Lucas Alves Murillo
Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Sur le terrain

Suivi par 24 abonnés

Billet de blog 26 nov. 2020

Lucas Alves Murillo
Historien de formation. Collabore avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France. Spécialiste de l'histoire du sport et des sportifs, des mondes arabes et de l'Espagne contemporaine.
Abonné·e de Mediapart

Diego, l'adieu au romantisme

Diego s'en est allé. Voilà peu de mots, mais apportant une grande tristesse et une certaine désolation. Le plus grand représentant du romantisme vient sans doute de nous quitter, laissant orphelin ce football qui habite nos songes, celui d'antan, loin de la médiatisation à outrance et de l'inflation galopante. Maradona était un symbole d'une idée qui se meurt définitivement avec sa disparition.

Lucas Alves Murillo
Historien de formation. Collabore avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France. Spécialiste de l'histoire du sport et des sportifs, des mondes arabes et de l'Espagne contemporaine.
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si l'hypocrisie devait se matérialiser dans nos vies, l'industrie du football moderne serait un choix à privilégier. En effet, celui qui rend aujourd'hui hommage au joueur que fut Diego Armando Maradona, ne souhaite sans doute pas trop s'étendre sur l'homme. Celui qui déclarait posséder un « coeur palestinien » et manifestant des convictions politiques fortement ancrées dans son être, par ses mots mais aussi par le biais de l'encre sur son corps - des tatouages à l'effigie du Che et de Fidel Castro.

C'est ici que se noue le lien entre la mort symbolique et la mort physique. La mort symbolique du football romantique, dont Diego était le représentant le plus digne et le plus vibrant, est actée par la mort physique d'un footballeur unique en son genre, que cela soit pour ses gestes, son origine, sa vie et ce destin si spécial qui débuta dans les bidonvilles de Villa Fiorito, dans le sud de Buenos Aires.

L'enfant des rues que tu étais, ne cessa jamais de vivre en toi. D'une certaine manière, cette incarnation toujours vivace rappelait sans cesse l'essence même du football : celui de tous, populaire, joyeux et insouciant. Ton élévation vers les plus hauts cieux, qu'ils soient religieux ou sportif, permirent aux simples mortels de te voir danser, parfois de leurs propres yeux, mais aussi dans leur imaginaire, celui de tous ceux, qui comme moi, n'ont eu la chance de te connaître lors de tes plus belles heures. Dans une telle période, ta mort est lourde de sens, toi qui pensais, à juste titre, que « jouer sans public, c'est comme jouer dans un cimetière ».

Illustration 1
Diego Maradona, un joueur éternel

Diego, au-delà de tes exploits, resteront tes pensées, tes déclarations et autres coups de folie que la société semble parfois rejeter. L'Argentine était ton sanctuaire, Naples fut ton Olympe. Quel destin incroyable que celui-ci ? Quelles associations dantesques que ces dernières qui te construisirent en tant que joueur, en tant qu'homme mais aussi comme l'icône d'un siècle déchiré, violent et souvent injuste, plus encore dans les contrées sud-américaines. Tu as su rester fidèle à un idéal politique et sociétal et aux vagues socialistes et populaires latino-américaines successives. Dans un tel monde, c'est sans doute une prouesse de plus. Ton côté obscur que certains méprisent et continueront de décrier, ne saurait amoindrir la lueur qui entourait tes dribbles, ton sourire et ton jeu, à la fois enfantin et rêveur. Aujourd'hui, c'est un football bien loin du tien qui célèbre ta gloire éternelle. Celui que tu as tant choyé, par ta disparition, cesse d'exister pour de bon.

Je te remercie pour tout, ton oeuvre fut grande, ta vie fut, je l'espère joyeuse. C'est en tout cas ce que tu souhaitais nous faire retenir, toi qui affirmais vouloir une seconde vie, mais surtout la même. Tu avanças plusieurs fois une telle idée, notamment par ces mots qui furent les tiens, à la fois si simples et si beaux : « Je suis un joueur qui a donné de la joie aux gens et cela me suffit ». Que dire de plus ? Ces paroles dont tu avais le secret résument très bien ce que tu as été et ce que tu continueras d'être dans les souvenirs d'un football doré, celui des épopées fantasques, des idoles. Ce dernier nous dit adieu, comme s'il ne pouvait décemment survivre sans toi.

Evoquer Maradona c'est évoquer la vie, celle qui nous fait pleurer et rire, celle qui fait mal car elle nous offre des moments uniques, qui par définition, ne pourront jamais se répéter. Diego, tu es un romantique, qui fut parfois incompris, mais un romantique tout de même qui par sa mort démontre, une dernière et une fois de plus, tous les sentiments d'une passion qui fut tienne, comme pour des millions d'autres. Tu es plus fort que la mort elle-même car l'empreinte que tu laisses est si grande, qu'elle ne saurait s'évaporera. Adiós.


Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte