François-Joseph Gossec et Marie-Alexandre Guénin ne possédaient pas seulement le talent de composer de la musique: ils savaient- pratique impensable aujourd'hui...- traverser sans encombres les alternances politiques.
Musicien renommé, disposant d’une autorité véritable au sein des institutions royales, grand manitou des concerts maçonniques- une particularité qui le classait parmi les piliers de l’Ancien Régime, tant il est vrai qu’en ce temps-là le Grand Orient de France était un repère d’aristocrates de très haut rang- Gossec a su devenir l’emblème de la Révolution, l’ami de l’Empire, enfin le serviteur des deux frères de Louis XVI. Une belle carrière. Guénin, plus jeune et plus prudent, suivit les méandres de la vie publique avec souplesse : il franchissait les Pyrénées quand le gros temps menaçait. Bah…Le bonhomme eut la chance de mourir dans son lit sous le règne de Louis-Philippe.
Evidemment, rançon de leur gloire immédiate, la postérité n’a pas toujours rendu justice à ces drôles de zigs. "Après tout, pensez-vous peut-être, n'ont-ils pas mérité qu'on les oublie?" Cela reviendrait à confondre les inventions du créateur et les sinuosités de l'individu, faire primer la vie sur l'oeuvre, choisir Sainte Beuve au détriment de Marcel.
L’ensemble Hemiolia nous propose quatre sonates en trio «et avec tout l’orchestre», comme le précisent les partitions. Autant le dire, cette formation, créée en 2008 par la violoncelliste Claire Lamquet, mérite les éloges. Installé dans le Nord- Gossec et Guénin venaient tous les deux du Hainaut, voilà qui tisse des liens- ce groupe de jeunes associe le respect des convenances au désir de bousculer nos conformismes. A déguster sans retenue.
F.-J. Gossec et M.-A. Guénin : « Deux violonistes dans la tourmente révolutionnaire ». Ensemble Hemiolia. Label Eurydice.