le Président
Le pauvre chéri ne supporte pas le bruit, et se propose de l'interdire. Autant interdire aux oiseaux de chanter. Car après le fiasco administratif des lèche-bottes se proposant d'interdire les charivaris, quoi, quelle interdiction ? Les dispositifs sonores qui nous restent sont nos cordes vocales, oseront-ils en interdire le libre jeu, et nous priver du chant dans un premier temps (et fleurissent partout dans les manifs les chants révolutionnaires) puis la parole ? Ils nous ont bien baillonnés ces trois dernières années, pas sûr qu'ils n'y pensent pas...
Il a beau faire le bravache, son activisme forcené se perdant en un maëlstrom de propositions absconses et désordonnées traduit une grande souffrance. « Il faut avancer ! » affirme-t-il. Ah bon, vers où, vers quel précipice ? L'avez-vous observé dans ses prestations télévisuelles ? Là où les communicants ont appris à tous ces bons élèves se produisant sur les plateaux à ne pas agiter les mains et garder les doigts bien serrés, lui arbore la moitié du temps les poings fermés. Car ne vous y trompez pas, ce n'est pas tant gagner qu'il aime, encore moins convaincre, il s'en fiche, non, c'est frapper, c'est vaincre. Écraser, anhihiler, détruire, emmerder en fait tout ce qui n'est pas lui. Quelle dérision, tant d'intelligence au service d'une conduite infantile.
Peut-on critiquer jusqu'à l'irrespect ?
Gérard LARCHER a tort quand il dit que « l'on doit respecter le Président de la République ». On admettra qu'il faille respecter la fonction (encore que, telle quelle il y aurait à redire) mais non seulement on peut, mais on se doit de critiquer, et avec la dernière énergie, un président qui se fourvoie à ce point et nous entraine vers on ne sait quel abîme pour sauvegarder son Moi Tout Puissant.
Déjà, dès avant la décision du Conseil Constitutionnel, des voix s'élevaient de partout (pas un média, pas un seul commentaire demandant au moins à voir) pour nous mettre en garde contre toute critique envers ce « garant de nos institutions » toute suspicion était par avance taxée de désir inconscient de détruire l'État et notre socle commun. Pas touche au Conseil Constitutionnel ! Et bien si ! Il aurait fallu que l'on attende, béats, le verbe constitutionnel comme une onction sacrée s'abattant sur nos nuques courbées et reconnaissantes, quelle qu'en soit la teneur ?!! balivernes, le CC lui aussi s'est déconsidéré, non seulement dans sa forme actuelle, mais par ce biais dans sa fonction, et ce n'est pas un mince exploit qu'ont réalisé là nos neufs décidément pas sages, d'avoir définitivement saboté cette institution en la déboulonnant de son socle.
Le Conseil Constitutionnel
Il apparaissait confusément au béotien que tant dans l'esprit que dans la forme le CC avait là réussi un exercice de trapèze volant juridique mâtiné de bonneteau. Que ce soit sur le rôle dévolu au peuple, sur l'hypocrisie d'un texte non urgent, véhicule lilliputien au plan du budget supportant un géant sociétal qui n'avait rien à y faire, ou sur l'inégalité ne serait-ce que hommes-femmes jugéee constitutionelle car répondant à l'intérêt général : l'inégalité H/F ou entre deux tranches d'âge serait un soutien de l'intérêt général, voilà ce qu'en dit le CC au paragraphe 100 de sa décision :
« Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Autrement dit, si l'inégalité est en cohérence avec le reste de la loi, l'inégalité vaut mieux que l'égalité. De même, si les volets recette et dépenses qui devraient être séparés par le code de la Sécurité social sont joints dans un même vote, rien à dire, tout est légal.
Citons parmi la surabondance d'articles pointant du doigt les erreurs répétées jusqu'à la nausée sur le nombre de cotisants (sans tenir compte de la productivité) ou l'allongement de la durée de vie, ou la réalité des déficits à venir, cet article d'Hendrik DAVI (1) où l'on notera entre autres : « Sur le temps long le taux effectif de prélèvement employeur au niveau du SMIC est passé de 42,6% à 6,9% en 30 ans du fait des mesures successives de réduction des cotisations au niveau des bas salaires. »
Ou la maquette INSEE d' « Analyses Retraites » n° 3 de février 2023, par le comité de mobilisation de la direction générale de l’Insee, soutenu par les sections CFDT, CGT, FO, SUD, très bien documentée
Quant à la sincérité, que ce soit sur la présentation ou surtout sur le plan financier, qui devrait être parfaite puisqu'il s'agit d'une loi budgétaire en procédure accélérée, il suffit de lire le projet de loi pour comprendre qu'il n'en a jamais été question : « La prévision retenue est quasi-identique à la prévision sous-jacente à la loi de finances pour 2023 » Ah bon, dès lors quelle utilité ? Et cette phrase terrible à la fin de l'exposé des motifs : « Les incertitudes autour de ces prévisions sont particulièrement importantes. » Autrement dit, je vous demande de voter sur du vent un texte inutile.
