Je n’irai pas à la journée portes ouvertes du 21 mars qui marque l'anniversaire de Mediapart.
J’aurai eu plaisir à rencontrer un certain nombre d’abonnés et de journalistes, mais le style de la manifestation ne se prête pas à la convivialité
Edwy Plenel dans son « invitation » parle d’une « ambiance collective où le journalisme s’invente tous les jours ». J’observe le travail de journalistes et je constate qu'ils écrivent des articles de façon traditionnelle , avec des commentaires à la suite des articles ou des billets de blogs qui restent des « contributions extérieures à la rédaction ». On sent tant de la part des journalistes que des abonnés une césure entre le travail des professionnels, auquel il convient d’adresser des louanges inconditionnelles, et les contributions des abonnés, qui bien entendu ne peut avoir la compétence et la qualité des journalistes et qui ne peuvent être critiques.
Avec une autosatisfaction absolue, Edwy Plenel affirme une « réussite éditoriale » ainsi qu’ « une haute valeur ajoutée » . Si l’on peut reconnaître que l’utilisation du numérique permet à certaines enquêtes un style moderne de narration, celui-ci n’a en aucun cas été inventé par Mediapart. La formule collaborative résulte d’un logiciel, Drupal, qui n’est pas particulier à Mediapart . Si les difficultés de ce logiciel ne peuvent être trop reproché à Mediapart, ses particularités ne peuvent non plus être créditées à Mediapart.
Les contributions des lecteurs sont une forme de courrier des lecteurs, tribune libre et espace des membres, qui ne font que se juxtaposer à la partie journalistique. Il n’y a aucun effort pour une synergie de rédaction associant professionnels et non professionnels du journalisme. La plupart des journalistes considèrent manifestement que leur qualité de professionnel leur confère une expertise parfaite, et l’utilisation par un abonné de son expertise professionnelle ne peut qu’être arrogance , l’expression d’un désaccord est traitée comme une critique hautaine et injurieuse. Les abonnés, dans leur très grande majorité, reflètent ce style de réaction. L’innovation est d’autant plus affirmée qu’elle est refusée.
Il est manifeste qu’il n’y a aucun effort pour réfléchir au modèle de rédaction et vraiment inventer un nouveau modèle qui intéresse le lecteur. Le fil « Qui lit Mediapart » a été très abondamment commenté, mais essentiellement pour paralyser toute réflexion sur le lectorat. Edwy Plenel parle de la « réputation qui nous est parfois faite de pécher par orgueil ou prétention, et de céder à des postures ombrageuses ou hautaines » comme injuste, mais elle parait au contraire parfaitement justifiée.
Il est clair que l’autosatisfaction de la rédaction de Mediapart et de l’ALM n’est pas objectivement justifiée. La qualité d’un journal se mesure à son attrait pour les lecteurs. Le modèle économique d’un site payant qui associe une partie abonné et une partie gratuite est qualifié d’ « invention commerciale » mais il s’agit d’une recette qui n’a rien d’original. En ce qui concerne le nombre d’abonnés, il parait très clair qu’un chiffre de 12.300 « inscrits actifs » et de 500.000 visiteurs uniques par mois ne démontre une réussite ni sur le plan commercial ni sur le plan de la résonance . Il est dit que derrière ces statistiques on « entrevoit » la « vitalité » et la « relation de confiance avec le public », mais cette vision parait être lointaine et même s’éloigner, puisque le nombre d’inscrits actifs est en baisse et que le chiffre des abonnés est manifestement très loin du seuil de rentabilité.
La rédaction de Mediapart et l’ALM sont parfaitement satisfaits. L’abonné qui se veut actif et qui croit avoir quelques domaines d’expertise et qui veut contribuer à la réflexion et à un vrai débat ne reçoit que volées de bois vert.
Mediapart et l’ALM considèrent que Mediapart est à l’abri de la récession, qu’à la différence de la « vieille presse » Mediapart est dans la vérité historique, que son modèle économique est validé et que Mediapart est définitivement installé. Les conférences seront manifestement dans le plus pur style traditionnel. N’étant pas masochiste, ni adepte de la secte Mediapartiste, et ce week end s’annonçant printanier, j’irai dans les bois et les champs.