Du mal au mot…
Les mots sont souvent beaux et inoffensifs lorsqu’ils sont utilisés pour ce qu’ils sont par une bouche consciente de ce qu’elle dit. J’aime malmener certains mots, pour le plaisir de les prononcer comme celui de les écouter. Un plaisir simple et solitaire qui me met en joie sans heurter la tranquillité de mon voisin. « Ratatouille », je le dis en roulant le R jusqu’à m’en chatouiller l’arrière gorge puis je crache TATOUILLE qui vient se glisser sur ma langue qui ondule.
Fillon, j’aime le prononcer vite, sans respecter les deux syllabes qui le composent. C’est transgressif mais pas encore dangereux.
Assistanat… jusqu’à hier, je trouvais le son de ce mot aussi joli que sa définition. Le rythme des A qui ouvrent et ferment ses 4 syllabes. Les deux S qui pourraient laisser croire, si l’on s’y attarde trop longtemps après avoir dit le A, le visage fermé, les sourcils broussailleux et froncés et la bouche pincée, que l’on est sur le point de laisser sortir le mot ASSASSIN.
Assistanat ne peut se dire que le regard emprunt d’empathie, les lèvres légèrement écartées et le sourire naissant. Assistanat, en réponse aux morsures de l’hiver qui s’annonce, aux mains tendues qui viennent de si loin, aux regards de ceux qui en ont déjà trop vu.
Assistanat, je le vois comme un mot qui sauve, qui répare, qui donne le statut d’assistant à celui qui le dit joliment.
Mais certains le prononcent en le crachant, comme si le garder trop longtemps en bouche allait réduire à néant la fermeté de son locuteur. Assistanat comme un trop plein de mielleuseries, un excès de faiblesse, une dangereuse solidarité.
Depuis quelques années, depuis hier, ce mot est sali par les lèvres de femmes et hommes politiques qui assassinent les espoirs les plus simples. Assistanat, ça n’est pas déshabiller Paul pour habiller Jacques, c’est habiller Paul et Jacques à la fois. Assistanat est un mot qui n’est pas quotté en bourse mais sa valeur devient inestimable tant il se raréfie !
Se passer le mot, ça n’est pas passer du mal aux maux, c’est dire les choses comme elles doivent être dites, en pensant aux plus fragiles, aux plus déshérités sans jamais les heurter. Mais ce mot est passé de mode, on lui en préfère tant d’autres… social, culture, nature seraient-ils les prochains à balayer de notre vocabulaire républicain?