Poitiers, 23 avril 2017. Premier tour des présidentielles françaises.
Ces élections on en parle depuis des mois, on en tremble, on craint le verdict du peuple de France. Jusqu’à il y a une semaine je faisais partie des indécis, de ce pourcentage monumental de la population qui ne savait pas pour qui voter. Et puis il y a une semaine j’ai décidé à qui je devais donner ma voix. Mieux que ça, j’ai su à qui je souhaitais l’offrir.
Ces élections sont importantes. Au niveau national bien sûr, le pays peut prendre des directions vraiment différentes selon qui est élu, mais aussi au niveau international. On le sent bien à l’attention qu’une partie du monde a porté à la campagne. L’Europe pourrait bien être bousculée, bouleversée même, pour le meilleur ou pour le pire... Et sans faire de chauvinisme le résultat du scrutin pourrait faire pencher la balance de la politique mondiale. J’ai le sentiment que nous avons atteint un point de basculement.
J’ai 40 ans. Je vote depuis que j’ai 18 ans et ces élections sont les plus importantes qu’il m’ait été donné de vivre.
En début d’après-midi hier je suis allée dans mon bureau de vote habituel, munie d’une carte d’électeur de 2015 (dernière en ma possession) et de ma carte d’identité, prête à remplir l’urne d’un précieux bulletin de plus. Au moment de l’identification, avant le vote, on m’annonce que je ne suis pas sur la liste des électeurs. - Sueurs froides - Peut-être dans un autre bureau de vote, les lieux de vote ont été modifiés, ils ne sont plus attribués par ordre alphabétique mais par proximité géographique (j’habite tout près mais bon... pourquoi pas)... Une des responsables appelle quelqu’un à la Mairie pour vérification et finit par m’annoncer que j’ai été radiée des listes électorales après trois envois infructueux de carte d’électeur.
Radiée !!!
J’ai été radiée sans sommation, sans appel téléphonique parce que trois fois de suite les cartes qu’ils m’envoyaient ne me sont pas parvenues. Mais où les adressaient-ils puisque la Mairie m’envoie d’autres courriers avec succès à mon adresse actuelle ?!
De plus, lors des régionales de 2015 je leur avais donné mon adresse puisqu’en effet je ne recevais pas leurs courriers électoraux. Nouvelle adresse qui avait été consignée par une personne de la permanence du bureau de vote. Cependant après enquête ce matin (24/04/2017) auprès de la Mairie et de la Préfecture de Poitiers, aucune trace de la remise en main propre de ma carte d’électeur en décembre 2015 pour les régionales ni du changement d’adresse (qui doivent pourtant être consignés dans un cahier prévu à cet effet afin de permettre une mise à jour de leurs listes).
Sans m’en informer, la Mairie de Poitiers m’a privée d’un droit fondamental citoyen, sans autre recours que me réinscrire pour les prochaines élections. Aucun moyen de voter cette fois. Je vais donc devoir assister à un événement national majeur sans pouvoir y participer à cause d’une erreur administrative, d’un manque de communication.
Je suis en colère. Révoltée et en colère. En colère devant cette énième preuve du dysfonctionnement d’un système devenu trop compliqué à gérer et qui a effacé l’humain. Nous sommes semble-t-il, à l’heure où j’écris, des milliers en France à ne pas avoir pu voter hier. L’administration française a ôté leur citoyenneté à des milliers de personnes hier.
Au-delà de l’émotion immédiate, je trouve cet événement grave. À quel moment a-t-on cessé d’être le pays des Droits de l’Homme ? À quel moment a-t-on perdu notre démocratie ?
Je suis allée à la Mairie et à la Préfecture ce matin pour déposer un dossier de recours. Leurs services reçoivent de nombreuses plaintes depuis hier. Je me demande combien nous sommes à cette heure à avoir été privés de notre voix sans avoir été avertis au préalable de l’annulation de notre droit de citoyen et pouvoir remédier à la situation.
Au-delà d’être grave d’un point de vue personnel, il me semble que c’est grave par rapport à ce que ça raconte de la société dans laquelle on vit. Il serait intéressant de nous réunir sur un espace virtuel commun pour nous rendre compte de l'ampleur du phénomène au niveau local et national.