La très grosse prime Grenelle, l’inflation, le sacrifice des plus anciens
I. LE BUDGET 2023 … SI « GÉNÉREUX » !
Ce qui est pratique, quand on a truqué le budget de l’EN 2023 – qui avait en plus été présenté de façon très trompeuse - c’est que l’on peut alors décider ensuite de donner le montant de la revalorisation finalement « promis », si par exemple l’évolution de l’inflation, incertaine en avril 2023, se confirmait les mois suivants, et ultérieurs. Cela impliquera alors une augmentation « anormale » du même budget 2024, qui permettra ensuite de le présenter comme – encore ! – comme exceptionnel. Bon, une partie du budget manquant sera évidemment pris sur cette enveloppe de 300 M€ (900 M€ année pleine) de revalorisation « conditionnée », puisque, comme cela est partie, elle ne risque pas d’être beaucoup entamée …
Nous avons donc une troisième prime Grenelle, mais grosse, très grosse ! Mais quelle que soit son montant, elle ne fait que continuer la stratégie de tassement salarial dont Macron ne se sera finalement jamais éloigné depuis le début de sa présidence.
Alors pourquoi avoir finalement décidé de tant de « générosité » … enfin « tant de générosité pour la première moitié de carrière uniquement » … ?!
Tout est en rapport avec l’inflation.
II. L’INFLATION, SA RÉALITE !
Et à propos, avant de voir les conséquences sur la revalorisation, trois choses qui surprennent.
1) L’inflation « constante »
Une bonne partie de la population – dont les enseignants – ne se rendent pas forcément compte des conséquences qu’à déjà cette forte inflation, et de celles qu’elle aura sur le porte-monnaie. Ne se rendent pas compte que, en étant revalorisé de 3,5 % quand l’inflation est de plus de 6 % sur un an, et surtout continue, cela engendre des pertes de plus en plus importantes en pouvoir d’achat.
Et la communication n’aide pas forcément, elle peut même être trompeuse, sans que cela soit forcément voulu : par exemple, si on vous dit tous les mois que l’inflation est de 6 %, même si une bonne partie savent qu’il s’agit de l’inflation sur une année glissante, une bonne partie ne se rend pas compte que, si la valeur reste la même, cela signifie que l’inflation … continue à augmenter !
Petite explication mathématique :
Soit une inflation de 6 % année glissante, donc sur les 12 derniers mois. Et supposons que cette inflation est le résultat d’une inflation mensuelle ( Im) constante. Cela signifie alors que (1 + Im)12 =1,06.
Soit Im = 0,5 % environ.
Cette annonce constante de « 6 % d’inflation » tous les mois signifierait donc une continuation de l’inflation à hauteur d’environ 0,5 % tous les mois … et ce n’est pas rien !
Si on entendait cela une année supplémentaire, donc une inflation de 2 années complètes, cela signifierait que l’inflation aura été de 1,06²-1 = 12,36 % d’inflation … environ car avec l’hypothèse de départ.
Bref, attention à ne pas innocemment s’habituer à cette annonce constante depuis quelques mois …
Alors, pour info, l’inflation cumulée de ces deux dernières années - précisément entre décembre 2020 et décembre 2022 – est 9 %. C’est quand même pas mal, quand on sait que, pour l’instant une bonne partie des enseignants n’aura eu que … 3,5 % de compensation …
2) L’impact sur les prix
Là, beaucoup plus s’en rendent compte : l’augmentation des prix de l’énergie sur le marché européen – sur lequel s’aligne généreusement la France (car oui, il pourrait en être autrement comme pour l’Espagne et le Portugal …) a une incidence sur une bonne partie des produits, surtout les produits alimentaires, et cela continuera de plus belle …
Et ce dont il faut surtout se rendre compte, c’est que cela sera irréversible pour la grande majorité des produits. Concernant les carburants, cela dépend de pas mal de facteurs, mais on peut logiquement penser que, si recul il y a, cela sera dérisoire … pourquoi les producteurs de pétrole réduiraient-ils leurs tarifs, quand les citoyens ont finalement fini par accepter cette stabilisation à des prix aussi élevés ? Et bien sûr, en France, l’un des pays où les carburants sont les plus taxés, l’Etat ne va certainement se remettre à faire de remises, et encore moins à baisser les taxes. Et, pour ceux qui ne s’en seraient pas rendu compte, l’Etat se fait maintenant de belles marges supplémentaires avec une stabilisation des prix aussi hautes.
