talents, sans discrimination aucune, au même titre que celles de nos camarades de classe.
Enfin, vous promouvez la possibilité d’un réexamen administratif de nos dossiers, et la suspension provisoire des décisions d’éloignement nous touchant. Mais le cas de Nebia, arrêtée sans ménagement à son domicile au matin du 17 janvier, et celui d’Imane, qui a reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) après avoir demandé un réexamen de son dossier suspendant en théorie toute mesure d’éloignement, montre malheureusement trop bien qu’en l’absence d’une volonté politique claire, il ne s’agit là que de vœux pieux. Quelles seront les modalités d’examen des dossiers qui ont connu une issue défavorable après le 1er juin 2011? C’est d’une solution collective et de critères clairs et transparents que nous avons besoin, afin de couper court aux pratiques abusives, et de constater enfin que le droit est constant et égal en France.
Dans cette perspective, le «Collectif du 31 mai» maintient sa vigilance sur le terrain: plus que jamais, nous veillerons à ce que les préfectures appliquent la même loi pour tous, dans le respect des droits de chacun. Si cette nouvelle circulaire dénote une réelle volonté de normalisation de la situation, nous saurons le constater et nous en faire l’écho. Si non, nous continuerons à alerter les personnes et les organisations qui se sont mobilisées contre ce qui s’est apparenté jusqu’à présent à une vaine politique du chiffre.
Monsieur le ministre, nous persistons à croire que la circulaire du 31 mai est une erreur, qui a causé des torts incommensurables; ces torts ne seront pas redressés par des demi-mesures. Ce sont désormais des dizaines de pays amis de la France qui s’interrogent, des centaines d’entreprises qui ferment des postes fautes de pouvoir les occuper, des milliers d’étudiants étrangers qui se détournent de la France en privilégiant des contrées plus accueillantes et des milliers de citoyens Français qui s’inquiètent pour l’image de leur pays.
Parce que le temps presse plus que jamais, et que nous estimons que la circulaire du 12 janvier n’améliore en rien la situation des diplômés étrangers, nous revendiquons l’abrogation pure et simple de la circulaire du 31 mai. Autrement, comment croire à votre bonne volonté dès lors que cette circulaire, qui appelle les préfectures à examiner «avec la plus grande rigueur» nos demandes d’autorisation de travail, reste en vigueur?
Le 31 mai ne doit pas être le tombeau de votre politique d’accueil, mais le symbole d’un nouveau départ et d’une confiance renouvelée. Au-delà des enjeux qui nous concernent directement, il y a un autre enjeu qui nous dépasse largement, afférent à la façon dont notre société, en ces temps de troubles et d’incertitudes, se conçoit dans l’altérité. Un enjeu de Civilisation.
Monsieur le ministre, soyez assuré qu’au nom de l’ensemble des diplômés étrangers de France, nous ne baissons pas la garde.
Pour plus d'information, lire:
l'article de Carine Fouteau «Arbitraire des préfectures: les étudiants étrangers toujours en colère contre Guéant»
le reportage de Carine Fouteau «Circulaire Guéant sur l'immigration professionnelle: le ras-le-bol des agents de l'Etat»