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Billet de blog 4 juin 2023

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Salah Hamouri - Pierre Barbancey, soirée exceptionnelle, témoignages édifiants

Soirée exceptionnelle avec l'avocat Palestinien récemment expulsé Salah Hamouri et Pierre Barbancey, grand reporter à l'Huma. Des témoignages qui donnent la mesure de l'omerta imposée pour camoufler cette politique coloniale et le sort réservé aux prisonniers. La démocratie se disqualifie dans la complicité d'un regarder ailleurs permanent. Nous ne pouvons pas dire « Nous ne savons pas »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
La salle Conchon prise d'assaut © Georges-André Photos

Par les témoignages apportés et la densité des échanges de haute tenue sur un sujet brûlant, une soirée exceptionnelle s'est déroulée à Clermont-Ferrand ce 1er juin réunissant pour un débat Pierre BARBANCEY, grand reporter à "l’Humanité" et spécialiste du Proche-Orient et Salah HAMOURI, 38 ans, avocat franco-palestinien. Détenu pendant 6 ans (entre 2005 et 2011) puis à plusieurs reprises sous le régime arbitraire de la détention administrative, ce militant des droits humains a été sorti de prison pour être expulsé de sa ville natale, Jérusalem où il vivait, menotté dans l'avion vers la France.

Dans son communiqué du 19 avril, l'AFPS avançait : "Tout est bon aux partisans inconditionnels de la politique israélienne en France pour dénoncer et calomnier l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri depuis son expulsion par Israël le 18 décembre 2022"

A Clermont-Ferrand en l'absence heureuse de réels fauteurs de trouble à l'ordre public, cette soirée s'est déroulée dans le calme et l'attention de chacun·e désireux d'en savoir et comprendre davantage avec bien des questions en tête. La grande salle Conchon fut pleine et dut même fermer ses portes pour éviter le dépassement de la jauge. Elle a été organisée par Les Amis du Temps des Cerises, les Amis de l’Huma 63, et l’AFPS 63 avec ses nombreux partenaires et soutiens (1)

Carola Kaufmann pour "Les amis du Temps des cerises" :

Martine Bellerose pour "Les amis de l'Huma 63" :

Yves Chilliard pour "'Association France-Palestine solidarité 63" :

Illustration 5
De gauche à droite, Martine Bellerose, Carola Kaufmann, Salah Hamouri, Pierre Barbancey, Yves Chilliard © Georges-André Photos

Un processus de nettoyage ethnique

Pierre Barbancey et Salah Hamouri ont dialogué en se complétant mutuellement pour saisir la situation en Palestine occupée et de sa colonisation à grande vitesse. Selon Salah, un "processus de nettoyage ethnique" est en marche qui va plus loin que le développement séparé - apartheid- : il chasse les Palestiniens, en particulier à Jérusalem-est, en expulsant ses habitants palestiniens sous tout prétexte pour installer de nouveaux colons.

Il va sans dire et dit pourtant que maintes fois l'émotion a parcouru l'assistance avec les faits rapportés qui permettent d'entendre ce que d'autres veulent cacher comme dans l'Histoire récente et dans bien d'autres endroits du monde, les mauvais traitements, les exactions, les tortures veulent être escamotées pour continuer sa propagande. Une blanche pour deux noires en musique. Des morts, des enfants, des destructions qui nous préoccupent, à juste titre, en Ukraine, d'autres en Palestine qui nous laissent dormir et de marbre nos gouvernants. Les démocraties sont largement affaiblies, le camp des autocraties, des dictatures et des obscurantismes largement renforcé dans cette passivité-complicité face à ce déni contraire aux résolutions de l'ONU et de son assemblée générale. Pegasus (regarder sans attendre le reportage sur Arte) et toutes les armes mises au point en terrain réel sur la population palestinienne valent bien une messe pour s'absoudre qui n'absous rien.

