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Billet de blog 12 avril 2025

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Quand les gyrophares n'arrêtent plus les balles

Macron, Rafah et la géométrie variable de l’indignation

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La France, toujours prompte à verser sa petite larme diplomatique, a exprimé son "émotion" — ce mot-valise pour dire tout et surtout ne rien dire — après la découverte des corps de quinze secouristes du Croissant-Rouge palestinien et de la défense civile, retrouvés le 30 mars, une semaine après leur exécution. Non, ils ne sont pas "décédés dans le cadre d’une opération militaire", comme l’affirme le communiqué anesthésiant : ils ont été traqués, arrêtés et exécutés froidement alors qu’ils tentaient, crime impardonnable, de sauver des vies à Rafah.

Une vidéo, capturée sur le vif par l’une des victimes, est venue briser le storytelling aseptisé : ces humanitaires ne sont pas tombés sous les balles perdues du chaos, mais sous les tirs très ciblés d’une armée qui a vu, su, et tiré. Le convoi d’ambulances, visible comme un sapin de Noël et bruyant comme une sirène d’incendie, n’a pas été "pris dans les combats". Il a été délibérément intercepté. Et ses occupants, réduits au silence.

Et puisqu’on parle de "découverte des dépouilles", précisons : il aura fallu une semaine entière pour que les collègues des victimes puissent accéder aux lieux de l’attaque. Le mot "découverte" sonne ici comme un doux euphémisme pour masquer la puanteur de l’inaction complice.

Quant à l’"émotion" française, elle se dissout dans un communiqué sans épaisseur, sans nom, sans colère. Pas de condamnation, pas d’exigence. On se contente de froncer les sourcils et d’aller dîner.

Depuis les massacres du 7 octobre, la diplomatie française a fait un looping moral. Finie l’époque gaullienne où Paris tenait tête à Tel-Aviv et rappelait, la mâchoire serrée, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Aujourd’hui, la France embrasse avec une langueur gênante le discours d’un gouvernement israélien d’extrême droite, pendant qu’elle oublie, dans un silence d’huissier, le droit international humanitaire.

À Gaza, les lois de la guerre sont piétinées avec une régularité de métronome, mais nos indignations restent calibrées, feutrées, diplomatiquement tempérées. Quand Macron dénonce du bout des lèvres l’usage de l’aide humanitaire comme "instrument de guerre", on peine à entendre la voix gaullienne d’autrefois. En Ukraine, l’agression russe provoque une avalanche de condamnations, sanctions, discours martiaux — et à raison. Mais à Gaza ? Circulez, il n’y a rien à voir. Ou plutôt : il y a tout à voir, mais il ne faut surtout pas regarder.

Voilà donc où nous en sommes : des ambulanciers assassinés, une diplomatie aveugle, et des principes rangés au placard, entre deux contrats d’armement et une conférence de presse.

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