Le 24 septembre, le président américain Donald Trump a signé un décret mettant à jour les mesures de restrictions à l’entrée aux États-Unis visant les citoyens d’un certain nombre d’États, pour la plupart à majorité musulmane. À la surprise générale, cette nouvelle version inclut désormais les ressortissants tchadiens. Les justifications de la Maison blanche sont pour le moins floues : le Tchad ne partagerait pas « de manière adéquate » ses informations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Des éléments de langage qui laissent experts et diplomates stupéfaits, au vu de la qualité et de l’intensité de l’engagement du gouvernement d’Idriss Déby et de son armée dans la lutte contre le terrorisme, sur tous les fronts de la région.
Le gouvernement tchadien n’a pas tardé à réagir, exprimant dans un communiqué son « incompréhension face aux raisons officielles derrière cette décision », et appelant Washington à revoir sa position. De nombreuses voix se sont élevées pour protester et soutenir le Tchad. L’Union africaine a manifesté sa « perplexité » et dénoncé le caractère « injuste » de cette décision. La France s’est également déclarée « surprise », et a appelé à la levée de cette mesure : « Le Tchad est un partenaire décisif dans la lutte contre le terrorisme (…) La France espère à cet égard que les États-Unis et le Tchad, qui sont deux pays alliés et partenaires, trouveront rapidement une solution permettant de lever cette interdiction », a déclaré la porte-parole du Quai d’Orsay, Agnès Romatet Espagne. Le G5 Sahel a de son côté « exhorté les Etats-Unis à retirer le Tchad de leur liste (…) mettant en garde contre les conséquences d’une telle décision sur l’implication tchadienne dans les efforts de pacification de la région ».
La communauté des experts de la lutte contre le terrorisme est unanime : du point de vue de la sécurité régionale, cette décision n’a aucun sens. Un certain nombre de responsables à Washington s’y sont même ouvertement opposés, au nom de la défense des intérêts américains.
La véritable explication est peut-être à chercher sur le terrain commercial. Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, n’est autre que l’ancien président directeur général du groupe Exxon-Mobil. Cette entreprise est majoritaire dans le consortium qui exploite le bassin pétrolier de Doba et l’oléoduc Tchad-Cameroun. La relation entre Exxon et le gouvernement tchadien a été tendue ces derniers mois, ce dernier infligeant une amende sévère au groupe américain en raison d’impayés sur la redevance qu’il doit au Tchad. Difficile de ne pas voir dans cette décision américaine un mesure de rétorsion. Celle-ci pourrait s’avérer gravement contre-productive, tant pour l’avenir d’Exxon au Tchad que pour la relation bilatérale avec les Etats-Unis.