Le 12 juillet, le sous-préfet de Saint-Nazaire signait un arrêté préfectoral qui interdisait « à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du football club de Nantes ou se comportant comme tel, d’accéder au stade Val Saint-Martin à Pornic et de circuler ou stationner sur la voie publique dans le périmètre aux abords du stade sur la commune de Pornic » (1). Cette interdiction s’appliquant deux jours plus tard, le 14, de 12h00 à 20h00, et dans le cadre d’un match amical opposant les nantais aux joueurs de l’En avant Guingamp. Si ceux que l’on surnomme « les canaris » se sont imposés, sur le score d’un à zéro, l’important est ailleurs. Précisément dans les raisons et le contexte qui motivèrent un tel arrêté, visant nominalement les supporters nantais.
Le 14 juillet, jour de fête nationale, les « supporters nantais » avaient donc pour interdiction d’accéder à une portion territoriale de leur propre département. Un individu quelconque, de passage à Pornic pour ses vacances estivales, ne pouvait donc se risquer à se balader en ville avec un maillot du FC Nantes (FCN). Ce dernier aurait alors pu tomber sous le coup d’un interdit préfectoral. Joie d’une société emplies de nombreux paradoxes.
Cet arrêté s'inscrit dans la haute tradition sécuritaire française en matière de manifestations sportives : interdire pour éluder. En effet, particulièrement ces dernières années, nombre d'interdictions de déplacements furent prononcés autour de matchs de compétitions de football, et ce, parfois, jusqu'en quatrième division. Voilà pour ce qui est du contexte global. Pour ce qui est du cas strictement nantais, cet épisode s'inscrit dans un conflit ancien, opposant la direction du club, par extension la famille Kita, aux suiveurs assidus du FCN.
Un conflit qui perdure depuis de nombreuses années, allant d'une dégénérescence sportive à une gestion familiale aux airs absolutistes de la part de Waldemar Kita, propriétaire du FCN, et en passant par un projet avorté de nouveau stade aux contours obscurs. Cette opposition s'est alors enrichi d'un nouvel épisode, ne grandissant ni les pouvoirs publics, ni les personnes se trouvant à la tête du FC Nantes, jadis grande institution du football français. En effet, l'arrêté préfectoral précédemment détaillé avançait que la présence de la direction du club à ce match était une des raisons poussant à la décision d'une telle interdiction.

Finalement, une cinquantaine de supporters nantais se présentèrent à Pornic, entourés de gendarmes et éloignés du terrain, et déployèrent une banderole démontrant toute leur motivation dans le conflit actuel : « KitaOut ». Plusieurs jours plus tard, lors d'un nouveau match amical, cette fois-ci contre Niort, les supporters contestataires purent atteindre les tribunes. Sans aucune violence, ces derniers entonnèrent des chants hostiles au propriétaire de leur club et rendirent hommage à Emiliano Sala, ancien attaquant nantais décédé dans un accident d’avion. Ce deuxième match et l'action des supporters démontrent toute la supercherie de l’arrêté publié dans le cadre de la première rencontre citée. Aucune violence et une contestation qui perdure, reposant sur les frasques d'un président-propriétaire tout puissant et une gestion désastreuse. Une contestation que l'on ne souhaite pas voir, que l'on élude à coups d'arrêtés préfectoraux.
L'entretien d'un mirage qui s'applique dans d'autres thèmes de notre football, notamment celui de sa diffusion de sa mise en valeur. Il y a de cela plusieurs semaines, était annoncé que la majeure partie des matchs de National 1 (troisième division), seraient désormais joués une heure plus tôt, le vendredi, à 19h00. Quelle réflexion peut mener à une décision pareille, si ce n'est une hallucination collective sur le véritable état du football en France ? Elle est en tout cas l'oeuvre de présidents de clubs plaçant en la télévision tous leurs espoirs. Une télévision qui par ses intérêts dénature le jeu qu'elle prétend incarner et exposer. Dans une division à l'affluence déjà famélique, un supporter devra, non sans difficultés évidentes, concilier occupations professionnelles et familiales et un horaire qui est au service de tout, sauf du football.
D'une réalité populaire faisons fi. Qu'elle soit celle de supporters désabusés et souhaitant récupérer un club qui est leur, car symbole d'une culture et d'un patrimoine communs, ou d'une pratique sociale plus globale comme celle relevant de la fréquentation des stades et impliquant une lutte légitime en faveur d'horaires adaptés. Le mirage dans lequel s'enferme le football français lui fait vite oublier sa valeur véritable et la réalité populaire qui est la sienne.
(1) : Préfecture de la Loire-Atlantique, Recueil des actes administratifs N°90, 12 juillet 2021