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Billet de blog 9 janvier 2022

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BENOIT ET XAVIER CHEZ LES MICMACKS

Il n'y a pas que la politique dans la vie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette année-là, Benoît et Xavier ont décidé de prendre une année sabbatique avec femmes, enfants, chiens et chats pour enfin vivre la grande aventure de leur vie. Ils ont décidé d'aller au Canada pour renouer au plus près avec la vie des trappeurs dont ils avaient lu toutes les aventures dans leur enfance. Une véritable cabane de trappeur sur le territoire des amérindiens Micmaks, sur la rive sud du fleuve Saint Laurent, est donc louée à l'année par l'intermédiaire d'un ami iroquois, agent touristique à Québec.

Arrivés sur place, bien avant l'été indien, ils ont immédiatement entrepris de faire des réserves de bois de chauffage pour faire face à l'hiver canadien, qu'ils savaient sévère. Il ne s'agissait évidement pas de se lancer dans des abattages improvisés d'arbres qui n'auraient pas pu servir à se chauffer à peine quelques semaines plus tard. Ils ont entrepris de ramasser du bois mort, donc réputé sec, qu'ils ont ensuite débité, calibré et soigneusement rangé dans un appentis prévu à cet effet.

Pour le cas où vous envisageriez de vous lancer dans la même aventure ou plus prosaïquement vous contenter de quelques belles flambées dans votre insert de salon, il n'est pas inutile à ce stade de rappeler qu'il est prudent de veiller à disposer d'un bois bien sec. Le bois sec peut être humide et même mouillé, mais il ne doit plus être vert, mais de tout cela je vous parlerai plus tard dans un autre billet.

Après cette petite digression, revenons au Canada auprès de nos amis Benoît et Xavier.

Tous les matins, dès potron-minet, ils se mettent à l'ouvrage. Ils scient, fendent puis entassent les bûches dans leur appentis en veillant à laisser des interstices pour que l'air circule bien et achève le séchage du bois. Il ne leur a pas échappé que du haut d'une colline voisine un vieux chasseur Micmak enveloppé dans une couverture aux couleurs vives les observe avec attention.

Après quelques semaines de dur labeur, une sourde question finit par tarauder les deux compères.

  • Ne crois-tu pas que nous avons suffisamment de bois pour passer l'hiver ?, s'enquiert Xavier.
  • Aucune idée ! Tout dépendra de l'hiver, lui répond Benoît, nous devrions peut-être demander à l'indien qui nous observe, il connaît le pays.

Sur ces mots, Xavier pose sa cognée, retire ses gants de laine et se dirige vers la colline pour interroger l'autochtone.

  • Ugh !, lui dit-il en levant la main droite et en présentant la paume de sa main ouverte pour bien montrer qu'il n'a aucune arme, par conséquent aucune intention malveillante.
  • Gaîsuwa tsakanin mutun biyu ko daiwa daga asuba har zuwa tasawa rana, lui répond le brave en levant sa main gauche, ce qui donne à penser à Xavier qu'il doit être gaucher .

Xavier comprend que son interlocuteur est lui-même entrain de le saluer dans sa langue en une longue formule qui en gros veut dire :  « Salut, j'espère que tu vas bien parce que cela fait longtemps que je ne t'ai pas vu ». La conversation se poursuit cependant en anglais que les Micmaks comme les Algonquins pratiquent couramment.

  • Pensez-vous que l'hiver sera froid cette année ?, s'enquiert Xavier.
  • Oui, il fera très froid cet hiver, lui répond celui qui lui dit s'appeler Amaljugwej, ce qui en langue micmak veut dire Raton-laveur.

« Atie' wit », « Good bye » . Après les salutations d'usage, Xavier retourne à la cabane et rapporte sa conversation à Benoît, tout ouïe. La cause est entendue et les deux nouveaux trappeurs se remettent à l'ouvrage, sciant, fendant et entassant de plus belle. Dix stères de bois supplémentaires rejoignent les bûches déjà entassées.

  • Je crois que désormais nous sommes parés pour l'hiver le plus sévère, mais par acquis de conscience, retourne tout de même auprès de notre ami sur la colline et demande-lui s'il pense que l'hiver sera vraiment exceptionnellement froid.

La réponse est sans appel, d'après Raton-laveur, l'hiver sera vraiment très, très froid, peut-être le plus froid depuis longtemps, et à nos amis de se remettre à scier, à fendre et à entasser davantage encore.

Jamais, de mémoire de Micmak, autant de bois ne fut débité en si peu de temps. Lors de la dernière entrevue de Xavier avec le vieux sage, il a fini par lui demander ce qui lui permettait d'être si affirmatif quant à la rigueur de l'hiver à venir. Il a simplement répondu en opinant longuement du chef : « L'hiver sera terriblement froid car j'ai vu les deux visages pâles faire beaucoup, beaucoup de bois ».

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