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Billet de blog 11 janvier 2022

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BARON NOIR

Trois séries qui traitent de la politique tout en étant d'un intérêt très inégale. Maison Blanche ( West Wing), Borgen, une femme au pouvoir et Baron noir. Quelques centaines d'heures de vrais documentaires sur ce qu'est la politique.

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Il en est de la politique comme de la religion, elle a sa grandeur et sa noblesse. Leur malheur est qu'elles sont aux mains de l'homme, qui en use et en abuse, rarement pour leur donner leurs lettres de noblesse. Nous devons sans doute nous en accommoder, mais pour une part seulement et c'est dans l'exercice d'un esprit critique et de manifestations d'opposition à leurs pires excès que politique et foi retrouvent leur plein sens.

Pour que notre société se développe dans l'harmonie et dépasse les inévitables soubresauts qui l'agitent, il faut de la foi. Entendons-nous, pas de la religiosité, mais de la confiance et quelque chose qui relève de l'espérance. Une confiance dans nos institutions et en ceux qui en sont les administrateurs temporaires. L'espoir qu'une situation peut s'améliorer et qu'il ne faut pas sombrer dans le désespoir qui n'est pas forcément de bon conseil. C'est ce que nous appelons le contrat social qui nous lie et qui doit sans cesse être régénéré.

En regardant une série aussi impliquée dans la vie politique immédiate, il est opportun de se poser la question de savoir si elle tient ses promesses et donc d'abord de rappeler quelles en étaient les promesses. Je dois dire que je ne retrouve pas trace de la promesse faite, j'en conclus que la première série politique française s'est inscrite dans une tradition bien établie qui affirme qu'une promesse n'engage que ceux qui la croient, avec cette innovation que, désormais, c'est à nous de l'inventer. De cette manière, nous ne pourrons que nous en prendre à nous-mêmes si elle n'est pas tenue.

En 2010, sort sur les écrans Borgen, une femme au pouvoir, série danoise qui relate la trajectoire politique d'une première ministre de fiction, Birgitt Nyborg. Des commentateurs voient en elle Helle Thorning-Schmidt, celle qui sera la première ministre danoise « pour de vrai » de 2011 à 2015. Nous verrons la série sur Arte à partir de 2012. C'est en 2016 que Canal+ diffusera la première saison de Baron noir, présentée un moment comme le Borgen français et même pour les plus audacieux comme un West Wing hexagonal.

Borgen et West Wing (en France Maison Blanche), la série danoise et la série américaine sont bien dans la même lignée. On y traite de la complexité de l'exercice du pouvoir politique, des grands sujets de société auquel tout pouvoir politique est inévitablement confronté : le racisme, l'éducation, la santé, la politique internationale, le terrorisme. Ils constituent même la matière dominante des épisodes. Une certaine réalité de la politique avec ses arrière-pensées, ses chausse-trappes et ses trahisons, n'est pas absente pour autant des deux séries, mais elle ne constitue pas l'essentiel du propos. Les difficultés de passer des accords politiques, puis de gérer les aléas de ces alliances sont bien présentes dans Borgen et nous rendent la série plus familière que West Wing, car le système fondé sur le bipartisme nous est peu familier.

Les hommes et les femmes qui exercent le pouvoir y sont des êtres de chair et d'os, avec leurs forces et leurs faiblesses ; ils ont une vie personnelle, des sentiments et des états d'âme. La vie privée est présente, mais à dose homéopathique et sans interférer dans ce qui fait la matière des épisodes, en tout cas ni plus ni moins que s'il s'agissait de la réalité.

Les deux séries ont en commun une image positive de la politique, sans naïveté, ni simplifications abusives. J'ignore si une promesse était faite, mais celle que les deux séries ont comblée en moi, c'est bien d'avoir redonné son sens à ce qui permet au contrat social de perdurer. Je place en revanche la série Baron noir dans le prolongement de l'autre série politique américaine House of cards sortie sur Canal+ en 2013. Celle-ci traite également surtout des thèmes de la trahison, de la manipulation, du pouvoir et du pragmatisme le plus opportuniste qui accompagne souvent son exercice.

Au delà d'une certaine délectation qui confine à la complaisance, les thèmes abordés dans Baron noir sont toujours traités de manière superficielle et soit deviennent des anecdotes noyées au milieu d'autres anecdotes, soit sont expédiés en un tour de main après quelques déclarations de principe. Ainsi, dans le quatrième épisode de la seconde saison, se posent à la fois la question du terrorisme islamique et celle du retour des français engagés aux côtés de Daesh en Syrie. Sur les 55 minutes de l'épisode, la double question est traitée en exactement cinq minutes et 45 secondes en trois séquences, aussi inégales en temps consacré qu'en contenu donné. Un peu court à mon goût, en tout cas trop juste pour un épisode sur les difficultés de l'exercice du pouvoir politique.