Avez-vous donc vérifié ce que vous dépensez en plus par mois dans vos achats de consommation courants depuis un an ? La facture a certainement beaucoup plus augmenté de ces 3,5 % de revalorisation, et probablement même plus que ces 6 % d’inflation de ces dernières années ….
3) Ce qui arrive et qui est déjà arrivé … oh, vous ne saviez pas ?!
a) Ce qui est déjà ou très bientôt effectif
Avant de parler de ce qui va arriver et va faire augmenter l’inflation, il faut déjà parler de ce qui est déjà arrivé : nous somme en janvier et, depuis le 1er, le bouclier tarifaire est passé, pour le gaz naturel (au tarif réglementé), de 4 % l’année dernière à ... 15 %. Et je précise que cela signifie qu’on repart des prix de 2022 et que l’on RAJOUTE donc 15 %. Pas comme si on avait juste augmenté de la différence, donc de 11 %. On compatit, d’ailleurs pour ceux qui se sont fait avoir en prenant un contrat avec tarif non réglementé …
Et pour l’électricité ? Ce sera exactement la même chose, mais avec un répit d’un mois, donc en vigueur le 1er février.
Et là, ça va commencer à piquer. D’ailleurs cela devrait impliquer la plus forte inflation sur les deux ou trois mois, de décembre 2022 à février 2023. On a hâte de découvrir les chiffres !
b) Ce qui arrive …
Le 1er juillet … certains sont déjà au courant car ils ont déjà reçu cette lettre/mail leur indiquant – en fait leur imposant – de changer de contrat pour le gaz à partir de cette date. Car, à partir de cette date, le tarif du gaz ne sera plus « réglementé », et cela sera sans exception, a priori. C’est-à-dire que les heureux consommateurs de gaz naturel vont découvrir les joies des prix du marché ! Et là, ce devrait faire plus que piquer …
Bon, pour l’instant il y a de quoi être optimiste puisque les prix du marché du gaz ont énormément diminué. Par contre les prix sont « lissés », donc cette baisse n’est pas (encore ?) ressentie, nul ne sait ce qu’il en sera dans les mois à venir, et, surtout le prix reste deux fois plus élevé qu’avant le Covid. La conséquence quasi certaine, c’est qu’au premier juillet les prix du gaz seront largement supérieurs au tarif réglementé actuel plafonnés à 15 % ...
Oh, il est prévu des « primes énergie » … ouf !
Enfin, non, des « primes », ça permet de faire passer la pilule le temps que les gens s’habituent, jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Et puis c’est bien, les primes, ça permet de ne pas procéder à ce qui serait évidemment la nécessité : l’augmentation des salaires. Ainsi, pour les fonctionnaires, en novembre 2022 A. De Montchalin affirmait, sans rire, qu’une prime de 100 € pour les fonctionnaires éligibles (celle de janvier 2023) était largement préférable à une augmentation du point d’indice pour tout le monde qui aurait été dérisoire … « oubliant » qu’avec un dégel du PI de 1 % et avec par exemple un salaire de 1500 €, on est gagnant au bout de 7 mois, et que l’on gagne ensuite 15 € tous les mois en plus jusqu’à la … la retraite ! Comme c’est ballot …
Enfin, non pas du tout pour les enseignants, en fait, puisque la très grande majorité d’entre eux, classe moyenne, n’en seront donc pas du tout bénéficiaire, tout comme pour celle de janvier 2022 …
Et pour l’électricité … qu’en sera-t-il au premier janvier 2024, après une année de bouclier tarifaire ? Peu de chance qu’il soit reconduit. Même si, là encore, les prix ont bien baissé ces derniers mois (puisqu’en partie basés sur ceux du gaz), l’augmentation réelle du tarif réglementé reste largement supérieure à ces 15 % de bouclier, et cela ne risque pas de redescendre rapidement …
Et, là encore, une pensée pour ceux qui n’auraient pas de contrat au tarif réglementé.
III. LE TASSEMENT SALARIAL AVEC SES ECONOMIES …. DOUBLES !
« Étrangement » les syndicats ne communiquent pas trop (du tout ?) dessus.
Alors je ne parle pas des économies faites directement sur les rémunérations des fins de carrière, en le les revalorisant pas (traitement indiciaire). Ca, tout le monde a compris. Mais peu se rendent compte des énormes économies que cela engendre pour l’Etat, sur les montants des futures pensions !