Les conditions glaçantes des détenu·es, enfants et femmes compris

Illustration 6
Salah Hamouri © Georges-André Photos

 "... Aujourd'hui il y a 5000 prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes. Toutes les prisons israéliennes se trouvent hors de la ligne verte (2). C'est à dire que les gens sont transférés du territoire au moment de leur arrestation. 5 000 prisonniers ! Parmi eux il y en a 1000 en détention administrative, 160 enfants, 42 femmes, 1 000 prisonniers malades, 320 prisonniers qui ont passé plus que 20 ans, une quarantaine qui ont passé plus de 25 ans, environ 20 qui ont passé plus que 30 et 35 ans.
Tout est fait pour briser la mentalité, la psychologie de ces prisonniers. Les conditions quotidiennes qui sont assez dures, sévères, inhumaines, qui se développent. Moi j'ai connu pour la première fois la prison à l'âge de 16 ans en 2001 et la dernière fois 20 ans après. J'ai bien vu que les conditions sont de plus en plus dures, elles se sont aggravées.

La détention administrative c'est une loi qui a été faite par le mandat britannique avant l'occupation de 1948 et il y avait des palestiniens, des musulmans et des juifs qui étaient en détention administrative. L'occupant israélien l'a ré-appliqué sur les Palestiniens. C'est un ordre militaire qui permet d'arrêter n'importe quel palestinien pour une durée entre 1 mois et 6 mois. Cette durée peut être renouvelée indéfiniment. Cette arrestation est basée sur un dossier de sécurité secret. Moi je l'ai vu en tant que prisonnier mais aussi en tant qu'avocat. Après 2012, j'ai fait des études de droit et je suis devenu avocat. J'ai défendu des prisonniers devant des tribunaux militaires. Ce dossier reste secret entre le procureur militaire et le juge militaire. T'as pas accès au dossier ni en tant que prisonnier, ni en tant qu'avocat. Tu peux pas savoir pourquoi tu es en prison. Tu peux passer des mois et des années sans savoir pourquoi tu es en prison !

Depuis la réoccupation de la Cisjordanie en 2002, quand Sharon a lancé l'attaque et réoccupé la zone de la Cisjordanie, des palestiniens de Cisjordanie ont passé plus de 12, 13 et 14 ans en détention administrative. C'est la façon qui est utilisée pour la destruction de la société et de la vie des palestiniens. Il choisit d'utiliser cette arrestation dans les moments les plus durs dans la vie des gens : au moment d'un mariage on arrête la mariée, au moment d'un décès d'un père on arrête un de ces enfants. C'est toujours dans les périodes dures dans la vie des gens.

Et aujourd'hui il y a 1000 prisonniers en détention administrative, parmi eux il y a 11 enfants de 12 ans à de 18 ans. Les enfants, comme les prisonniers, sont jugés dans des tribunaux militaires illégals, devant des juges militaires. Ces enfants là, les 160, sont traités de la même façon que les prisonniers adultes, aucune différence, aucun droit de ces enfants n'est respecté,

Israël, bien qu'elle est signée la convention sur les droits des enfants, jusqu'à aujourd'hui, refuse de l'appliquer sur les enfants palestiniens. La majorité de leurs droits sont confisqués, des exemples ? Ils n'ont pas le droit de continuer leurs études, pendant des mois et des années de détention. Ils peuvent passer des mois et des mois sans avoir le droit de voir leurs parents. Ils sont traités de façon très agressive. Ils peuvent se faire torturer physiquement, psychologiquement pendant les interrogatoires.

Illustration 7
Pierre Barbancey © Georges-André Photos

Ahmad Masnara, 13 ans

C'est ce qui s'est passé avec l'enfant Ahmad Masnara qui a été arrêté à l'âge de 13 ans. Il était blessé par balle lors de son arrestation. Il a été torturé physiquement, psychologiquement. Il a vite développé des maladies psychologiques. A la place de lui donner des traitements médicaux adaptés, depuis deux ans il a été envoyé à l'isolement total, dans une petite pièce où il est enfermé 23 h sur 24 heures tout seul depuis deux ans et ses maladies sont en train de devenir plus graves et tout refus de demander leur libération. Les conditions de détention de ces enfants sont faites vraiment pour l'assassinat de leur enfance dans les prisons.