Ajoutons que le pouvoir n'a pas cru non plus devoir tenir compte de cet avis pourtant critique du Haut Conseil des Finances Publiques de 2023 indiquant entre autres ; Le Haut Conseil note le caractère étroit de la saisine. Il est en mesure d’analyser les conséquences du projet de réforme des retraites sur les finances publiques en 2023. Avec un coût net de l’ordre de 0,4 Md€, elles sont peu importantes. Compte tenu du caractère incomplet des informations qui lui ont été transmises par le Gouvernement, le Haut Conseil n’est pas en mesure d’évaluer l’incidence de moyen terme de la réforme des retraites sur les finances publiques... »
Mais lisons ce qu'en dit par exemple Lauréline FONTAINE, professeure de droit public et constitutionnel à l'Université PARIS-III dans cet excellent article (2) :
« ..pour ces deux décisions, on relève en effet des entorses aux règles de comportement et aux procédures à suivre pour ne pas faire peser de « doute légitime » sur les décisions rendues, selon l’expression consacrée. On relève ensuite que, sur le fond, le Conseil persiste dans sa démarche qui consiste à ne pas expliquer ces décisions autrement qu’en procédant par affirmations péremptoires .. »
et d'ajouter, sur l'honnêteté intellectuelle des délibérants :« tous les membres du Conseil constitutionnel ont siégé Aucun ne s’est déporté Ce n’est pas sans conséquence sur la crédibilitéde l’impartialitéde la décision. : Lauréline LAFONTAINE explique pourquoi J.GOURAULT, A.JUPPÉ et J.MEZARD..qui ont soutenu ou présenté des textes allant dans le même sens alors qu'ils étaient aux affaires auraient dû ne pas participer au délibéré.
En concluant sur les dérives à long terme que ce délibéré de non censure fait courir à nos institutions «.. le Conseil constitutionnel valide, a contrario, le fait qu’il est admis que l’on puisse se passer d’une véritable délibération parlementaire pour adopter des mesures législatives dont le champ peut s’avérer très étendu... »
Elle est tout aussi critique en son article du Monde Diplo de ce mois (p.12) un régal de lecture où elle dénonce en la démontant la décision de cet aéropage qu'elle taxe de « maison de retraite pour des personnalités bien en cours »
En conclusion
On ne peut plus rien attendre d'un Conseil Constitutionnel qui barbote dans le conformisme frileux et dont la légitimité et l'existence même viennent d'être mis en cause par l'inconditionnel soutien politique qu'ils viennent d'apporter au pouvoir en place en dépit des évidences qui auraient dû le conduire à censurer cette loi rectificative. Tout le monde se contrefiche de la décision qu'ils doivent donner sur le référendum d'initiative partagée le 3 mai, d'autant que cette procédure est au référendum ce que le métavers est à la réalité...
S'il avait censuré du reste, que ce serait-il passé ? L'orgueil incommensurable de l'enfant-président était sauf, il aurait eu beau jeu de dire que toute la faute incombait à un gouvernement incapable d'expliquer une réforme pourtant lumineuse (bien qu'il l'ait déclarée inutile en 2016 dans son programme et hypocrite en 2019). Les manifestations auraient cessé, les syndicats auraient capitalisé un surcroît de confance populaire, de nouvelles négociation auraient pu reprendre sur des bases plaus saines. Et le Conseil Constitutionnel aurait regagné l'estime dûe à un organisme siégeant souverainement au-dessus de la mêlée pour le bien du peuple. Au lieu de quoi il a enkysté la société française dans cette situation absurde qui voit un affrontement sans nuance entre le peuple et son président, l'un ou l'autre devant obligatoirement se démettre. Il était impossible de faire pire, cette décision du 14 avril est une insulte à la fois au droit et à l'intelligence.
Et comme les motivations de ce président, on l'a bien compris, sont de satisfaire un égo pathologique avant sa mission qui est d'apporter bien-être et apaisement à ceux qui l'ont (très mal) élu, on peut dire que si l'entêtement du président a piétiné notre démocratie, le Conseil Constitutionnel lui a porté un dernier coup de botte dont nous arriverons forcément à nous relever, mais on ne sait quand, et au prix de difficultés encore malaisées à appréhender.
Frédéric PIC
Pau
(1) https://blogs.mediapart.fr/hendrik-davi/blog/060223/la-face-peine-cachee-de-la-bataille-des-retraites