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Billet de blog 3 février 2022

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BAC NORD de Cédric Jimenez

Le film décrit une situation inacceptable, en démonte quelques mécanismes avec réalisme. Cette situation dans certains quartiers est la réalité et tout en feignant de la dénoncer la droite-extrême et ses commensaux de LR en font leur miel. Ce n'est pas une raison  pour se réfugier dans le déni et de leur laisser ainsi le champ libre.

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Deux ou trois choses viennent immédiatement à l'esprit. Nous ne sommes pas dans un univers peuplé de bisounours. Quand l'argent facile des trafics de stupéfiants coule à flots, on ne fait certainement pas de la police avec des enfants de choeur se déplaçant en voiture à gyrophare. On n'entrave pas ces trafics souterrains sans renseignements fiables et précis et il est peu probable que la police les obtienne en promettant la médaille du Mérite agricole ou la rédemption dans un monde meilleur pour les avoir.

Le décor est ainsi planté et il n'est pas seulement question des quartiers nord de Marseille qui, à intervalles réguliers, défraient la chronique ; cela concerne à des degrés divers la plupart des grands ensembles en déshérence dans les banlieues des grandes métropoles du monde. La série américaine On wire relatait le quotidien d'une brigade de police à Baltimore dans le Maryland et montrait que le démantèlement du trafic dans un quartier de la ville se concluait toujours par une reconstitution de la même activité un peu plus loin.

Le démantèlement de ces réseaux est un éternel recommencement, à décourager le policier le plus blasé et à ouvrir la porte à toutes les dérives. Le trafic de produits stupéfiants est une Hydre de Lerne qui conduit ceux qui sont chargés de couper les têtes de la bête à recourir parfois à des méthodes de plus en plus expéditives ou encore à s'éloigner dangereusement du code de procédure pénale. La puissance dont se parent les trafiquants conduit la population à la résignation, si ce n'est à la désespérance puis, de proche en proche, à des formes de connivence pour certains. Une autre porte s'ouvre dès lors, celle de la démagogie de ceux qui font de cette délinquance et de l'insécurité qui en découle leur fond de commerce.

BAC nord (Brigade Anti Criminalité des quartiers nord de Marseille) pose tout cela sur la table et Cédric Jimenez, le réalisateur, sans exonérer qui que ce soit, n'accable pas pour autant.Trois policiers formant un équipage de la BAC nord, Greg/Gilles Lelouche, Antoine/François Civil et Yass/Karim Leklou sont invités par leur hiérarchie à faire du chiffre et surtout à frapper un gros coup pour satisfaire le ministre de l'Intérieur. Faire un gros coup mais en se débrouillant eux-mêmes. Une informatrice possible, Amel/Kenza Fortas accepte contre rémunération en nature (entendez 5 kg de cannabis garanti de qualité) de fournir les renseignements permettant de mettre la main sur une grosse livraison. Le cannabis nécessaire à la transaction est collecté gramme par gramme auprès de dealers mis à l'amende et l'opération peut donc avoir lieu et être fructueuse. Le manège d'Antoine n'échappe cependant pas à ceux qui sont toujours à l'affût d'avoir barre sur un flic pour se dédouaner en cas d'ennui. C'est probablement pour cette raison que la collecte de cannabis arrive aux oreilles de l'Inspection Générale de la Police Nationale.

La hiérarchie finit par se retourner contre eux et là où il n'y avait au départ qu'un franchissement de ligne jaune pour la bonne cause, l'IGPN voit un groupe de flics ripoux qu'il faut sanctionner au plus tôt car ce type d'intervention fait partie du même fond de commerce politique que celui dont les démagogues font leur miel.

La seconde partie du film traite de cette enquête sur les trois policiers. Une enquête principalement à charge qui aboutira à la radiation des cadres pour deux d'entre eux. C'est dans cette partie que Cédric Jimenez insiste sur la situation dans laquelle Antoine est placé. Il doit choisir entre la loyauté vis-à-vis de son informatrice à qui il avait promis l'anonymat et la loyauté envers ses équipiers. Révéler l'existence d'Amel et l'accord passé avec elle pourrait éventuellement lever le doute sur les raisons de la collecte. Tout cela dans un contexte où sa propre hiérarchie botte en touche avec aplomb, en feignant n'avoir été informée de rien et où un corps d'inspection semble davantage préoccupé de faire du crâne que de cerner une réalité complexe.

Bac nord est de mon point de vue un film équilibré qui tente de rendre compte de la complexité du travail des policiers sur un terrain mouvant et d'une dangerosité à tout point de vue. Il ne s'agit en aucune manière de dédouaner les dérapages parfois réels de la police, mais de poser un regard lucide sur la réalité. Le film de Cédric Jimenez le fait et c'est son mérite.

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