Le journal le Monde a publié le 15 février une longue interview de Saleh Kebzabo, qui se revendique chef de l’opposition au président Idriss Déby. Cet entretien à sens unique ne change pas du discours habituel de Kebzabo. Idriss Déby, dont il fut ministre pendant huit ans, serait à l’origine de tous les maux du Tchad, et le salut viendrait d’un dialogue inclusif avec l’opposition qu’il prétend incarner.
C’est un mot qui revient beaucoup dans le monologue de Saleh Kebzabo : dialogue inclusif. « Nous avons proposé l’ouverture d’un dialogue national pour sortir de l’impasse dans laquelle est entraîné le pays. Mais, jusqu’à présent, le pouvoir nous a opposé une fin de non-recevoir. », a-t-il notamment affirmé. Ce serait risible si le sujet n’était aussi grave. Le 10 août dernier, le président Déby a lancé une concertation nationale sur la réforme des institutions de l’État. Il a notamment convié le Front de l’opposition nouvelle pour l’alternance et le changement (FONAC), qui a été fondé par Saleh Kebzabo, avant que celui-ci ne se brouille avec le reste de l’opposition et n’en soit chassé. C’est donc son nouveau secrétaire général, Mahamat Ahmad Alhabo, qui avait échangé de manière critique et constructive avec le président Déby.
Le problème, aux yeux de Kebzabo, n’est donc peut-être pas tant que le gouvernement ne dialogue pas avec l’opposition, mais qu’il ne dialogue pas avec Saleh Kebzabo.
Plus préoccupantes sont les menaces à peine voilées que le politicien distille lors de cet entretien : « La réélection (…) d’Idriss Déby en 2016 (…) a poussé beaucoup de militants à rejoindre les mouvements de rébellion installés dans le sud de la Libye et au Darfour. Il s’agit de milliers d’hommes. Ils guettent le bon moment pour intervenir et je peux vous l’assurer, il y aura du grabuge. » Saleh Kebzabo se revendique donc de groupes armés dont certains, comme le FACT, en Libye, ont le triste privilège d’être considérés par l’ONU comme des bandes mercenaires se livrant au trafic de drogues et d’être humains.
Au bilan, Saleh Kebzabo propose à travers cet entretien une sorte de pamphlet qui ne fait pas honneur à la vie politique tchadienne. On s’étonne un peu que de telles déclarations ne suscitent quasiment aucune question de la part de la journaliste qui mène l’entretien, qui livre les propos de Saleh Kebzabo sans contexte ni contradiction.