Pour rappel : le calcul du montant des pensions des fonctionnaires – et donc des enseignants - est basé sur les 6 derniers mois (au même échelon). Ainsi, si l’inflation est par exemple de 3 % en moyenne sur un an (et les 6 mois du même échelon), et qu’un enseignant n’aura pas été revalorisé, cet enseignant aura une pension à laquelle il manquera 3 % par rapport à ce qu’il aurait touché s’il avait donc été revalorisé à hauteur de l’inflation. 3 %, ce n’est pas rien ! C’est 45 € mensuels à rajouter sur une pension de 1500.
Et pour info : c’est l’Etat qui finance exclusivement (avec les collectivités territoriales pour certains fonctionnaires) les pensions des fonctionnaires. Ainsi, si le salaire d’un fonctionnaire est moins élevé que prévu, bien évidemment le prélèvement « PC » (pension civile) sera moindre, mais c’est tant mieux pour l’Etat et c’est aussi tant mieux pour payer la future pension qui sera aussi moindre ! Car ce n’est pas du tout le même principe que dans le privé : dans ce cas, si les salaires des salariés baissent, cela engendre une baisse de financement de la caisse de retraite et pose ainsi problème … mais donc pas pour les fonctionnaires, bien au contraire pour l’Etat que cela arrange énormément !
Et donc, si on s’intéresse à l’inflation depuis que Macron est au pouvoir : 12 % d’inflation !
(voir https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/001763852).
12 – 3,5 = 8,5 % d’inflation non compensée pour les fins de carrière …
Ca commence à faire beaucoup. 67,50 € d’économisés sur une pension de 1500 € à venir. Et bien sûr, économisés tous les mois jusqu’à … la fin de la vie de cet enseignant !
Et cela fait, en fait, plus de 13 ans que ça dure ! Enfin, « 13 ans » pour les pertes à la hauteur de l’inflation, mais cela avait commencé vraiment depuis l’année 2000, et depuis même, plus faiblement depuis les années 80 …
Bon, depuis 2013, compensations avec le dégel « présidentiel » de Hollande de 1,2 % environ en 2016 et 2017, puis celle de 2022, donc. Avec quelques très légères compensations aussi avec le PPCR, et donc aussi, à la marge avec la création de la classe exceptionnelle …
Mais alors depuis que Macron est là, JAMAIS les pertes de pension, et donc jamais les économies faites par l’Etat n’auront donc été aussi importantes !
IV. CONCLUSION
Il y avait quelques inquiétudes sur ce qui pouvait accompagner cette inflation galopante et en partie imprévisibles, surtout quant à ses conséquences : une possible récession. C’est-à-dire une baisse drastique de l’économie … de la production, des activités des entreprises en général etc …
Mais, finalement, tout va bien.
L’économie tourne bien, très bien, même. Les prix ont donc bien augmenté (on parle de 15 % en moyenne sur un an pour une bonne partie des produits d’alimentation) et, pour ceux qui ne le sauraient pas, cela augmente d’autant les recettes de l’Etat sur la TVA. Pour les carburants, le gaz, l’électricité et autres énergies … idem !
Et vous l’avez probablement compris : plus l’inflation est grande, plus l’économie se porte bien, et plus les économies faites par l’Etat sur les futures pensions des fonctionnaires seront grandes.
Ça tombe bien, les deux conditions sont réunies, avec une inflation à venir qui ne risque donc pas de freiner ! Dans ces conditions on comprend pourquoi le gouvernement pouvait consentir à cette grosse prime Grenelle, mais par contre à la condition de continuer à sacrifier les plus anciens, à continuer à faire donc aussi des économies sur leurs futures pensions … et bien sûr, encore plus d’économies sur les futures pensions des plus jeunes !
La résultante, c’est la continuation du déclassement du métier d’enseignant, qui ne sera plus qu’un job avec des perspectives d’évolution salariale de plus en plus réduite.
Sans même parler de la continuation prévue de l’augmentation du nombre de contractuels qui fera d’autant gagner en masse salariale …
Sans même parler de la fin de la GIPA, qui sera vraiment – finalement - la pierre angulaire des économies futures, et peut-être même ce qui est l’explication principale – oui oui ! – de cette apparente « générosité » …
Comment ça, vous ne savez pas ce que c’est, que cette GIPA ? Pourtant les syndicats auraient déjà dû communiquer dessus et alarmer de sa non reconduction désormais certaine, au vu des enjeux si importants que cela représente …
Ça mérite une publi sur le sujet !