Peu à peu nous sommes conduits, un peu malgré nous, dans ce jeu stérile que certains commentaires de presse confortent. C'est toute la série qui se trouve tirée vers le néant des jeux politiciens, des manipulations d'ambitions, des alliances et des contre-alliances, des fausses fidélités et des vraies trahisons. Et c'est la politique qui se trouve finalement entraînée vers ce qu'elle a de plus médiocre, de plus convenu, sur fond de bons mots et de clins d'oeil que des dialoguistes, non dénués de talent, sèment à tout vent. J'ai le sentiment par moment que c'est notre propension un peu malsaine à dénigrer les hommes politiques et notre défiance envers la politique elle-même qui s'en trouvent flattées. Cela m'indispose car je ne souhaite nullement être conforté dans ce sens.

C'est le sentiment dominant que j'avais à la fin des deux premières saisons de Baron noir et il ne s'est pas résorbé depuis. Et cela même si je pouvais malgré tout trouver à cet opus de vraies qualités, dont celle de contribuer à voir, peu à peu, des séries européennes et françaises s'affirmer à côté de certaines perles américaines. Je n'étais cependant pas en attente d'une troisième saison, mais je la recevrai comme il se doit, quoique sans doute avec moins de bienveillance et plus d'exigence.

Edwy Plenel et Mediapart apportent leurs concours dans le premier épisode de la troisième saison ; il est prévu que Karine Le Marchand et Une ambition intime fassent de même dans un épisode ultérieur. Ces séquences, plus vraies que vraies, ne risquent-elles pas de renforcer un écueil majeur de la série : nous inciter à tenter davantage encore d'établir des correspondances entre les personnages de la fiction et les personnages réels de la vie politique française, au détriment du contenu politique réel et des enjeux éventuels des épisodes. Peut-être est-ce voulu ?

Les deux premiers épisodes de cette troisième saison mettent l'accent sur Vidal/Mélenchon. La veine « manœuvres tous terrains et billards à plusieurs bandes » n'était sans doute pas totalement épuisée, à moins qu'il s'agisse seulement de nous remettre dans l'ambiance. Un blogueur plus ou moins conspirationniste ferait bientôt son entrée en piste. Le pire est-il à craindre ? Ou s'agit-il seulement d'une ultime concession à l'air du temps ? A suivre.

SAISON 3 Episode 3 et 4 17 février 2020

Ce qui était à craindre a fini par arriver, Baron noir ….

La série continue à éloigner de la politique ceux qui en sont déjà loin et n'incitent en rien à faire la part des choses à ceux qui continuent à penser qu'elle peut être un art subtil, en tout cas indispensable.

Deux épisodes (3 et 4) entièrement consacrés à Vidal/Mélenchon pour nous confirmer que ce dernier n'est qu'un autocrate à la tête d'une mouvance d'affidés réduits à faire la claque lors de ses apparitions. L'effet de tétanisation de la présidente est plutôt une réussite. Son spin doctor que Alex Lutz interprète sans conviction ne réussit à apaiser son trouble qu'un court instant, le temps d'une improbable romance.

Cette série ne fait que creuser davantage encore les tranchées de chaque camp et elle conforte ceux qui s'y terrent. Les auteurs de cette série font joujou avec Kad Merah qui cabotine à longueur de scènes en nous abreuvant de ce que les dialoguistes qui l'alimentent pensent être des bons mots.

SAISON 3 Episode 5 et 6 24 février 2020
La série diffusée en crypté sur la chaine de Bolloré continue son travail de démolition de la politique en nous servant à chaque épisode sa ration de tambouille pour mieux brouiller les pistes : il s'agit de discréditer et d'accréditer l'idée « ils sont tous pareils et ne pensent qu'à eux-même ». On y assène ce qu'on aimerait faire passer pour de bons mots enveloppés dans un discours qui épouse l'air du temps : le long terme n'existerait plus en politique et Ryckwaert / Kad Merah risquerait bientôt de ne même plus être vintage mais carrément has been et finir sous un coup de pic à glace sur la tête ( allusion à l'assassinat de Trotzky qui n'en demandait pas tant).

Le scénariste Eric Benzekri, transfuge de la FI continue à régler ses comptes avec son ancien mentor, désormais il a même porte ouverte à l'Elysée qui trouve un intérêt évident à la tournure que prend, pas à pas, la série. Penser un seul instant que Baron Noir se préoccupe simplement de nous instruire du fonctionnement et des dessous de la politique ou au mieux de nous distraire, c'est faire preuve d'une grande naïveté. La série est le point de rencontre entre des intérêts disparates mais convergents : un scénariste revanchard, une équipe élyséenne de conseillers qui travaillent à rendre possible un face à face Macron/Le Pen et un affairiste/ oligarque qui met ses moyens de communication et un investissement à disposition, en attendant un retour sur investissement significatif en cas de réussite de l'opération.

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