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Billet de blog 2 avril 2024

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Lettre ouverte à Christiane Vautrin et Frédéric Valletoux

Madame, Monsieur les Ministres, ce que je vous demande est difficile, et nécessite du courage. Vous y risquez votre carrière, mais vous pouvez y gagner une stature indiscutable. Vous l'avez compris, je parle « covid », débat, mise à plat, catharsis.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avez-vous remarqué comme l'on parle peu aujourd'hui du covid ? Comme si rien ne s'était passé, comme si nous avions vécu un mirage, comme s'il n'y avait eu ni morts, ni contraintes inédites, ni mensonges, ni insultes. Comme si tous les standards médicaux n'avaient pas volé en éclats. Comme s'il n'y avait pas eu d'exclusions, pas de citoyens criminalisés, pas de professionnels virés de leur travail sans statut ni ressource. Pas d'affirmations définitives valant excommunication de ceux qui émettaient le moindre doute, pas de doxa martelée toutes les douze heures – au moins – et reprises en choeur par des médias dont l'unanimité sans faille pendant des mois toutes opinions confondues si ce n'est quelques ilots réfractaires aurait pu - mais n'a pas – étonné.

Comme si, surtout, il n'y avait pas eu de faramineux intérêts financiers en jeu, des centaines de milliards distribués sans étude d'impact préalable, sans contrôle pendant, sans bilan, pas le moindre debriefing après pour une crise dont pourtant on nous rabattra les oreilles pendant des décennies je vous en fiche mon billet, pour rappeler à quel point nos dirigeants ont été courageux, protecteurs et clairvoyants.

Sauf que, pas tout à fait. Et je ne vais pas commencer à argumenter ici pour dire, comme d'autres, nombreux et non moins compétents que ceux qui ont mené notre barque durant ces trois années, à quel point elle a été mal menée, pour ne pas dire malmenée (ce sera dur mais je m'y tiendrai ! ). Ce serait en effet vous faire injure en vous court-circuitant et réduire à zéro ce que j'attends de vous, c'est à dire l'organisation formelle d'une réflexion, en clair un débat.

Nous avons vécu un psychodrame d'une intensité particulière, qui laisse derrière nous une trainée de non-dits, de rancoeurs, de jalousies, de colères, de questions sans réponse surtout. Des collègues soignants se sont lancés des exclusives sans argumenter, des familles se sont déchirées, des amis se sont fâchés à mort. Les fissures, les fêlures, les failles sont si lourdes qu'il nous faut aujourd'hui entreprendre une grande réconciliation nationale, à l'instar de celles qu'ont organisé l'Argentine après les années noires de la répression, ou l'Afrique du Sud pour crever l'abcès de l'apartheid. Il nous faut aujourd'hui organiser un grand débat public cathartique pour garder ou plutôt recouvrer raison. Car à l'évidence toute raison a été balayée sous une tornade de Vérité Révélée quasi messianique. Et quand je dis débat public, je pense à autant de soirées télévisées qu'il en faudra à des heures de grande écoute, par exemple, et repris par tous les médias écrits.

Alors, pourquoi vous, me direz-vous ? Parce que c'est le moment, et parce que c'est vous qui êtes en poste aujourd'hui. Et parce que, n'ayant pas participé au débat de façon publique et partisane, vous êtes à l'évidence mieux placés pour l'initier que ceux qui, trompés ou responsables, ont assumé sabre au clair la gestion de la crise. Et parce que les témoignages d'erreurs, de complications inavouées jusqu'ici, voire de malversations sont trop nombreux, trop concordants pour être laissés dans l'ombre ou rejetés aux oubliettes d'un geste méprisant.

Personne ne comprendrait que ce débat – tant sur le plan sanitaire qui vous concerne que sur le plan économique qui en a résulté – soit esquivé. On ne peut ici mettre la poussière sous le tapis. Tout le monde y a intérêt. Peut-être concluera-t-on que tout a été parfait, tant mieux. Peut-être pas, et c'est en pensant à cette éventualité qu'il vous faudra du courage puisque certains et non des moindres pourr aient être mis en cause.

La balle est dans votre camp. Je parie pour le courage, mais sait-on jamais ?...

Bien cordialement

Dr Frédéric PIC

Pau

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