J'aime les gallinacés et mon grand regret est que l'autruche n'en soit pas un. Si l'autruche n'avait été qu'une grosse poule et son œuf un gros œuf de poule, l'histoire que je vais vous raconter serait sans objet et perdrait donc tout son sens.
Une poule venait de pondre son œuf et se pavanait dans la basse-cour comme tous les jours à la même heure. Non loin de là, vivait une dame autruche avec des plumes grises et plutôt ternes. Eh oui ! C'est le mâle qui a les belles plumes noires à extrémités blanches qui font la joie du garde républicain et de son cheval ainsi que de la danseuse des Folies-Bergères et de ses admirateurs.
Dame autruche avait pondu un œuf ! Mais alors quel œuf ! Rien de dynosaurien toutefois. Un oeuf, très oeuf mais de presque deux kilogrammes ! Tout à fait accessoirement, l'oeuf de l'autruche se cuisine et se mange de la même manière que l'oeuf de la poule. A la coque par exemple, avec une ficelle ou un pistolet comme mouillette, après avoir percé la coquille avec une chignole et agrandi l'orifice au marteau et au burin.
Le coq, mari polygame des poules de la basse-cour, qui passait par là avec sa poule du jour à l'aile, s'arrêta net devant l'oeuf de l'autruche. Grand silence. Ses paumes brûlantes soulèvent l'oeuf. Est-il réel ? Le coq est perplexe, sa poule dubitative. Il faut se rendre à l'évidence : c'est bien un œuf. Il se tourne alors vers sa poule et dit :
- Je ne critique pas, je ne porte aucun jugement. Je dis simplement regardons parfois ce qui se fait ailleurs.
Il repose alors délicatement l'oeuf dans le pondoir avant que Dame autruche ne lui prête un noir dessein et ne se fâche.