Ce texte n'est pas un billet d'humeur. Je le publie plusieurs semaines après la publication du texte d'Aissa Kadri au sujet de mon livre Histoire de l'Algérie et de ses mémoires des origines au hirak, publié chez Karthala.
Je me dois quand même de répondre à son texte par plusieurs remarques afin de nourrir le débat. Vous pouvez le consulter à cette adresse:
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/03/30/histoire-algerie-alcaraz/
Le mieux est d'ailleurs que vous lisiez mon ouvrage et que vous lisiez cette recension ensuite pour vous faire votre avis. Je précise que je collabore actuellement avec Aissa Kadri et Salim Chena pour un collectif que nous dirigeons aux Editions du Croquant dont le gérant est Louis Weber. Son titre est l'Afrique du Nord en transition
Juste quelques remarques:
1)Le point de vue d'Aissa Kadri est me semble-t-il fortement marqué par le nationalisme algérien sur lequel le chercheur ne se montre pas assez critique, lui qui pourtant a vécu à la fois dans l'Algérie coloniale et dans l'Algérie indépendante. Pourquoi? Je n'en sais rien. J'ai quelques hypothèses. Mais, il faudrait lire une égo-socio-histoire du sociologue algérien pour le savoir. J'ai fourni la mienne en postface de l'ouvrage. Je n'en publierai pas d'autre. Pour cette raison, sa recension me paraît peu émancipée par rapport à sa trajectoire. Aissa écrit "Il existait des volontés du côté du FLN de faire rester les Européens en Algérie et de les faire participer à la construction du pays, comme l'ont réitéré des discours solennels et publics de certains dirigeants, Ben Khedda, M'Hamed Yazid, Krim Belkacem, Ben Bella..."Le moins qu'on on puisse dire est que ce ne sont pas les décideurs qui se sont imposés à la tête de l'Algérie indépendante. Un autre point de vue a prévalu dont les "pieds rouges", les coopérants dans l'Algérie indépendante de 1962 à 1965 à l'époque où Alger était la Mecque des révolutionnaires, ont certainement pris toute la mesure.
2)Lorsque je parle de diactique des violences, il n'y a aucune ambiguité sur mon analyse de la conquête coloniale, des violences coloniales et de l'exploitation coloniale. Le chercheur le reconnait. Je traite aussi des rapports sociaux et des représentations à l'époque coloniale. Mon ouvrage ne se limite pas à la mise en cause des gros colons en collusion avec les hauts responsables francais. Aissa me reproche surtout de m'être référé à l'expression employée de Germaine Tillion, les ennemis complémentaires. Il oublie de mentionner que mon livre contient aussi un long développement sur Frantz Fanon même s'il note que je fais référence à cet auteur. Seulement, je ne fais pas de Fanon, l'alpha et l'omega de mon analyse. Je pointe aussi ses limites qui ne sont pas imputables à la seule préface de Jean-Paul Sartre dans les damnés de la terre. C'est bien moi qui a expliqué ce que les militants pacifiques du hirak doivent à Frantz Fanon à l'émission La fabrique de l'histoire d'Emmanuel Laurentin.
3)Pourquoi cette référence à Germaine Tillion dans mon livre? Justement, elle n'a pas commis l'erreur de Fanon(et aussi celle de Aissa Kadri). Si elle était anti-colonialiste, et du côté de la justice, Germaine Tillion n'avait pas une double échelle de valeurs. C'est pour cela qu'elle est au Panthéon. Les droits de l'homme, ce n'est pas uniquement pour un camp. Ce n'est pas à la carte. Ce n'est pas uniquement pour les vainqueurs. C'est universel. Ce n'est pas une hypocrisie bourgeoise comme le croient certains militants politiques prétendant faire des sciences sociales. J'ai beaucoup aimé et apprécié Henri Alleg, l'auteur de la question, le J'accuse de la guerre d'Algérie. Mais, j'aurais aussi voulu l'entendre davantage sur la torture au goulag et sur celle employée par les services de sécurité des pays de l'Est, qui ont fortement inspiré certains régimes du monde arabe. Bien sur, je comprends ce que représente la révolution d'octobre pour la génération de Henri Alleg et ses perspectives d'émancipation pour l'humanité. Pour autant, certains principes n'ont aucune exception.
Il n'y a pas d'un coté le 17 octobre 1961 dans Mediapart et de l'autre ,les massacres d'Oran dans Le Figaro et Valeurs Actuelles. Si vous lisez mon livre, vous ne lirez pas une histoire à la carte en fonction des engagements et des usages politiques du passé qui arrangent tel ou tel groupe de mémoire. C'est cela faire de l'histoire. C'est l'humaine tentative de parvenir à la vérité.