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Billet de blog 15 janv. 2015

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Les fauteurs de choc n'ont perdu que la première manche

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Un climat de haine montait depuis des mois, au fil des succès électoraux du Front national et sur la lancée des menées « identitaires » du sarkozysme partiellement relayées par Manuel Valls, surtout pendant son passage au ministère de l’Intérieur (discours sur les Roms censés ne pas chercher à s’intégrer, 24 septembre 2013 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/valls-et-les-roms-pour-les-ecolos-le-discours-d-exclusion-est-insupportable_1284874.html ). L’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, le 7 janvier, par de jeunes Français fanatisés d’origine maghrébine, avait tout pour être le coup d’envoi d’un basculement du pays dans le « choc des civilisations »… et c’est quelque chose de très différent qui s’est produit. Les millions de manifestants des 10 et 11 janvier ont fait apparaître l’isolement des assassins. L’amalgame entre islam et islamisme ou djihadisme, qui devenait monnaie courante, semble en reflux.

Il reste beaucoup à faire pour clarifier les idées sur le caractère erroné et dangereux de la théorie huntingtonienne, comme sur la légèreté avec laquelle la France a réintégré l’OTAN, s’est lancée dans des guerres à la fin du dernier quinquennat puis au début de l’actuel et a même failli intervenir seule en Syrie en août 2013 à partir d’un dossier sur le bombardement chimique d’un faubourg de Damas attribué à Bachar el-Assad, sans qu’aucun élément de preuve ait été produit à ce jour.

Il ne suffit pas de marteler la distinction, ô combien vitale, entre l’islam et une "guerre sainte" censée avoir été ordonnée en tout temps et en tout lieu par son fondateur. Il est tout aussi vital de faire progresser l’idée que les crimes politiques qui ont pullulé au XXème siècle, et ne semblent pas en voie de disparition, ont beaucoup à voir avec l'inexistence, ou quasi, d'une légalité internationale digne de ce nom. Ce n’est pas d’un excès de SDN ou d’ONU qu’on a souffert et qu’on souffre, mais bien de l’absence, jusqu’en 1919, de toute organisation permanente des rapports entre Etats et des entraves mises ensuite, par les grandes puissances, au fonctionnement des instances créées pour combler cette lacune.

Parmi les amalgames qu’il importe de dénoncer, le moins pernicieux n’est pas la projection sur le monde actuel de la situation créée par l’arrivée de Hitler au pouvoir. Si la comparaison de Poutine avec le chef nazi semble battre de l'aile, les termes de « nazislamisme » et d’« islamo-fascisme » se portent mieux que jamais, et n’ont aucune espèce de fondement. L’Allemagne et l’Italie étaient des pays développés aux fortes traditions politiques alors que les pays musulmans où prospère le djihadisme ont des économies peu insérées dans la mondialisation, des universités marginales et un degré faible de politisation des masses. Surtout, le nazisme était non une idéologie mais un mouvement, et un projet très vaste de conquête au profit d’une seule nation, dont aucun équivalent n’existe de près ou de loin. La question posée est, si difficile soit-elle, celle du développement, et non de la recherche d'alliances pour des solutions guerrières en miroir des entreprises adverses, dont la vanité éclate un peu plus chaque jour.

Pas davantage n’est admissible l’assimilation à des « munichois » ou à des « collabos » des gens qu’on estime insuffisamment prêts à en découdre avec le monde musulman. « Les anciens sont les anciens et nous sommes les gens de maintenant », dit dans une pièce de Molière une servante astucieuse dont on ferait mieux de s’inspirer. Sans oublier pour autant que Hitler a très largement modelé, tant par son ascension que par sa défaite, les rapports de force actuels, qu’une analyse sérieuse du nazisme aurait dû être en 1945 la tâche première de l’ONU et qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.

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