Il y a aussi les femmes : les femmes sont aussi traitées de la même façon et des fois les conditions c'est de plus en plus pires. C'est arrivé dans quelques cas que les femmes quand elles étaient arrêtées, elles étaient enceintes. Au moment de leur accouchement, ils les ramènent dans un hôpital qui n'est pas un vrai hôpital mais une prison où pendant l'accouchement elles sont menottées une main et un pied sur un lit pendant l'accouchement pour des raisons de sécurité.

Et même dans la vie quotidienne, vous voyez par exemple, je vous ai dit les difficiles conditions de détention. Ils se sont fait gazer dans leur chambre. Les forces spéciales sont rentrées et les ont menottés par terre pendant des heures et des heures.

Illustration 8
La tribune et une partie de la salle © Georges-André Photos

Il y a aussi la question des prisonniers malades. Il y a au total 1000 prisonniers malades avec différentes maladies. Mais vraiment au moment où tu tombes malade avec une vraie maladie en prison, tu vois que c'est la fin de ta vie en prison parce qu'il y a un système et une politique de négligence médicale systématisée par l'administration des prisons, juste pour torturer les gens quand ils sont malades. Je connais plein de cas : aujourd'hui il y a 29 prisonniers avec un cancer qui ne reçoivent pas les soins adaptés. Il y a quelques jours, un ancien prisonnier palestinien, il a passé 37 ans en prison, il a un cancer, il a été transféré aux urgences parce qu'il ne recevait pas les soins adaptés, et toute demande pour sa libération a été refusée. Des centaines de cas depuis 1967 jusqu'à aujourd'hui : 240 prisonniers sont morts dans les prisons israéliennes pour différentes raisons, y'en a qui se fait torturer jusqu'à la mort pendant les interrogatoires, y'en a qui se sont fait assassiner après leur arrestation et la majorité sont morts à cause de cette politique de négligence médicale. Depuis le début de cette année ; trois prisonniers malades sont morts dans les prisons israéliennes. le plus dur, le plus cruel, c'est que même après la mort de ces prisonniers les israéliens, ils gardent les corps morts de ces prisonniers jusqu'à la fin de la détention de ces corps dans ce qu'on appelle des cimetières à numéros juste pour la continuité de la torture des familles et de la société.

Juste que les conditions quotidiennes sont faites pour briser les palestiniens dans les prisons."

Illustration 9
La pleine salle Conchon © Georges-André Photos

Sans respect du droit des palestiniens, il n'y a pas de solution

Vers la fin de cette rencontre-débat, Salah Hamouri donne son point de vue sur les conditions d'évolution de la situation en Palestine : Respecter les droits des palestiniens et, avec cette condition remplie, la perspective d'un état démocratique, laïque et à égalité des citoyens.

"Avant la solution, il faut parler du droit" © Georges-André Photos

Les moments de cette rencontre-débat

Pierre Barbancey - introduction

"Rester en Palestine est le premier acte de résistance "

Salah Hamouri dès 2001 - Allégeance - résident - Dossier secret

Comprendre le nettoyage ethnique à Jérusalem-est et le plaider-coupable

Les conditions de détention, enfants, femmes et hommes

La résistance en prison - les grèves de la faim

Perspectives et conditions d'évolution par Pierre Barbancey

Et s'il faut une autre source pour voir ce qui crève les yeux : "Depuis un demi-siècle, l’occupation israélienne de la Cisjordanie (y compris de Jérusalem-Est) et de la bande de Gaza entraîne des violations systématiques des droits humains des Palestiniens vivant dans ces zones"

et pour n'en rien perdre : le rapport d'Amnesty international mis à jour en 2022

(1) Amnesty Int. 63, ATTAC 63, Cimade 63, Collectif «Nous aussi » 63, Les Amis du Diplo 63, LDH 63, MRAP 63, RESF 63 et avec le soutien de Ass Educ Intercultur (AEDI), CGT-UD 63, Dar Salem, EELV 63, France Insoumise 63, FSU 63, Génération.s 63, Libre Pensée 63, MJCF 63, NPA 63, PCF 63, Solidaires Auvergne, SNES 63, Union Etudiante Auvergne

(2) La ligne verte est la ligne de démarcation entre les belligérants de 1949, modifiée au gré des autres guerres.

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