Voici les entretiens courts avec Sarah Katz et Abu Amir avant la soirée "Solidarité et résistance dans la cage de Gaza" pour dire les réalisations solidaires en agriculture paysanne et pour les enfants gazaouis.

Entretien avec Sarah KLATZ - 21 janvier 2022
Union Juive Française pour la Paix-UJFP - International Solidarity Movement
"CE MONDE DE VOYOUS C'EST LEUR MONDE"
G-A - Une question personnelle pour commencer. Vous vous êtes engagée à l'UJFP, à l'ISM, avez séjourné à Gaza en 2016 puis participé à la flottille de la liberté arraisonnée dans les eaux internationales par la marine israélienne en 2018. Qu'est-ce qui vous a fait vous engager aussi fortement dans cette lutte ?
C'est une question probablement générationnelle. Je voulais juste rajouter à votre résumé que j'ai vécu à Gaza à peu près deux ans par morceaux entre 2011 et 2014 dont un an et demi en continu. J'ai donc une expérience un peu longue de la vie à Gaza
Je suis née en 50, quand il y avait les manifestations contre la guerre d'Algérie, évidemment j'étais enfant, moi je n'y allait pas mais je voyais, je savais que mes parents étaient là-dedans. J'ai des souvenirs réels de m'être penchée à la fenêtre. On était avenue des Gobelins et de voir les têtes des manifestants qui avancent et puis les pèlerines des flics – à l'époque c'était bâton et pèlerine, maintenant c'est devenu beaucoup plus méchant - qui allaient les refouler donc, si j'ose dire, j'ai tété ça avec le lait de ma mère, l'idée qu'on est des êtres humains sur terre et que la responsabilité et la solidarité avec les peuples qui sont attaqués est constitutif du fait d'être un être humain. Et puis après, quand je suis à l'âge de voler de mes propres ailes, c'est la lutte contre la guerre du Vietnam. L'idée du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes c'est une idée qui m'était familière et intégrée.
G-A - Revenant de cet arraisonnement et de prison israélienne en 2018, vous avez déclaré au courrier de l'atlas « Ce qui se joue en Palestine, c’est l’avenir de l’Humanité ». Peut-être pourriez-vous explicité cette affirmation ?
Ça peut paraître grandiloquent, je suis désolée de ne pas savoir le dire mieux mais c'est vraiment ce que je pense et je vous remercie de votre question et je voudrais m'en expliquer. Il faut savoir quel monde on veut et il n'est pas écrit pour l'instant, vers quel monde on va aller, quel monde on va construire. Ce qui joue en Palestine, est-ce qu'on accepte que sur un bout de territoire une partie de la population ait des droits et l'autre partie n'en ait pas ? C'est ça qui ce joue. Et ce qui se joue au 21ème siècle, sous des modes qu'on n'appelle pas colonisation mais qui sont purement et simplement de la colonisation, on accepte qu'un peuple soit refoulé en dehors de son habitat. Et si les Palestiniens perdent, ça veut dire que le droit n'existe pas, seule reste la force, seul reste l'argent. Une fois que l'argent aura pris pied comme ça pour gérer le monde, dans quel monde vont vivre nos enfants. C'est çà qui se joue en Palestine c'est la justice !
G-A - qu'est-ce qui manque, nous français, pour mieux comprendre ce qui se joue en Palestine ?
Votre question, c'est la question de l'heure Comment et qu'est-ce qu'on sait du monde ? Comment on fabrique la façon dont les gens comprennent le monde ? Il faut bien voir qu'on est matraqué avec l'idée qu'il y a des populations dangereuses, qu'il y a des choses que, quand même on a acquis - parlons au niveau de la France - on a acquis en France des choses qu'on ne voudrait pas qu'elles disparaissent et que ce sont d'affreux gens venus d'ailleurs qui risquent de nous prendre ... je veux parler des migrants. Quand vous répétez en boucle des choses comme ça, vous finissez par écorcher l'intelligence des gens.
Qu'est-ce qui manque ? Beaucoup de gens comprennent ce qui ce passe en fait en Palestine, il leur manque probablement de pouvoir voir tranquillement de vraies images de ce qui se passe. Il leur manque probablement de pouvoir voyager en Palestine. Si vous regardez les Comités Palestine en France, vous verrez que beaucoup sont faits de gens qui y sont aller par goût de cet endroit, par curiosité, voir. Ils en sont revenus vent debout contre ce qu'ils avaient vu et prêts à lutter pour le droit des palestiniens.
Après qu'est-ce qu'on laisse mourir ? Que la Méditerranée devienne un énorme cimetière, que la forêt amazonienne brûle et que personne ne descende dans la rue pour dire « Stop ça suffit ! »...
Voilà comment on a fait que les populations sont tellement matraquées et mises en situations de difficultés pour qu'elles n'arrivent pas massivement à lutter.. C'est là-dedans qu'est prise la Palestine. La Palestine n'est pas un cas particulier, c'est presque un thermomètre de ce phénomène là !
