Le président Emmanuel Macron profite encore de sa dernière victoire électorale et, cette fois, le système politique du pays compte des représentants de l'extrême gauche et de l'extrême droite au Parlement. Cette situation place M. Macron devant un formidable défi qu'il devra relever alors que les électeurs privés de leurs droits expriment leur mécontentement sur un grand nombre de sujets.
N'oublions pas le ressentiment populaire des deux dernières décennies, après l'échec du Premier ministre socialiste Lionel Jospin à accéder au second tour de l'élection présidentielle de 2002. La colère publique a été palpable au cours des années suivantes, mais c'est la taxe sur le fret routier qui a provoqué la révolte des bonnets rouges de 2013. Celle-ci a été suivie quelques années plus tard par les manifestations des gilets jaunes de 2018 et la victoire surprise de Macron.
Maintenant, avec l'extrême-gauche et l'extrême-droite ainsi qu'un milieu confus au parlement, la conversation politique en France est devenue confuse et chaotique. L'Europe est aujourd'hui confrontée à une guerre à l'Est, à une crise énergétique imminente, à une inflation élevée et à la menace d'une récession, ainsi qu'à une crise climatique croissante. Et ce, sans parler de la situation financière périlleuse de la France. Au lieu de redevenir le banquier de l'Europe, comme Paris l'était avant la première guerre mondiale, la France est maintenant embourbée dans la dette et risque de contribuer sérieusement à une nouvelle crise de la dette de la zone euro.
De nombreux citoyens sont encore furieux de ce qu'ils considèrent comme les mesures draconiennes prises par Macron pour endiguer le coronavirus. L'année dernière, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les règles strictes de Macron. Et les craintes pré-électorales sur le socialisme ou le capitalisme sont toujours présentes. Les hommes et les femmes de la classe ouvrière, en particulier les plus âgés d'entre eux, se souviennent du bon vieux temps. La jeune génération n'a pas ces souvenirs et veut plus. Pour certains, le clivage en France ne se situe pas entre la gauche et la droite, mais entre les riches et les pauvres.
Le mouvement des gilets jaunes a rassemblé des citoyens qui, il y a dix ans, se seraient qualifiés de socialistes, mais qui se qualifient aujourd'hui de "laissés-pour-compte". Ils sont désenchantés par le gouvernement et de nombreux citoyens ne voient pas nécessairement le socialisme ou le capitalisme comme la réponse.
Il est facile de dire que d'autres pays sont profondément divisés politiquement et peut-être même émotionnellement, mais regardons de plus près notre propre pays et faisons un peu d'auto-examen. Notre pays est fracturé, il en a assez et se prépare à se battre. L'année dernière, un groupe d'officiers supérieurs à la retraite a publié une lettre mettant en garde contre l'imminence d'une guerre civile, qu'il imputait en partie aux extrémistes islamiques. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Le conflit qui se prépare en France oppose ceux qui ont tout et ceux qui ont peu. Il oppose ceux qui sont bien lotis et ceux qui sont opprimés. Pour beaucoup, les règles du jeu ne sont pas égales et ils considèrent comme injustes de nombreuses politiques que le gouvernement actuel applique, qu'il s'agisse des impôts ou de l'augmentation du coût de la vie. Aujourd'hui, en France, une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. C'est choquant.
Marine Le Pen a recueilli beaucoup de soutien de la part des régions les plus pauvres et périphériques de France. Sa rhétorique anti-immigrés et ses promesses d'aider à réduire l'augmentation du coût de la vie lui ont valu de nombreux votes, mais ce n'était clairement pas suffisant.
Macron a parlé de la construction d'une nation de start-up hi-tech, ce qui plaît à la jeune génération. Plus il est proche des grandes villes, plus le vote pour Macron est important. Son plus grand défi est de réconcilier les régions périphériques de la France avec les zones connectées plus proches des villes. S'il a quelque peu réussi à faire baisser le chômage et à créer des programmes sociaux pour aider les nécessiteux, Macron est toujours considéré par beaucoup comme le "président des riches".
En remportant l'élection, Macron a reçu le mandat de réformer. Les citoyens en veulent plus et veulent que Macron prouve qu'il est digne du poste de dirigeant du pays. Mais quelle est la force de son mandat maintenant, avec une présence aussi forte de la gauche et de la droite au Parlement ? Gouverner une France aussi fracturée, tel est le plus grand défi de Macron.