Récemment, des pénuries de puces électroniques pénalisent l’industrie[1]. Pourtant nous en jetons tous les jours ou presque ! En effet, certaines puces communicantes sont jetables et à usage unique ! On les retrouve partout : dans les étiquettes des vêtements, sur les livres, sur des fromages, dans du béton…
Il s’agit de radioétiquettes RFID. En fait ce sont de très petits objets connectés qui servent de « code barre sans fil ».
Depuis dix ans environ, cette technologie méconnue du grand public, participe à une dissémination sans précédent de puces digitales (on parle en dizaines de milliard d’unités), le plus souvent jetables mais non recyclables.
Expert ou non des technologies, nous avons tous déjà eu cette technologie entre les mains, parfois sans nous en rendre compte. Par exemple, en achetant un article dans une enseigne d’équipements sportifs très connue, où tous les articles sont radio-étiquetés. Avec cette technologie, lors d’un passage en caisse automatique, vous n’avez pas à scanner les produits un par un. Tous les articles du panier sont identifiés d’un seul coup, à distance, grâce à leurs étiquettes RFID. La puce électronique (à l’architecture complexe) placée sur chaque produit assure la fonction de code barre sans contact. La technologie RFID permet un gain de temps considérable, en particulier pour la logistique (pas tant pour le consommateur). Lors d’un inventaire ou d’une livraison par exemple, plus de besoin de compter les articles un à un, il suffit d’approcher un lecteur RFID d’un rayonnage d’articles intégrant une radioétiquette. Le lecteur va alors lister instantanément tous les produits détectés dans un rayon de 10 mètres.
Si la prouesse technologique est notable, et pourrait même constituer un progrès dans un certain nombre d’applications ; elle pose question quant au gaspillage massif et effectif de dispositifs électroniques communicants, jetables et non recyclables. En outre, la difficulté de recycler un emballage initialement recyclable peut augmenter si celui-ci intègre une puce RFID. Par exemple, pour le recyclage du verre, notamment, les puces ou radioétiquettes RFID pourraient compliquer la recristallisation [2].
Si à l'avenir, une grande partie des produits de grande consommation vendus dans le commerce étaient radio-étiquetés, la facture énergétique et environnementale serait non négligeable. Pourtant, de plus en plus d’acteurs en prennent le chemin et intègrent cette technologie dite “sans contact” : l'industrie du luxe, de la cosmétique, des vins et spiritueux, l’industrie textile, aéronautique, automobile… On retrouve même des “tags RFID” sur certains fromages AOP !
En 2019, selon IDTechEx, presque 20 milliards de tags ont été vendus dans le monde, contre 17,5 milliards en 2018[3]. Une grande partie de ces tags sont en réalité des radioétiquettes jetables.
A titre d’exemple, radio-étiqueter une brique de jus de un litre revient à doubler l’impact carbone de l'emballage[4]. Autrement dit, une radioétiquette a une empreinte carbone équivalente à celle d’un pack 1L multi-matériaux (qui peut contenir du lait, du jus de fruit, etc.). C’est donc à la fois faible (une brique ou un déchet de plus) et important au regard des volumes, car la technologie jetée n’est pas anodine. Pour sa fabrication, la puce RFID, et plus généralement la radioétiquette, ont nécessité des ressources et des matériaux éparpillés sur toute la planète. Des centaines d’étapes de fabrication (nano)technologiques parmi les plus avancées ont été nécessaires à la fabrication de ces étiquettes communicantes. Le temps de fabrication d'une plaque de puces RFID est plus important que celui d'une paire de chaussure. Ce gâchis technologique pose donc plusieurs questions au niveau sociétal, environnemental, et énergétique :
- Pourquoi les radioétiquettes ne sont-elles pas classifiées comme déchets électroniques alors que ce sont des objets connectés ?
- Qui se charge de la fin de vie des radioétiquettes ? Qu’en faire ? Comment les réutiliser ou les recycler ?
- Quel risque la dissémination, à un rythme rapide, de milliard de déchets intégrant des puces RFID, fait-elle peser sur les ressources et sur l'environnement (en particulier si ces déchets connectés se retrouvent dans la Nature) ?
- Peut-on se permettre collectivement un tel gâchis de technologies au regard des pénuries et des besoins futurs en puces électroniques ?

Pour en lire plus… Le livre « Avec ou “sans contact” ? » par Etienne Lemaire
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Références :
[1] France Culture, le 09/02/202, Comment expliquer la pénurie de puces électroniques ?
[2] Rapport “Recyclabilité et puces RFID, les livres blancs du CITC” , n°003, 2015,
[3] RFID Forecasts, Players and Opportunities 2019-2029, IDTechEx, https://www.idtechex.com/fr/research-report/rfid-forecasts-players-and-opportunities-2019-2029/700
[4] « Avec ou “sans contact” ?»,( 10/2021 publié) par Etienne Lemaire, https://books.google.fr/books/about/Avec_ou_sans_contact.html?id=zClLEAAAQBAJ