G-A - Comment comprenez-vous de la passivité internationale vis-à-vis d'Israël ?
Là je vais m'opposer frontalement à votre phrase : Comment ça passivité ? C'est pas une passivité, c'est le soutien de toute les heures, c'est un soutien politique, c'est un soutien financier, c'est un soutien commercial. Israël est totalement soutenu, le gouvernement Français n'est pas du tout passif. Il est probablement la force la plus agissante pour empêcher ce qui devrait être totalement normal, qu'un état qui viole les principes de la charte de l'ONU soit sanctionné. Notre gouvernement se bat pied à pied. Regardez, on a même réussi à l'assemblée nationale - pour moi ça restera une honte - à faire passer à ce qu'on a appelé l'amendement Maillard c'est à dire que boycotter cet état voyou, ce serait une faute devant le droit. Donc il n'y a pas de passivité ! Ce monde de voyou c'est leur monde !
Lire aussi : « La femme du jour : Sarah Katz »
« j’ai entrevu les méthodes d’un État fasciste »
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Entretien avec Abu AMIR (Mutasem Eleiwa) - 21 janvier 2022
Responsable de la pépinière solidaire à Khuza’a
correspondant UJFP dans la bande de Gaza.
"PAS DE RENONCEMENT AVEC LA VIE
PAS DE VIE AVEC LE RENONCEMENT"
Il s'exprime en arabe et Mohammed effectue courageusement la traduction simultanée ainsi que durant la soirée.
G-A - Pouvez-vous nous parler de la pépinière solidaire à Khuza’a dont vous êtes responsable ?
Le projet a été installé en 2020. C'était parmi les projets les plus importants qui ont été installés à l'est de Khan Yunes au service de milliers d'agriculteurs, vu qu'il existe au milieu des terrains agricoles et aussi, proche des frontières.
Avant, les agriculteurs se déplaçaient beaucoup. Ils faisaient plus de cinquante kilomètres pour trouver leurs pépinières. Ce projet sert les agriculteurs tout au long des frontières créées par Israël. Il y a une opération assez délicate qui insiste sur le contrôle de ces pépinières avant de donner les petites plantes aux agriculteurs.
G-A - L'objectif c'est une production locale distribuée localement ?
Bien sûr c'est au niveau local, l'agriculteur gazaoui fait partie des agriculteurs les plus pauvres du monde. Il souffre de plusieurs choses y compris la destruction de ses terrains agricoles, du manque d'eau avec une eau de plus en plus salée [par infiltration], les produits phytosanitaires, les semences, qui ont des prix très élevés. Toutes ces raisons sont dues aux « empêchements du blocus ».
C'est pourquoi l'action humanitaire avec d'autres associations françaises ont décidé d'aider ces paysans. On les aide pour être indépendants et fournir leurs besoins élémentaires. C'est pas le premier projet : auparavant un réservoir d'eau a été construit pour alimenter les terrains agricoles avec des conduites d'eau de six kilomètres et demi. Une salle pour les agriculteurs a été construite. Il y avait déjà plusieurs projets qui ont été réalisés avec l'aide des associations de solidarité françaises et malgré cela il y a toujours un manque de réalisations. On a besoin de plusieurs choses pour installer de nouveaux projets mais d'abord de financement.
G-A – Comment fonctionne le centre d’enfants et adolescents Ibn Sina, quelles activités sont mises en place ?
Il a été créé dans les années 2000, c'est un centre pour les jeunes plus particulièrement pour la zone nord de la bande de Gaza. Il réalise des activités sociales au profit des jeunes et des enfants. Le travail a commencé avec ce centre suite à la dernière guerre en mai 2021 lorsque l'occupation a détruit plusieurs maisons surtout au nord de Gaza et déplacé aussi des gens dans des écoles. Ce centre pour enfants regroupe plus de trente personnes soignantes spécialisées dans plusieurs domaines.
Nous avons lancé un appel au secours [opération"Urgences déplacés] pour aider ces déplacés dans les écoles, par la distribution des colis alimentaires, du lait et d'autres besoins, surtout pour les enfants. Nous leur avons aussi organisé des activités de divertissement et du soutien psychologique pour les enfants et les femmes. Nous avons aussi installé des cliniques pour détecter les problèmes des yeux et distribuer aussi des lunettes. Nous avons visé le secteur des personnes handicapées dans les quatre zones où on a travaillé à Gaza. On continue à offrir ces services et ces activités avec les associations de solidarité en France.
Lire : Tests optométriques en soutien aux déplacés de Gaza
G-A - Et le financement de toutes ces actions ? Le Financement arrive par l’intermédiaire de l'UJFP.
G-A – Quel espoir pour Gaza et les Gazaouis ?
Nous sommes tous un espoir. Sans l'espoir Gaza s'écroule. Pas de renoncement avec la vie, pas de vie avec le renoncement. Le bombardement peut être au dessus de nous et le lendemain on continue la vie sans renoncer.
« Urgence Gaza, aide aux déplacés », le journal de la solidarité n°2