J'ai découvert, sur le site – très-propre-sur-lui – Telos, une tribune sidérante de hargneuse bêtise. J'avais commencé une lecture commentée de ce tissu d'inepties à l'usage de quelques camarades choisi ; puis, au vu de l'ampleur que cela prenait, j'ai opté pour un billet de blog, en espérant de la sorte, malgré mon manque de notoriété – ça ne tient qu'à moi : il suffirait d'écrire davantage ! – élargir un peu mon lectorat. Petite revue avant le lien :
« Pourquoi M. Mélenchon a-t-il brutalement liquidé son fonds de commerce « antifasciste » ? L’explication communément avancée est qu’il aspire à l’hégémonie de son mouvement sur la gauche, au détriment du PC et du PS, et qu’il a besoin pour cela d’apparaître comme le meilleur opposant au probable président Macron, le seul qui n’aura pas appelé à voter pour lui. Et il essaie d’accréditer l’idée que cette intransigeance dans l’indignation dégagiste prime sur le barrage au FN, puisqu’il y a peu de chances que Mme Le Pen soit élue. »
Ah, bon ? l'antifascisme de JLM était un “fonds de commerce” ? fait pour attirer les mouches sottement antifascistes, là où le “fonds de commerce” d'autres politiques, et de leurs indéfectibles soutiens de la presse main stream est de faire leurs “unes”, jour après jour sur “la grosse bête fasciste qui monte, qui monte”, à la grande joie de tous ces pyromanes, qui crient rituellement “au feu” à chaque élection, présidentielle ou intermédiaire, pour mieux faire peser la “faute” sur ces salauds d'électeurs. C'est en tous cas, ce qui ressort en creux de ce petit lapsus...
Le “détriment du PC et du PS”, ces partis se le sont bien fabriqué tous seuls, et ils aimeraient bien entraîner la France insoumise dans leur interminable chute...
Quant à l'intransigeance primant sur le “barrage au FN” – vous noterez l'élément de langage si grotesque, de ce ”barrage” qui n'aurait de cesse que de s'élever toujours plus haut puisque nos gentils castors de la presse n'ont de cesse que de le démolir en banalisant toujours plus le péril ; c'est toujours la faute aux salauds d'électeurs qui refusent de faire monter le “barrage” –, où ce sachant prétentieux a-t-il vu que Mélenchon était prêt à laisser passer le FN ? proposer trois perspectives de vote, à l'exclusion du vote FN, semble revenir aux yeux de ce jocrisse à ne pas faire “barrage” ? Il rejoint par là la longue cohorte des politiques et éditorialistes glapissant que ne pas donner une consigne de vote revient à faire voter FN. Quel mépris pour tous les insoumis !
« ...l’écart entre Emmanuel Macron et Mme Le Pen sera un facteur essentiel de la composition de la prochaine Assemblée, pour ne pas dire de tout le quinquennat, car cet écart sera la mesure de l’envergure du nouveau président, de sa capacité à tourner la page du « système », entendons un bipartisme essoufflé et perturbé par un FN conquérant. »
Attention ! À force de mimer la sottise, on peut finir par passer pour un sot ! C'est le FN, nullement “conquérant” mais porté aux nues par un “bipartisme” enamouré, qui a longtemps assuré la pérennité du “système” en constituant l'épouvantail approprié pour transformer chaque élection à deux tours en un plébiscite à un tour ! Si le front “républicain” se casse la gueule aujourd'hui, c'est qu'aucun des deux candidats restants n'est républicain. N'est-ce pas, Monsieur Ordonnances ?
« Beaucoup de scénarios sont possibles mais, d’une manière ou d’une autre, il y aura [au parlement] un groupe En Marche important, un groupe socialiste réduit mais significatif, des élus de droite nombreux mais profondément divisés. Selon que le FN sera puissant ou misérable, la recomposition du système partisan n’aura pas les mêmes résultats. »
Il sort d'où, ce groupe “En marche !” ? L'intellectuel se fait cartomancienne. Et récidive derechef : “un groupe socialiste réduit mais significatif”. Et n'envisage aucun groupe de la France insoumise... Quand on prend ses désirs pour des réalités...
« La question européenne est l’enjeu de la campagne parce que c’est cette question qui concentre tout ce qui oppose M. Macron et Mme Le Pen. Or sur cette question la vision et le discours de M. Mélenchon sont identiques à ceux de Mme Le Pen : hostilité à l’UE et à l’OTAN, sortie de l’euro, levée des sanctions contre la Russie et reconnaissance de l’annexion de la Crimée. »
Ce monsieur n'a manifestement rien lu ni du programme L'avenir en commun, ni des livrets thématiques. S'il s'est contenté des fortes analyses de la presse main stream, on comprend mieux son aveuglement. Le remède ? JLM2017, le programme.
« Bien sûr, M. Mélenchon a son point d’honneur de gauche, et a développé un écolo-keynésianisme séduisant qui n’est pas le keynésianisme xénophobe. Mais ces clivages sont des poulies qui tournent à vide, car le programme de démocratie directe de M. Mélenchon est un gadget. »
Qu'en termes méprisants est ainsi réduit le programme de la FI !
« Allié malgré lui du FN, M. Mélenchon ne peut que se taire, mais il est l’auteur et le responsable de son suicide politique. Un collègue spécialiste de l’extrême-gauche a émis cette formule profonde : le mouvement de Mélenchon est un NPA qui a réussi (là où Besancenot avait succombé aux divisions ataviques du trotskisme). Mais ce succès est tout autant un échec. Il ne sert et ne peut servir à rien. Sauf peut-être à affaiblir une gauche démocratique qui n’a pas besoin de cela. »
CQFD : je fais rentrer de force deux programmes incompatibles dans le même moule déclaré fasciste, et je proclame M. Mélenchon allié du FN ! Je concède juste que c'est “malgré lui”. Parce qu'il y a des limites à la malhonnêteté intellectuelle ? J'affirme que Mélenchon s'est suicidé politiquement. Sans preuve (voir ci-dessous l'évolution du nombre des Insoumis). Je proclame, dans une élégante formule qu'un succès est un échec, mais n'apporte aucun argument à cette affirmation paradoxale. J'enfonce le clou en martelant qu'“il ne sert et ne peut servir à rien” (mes yeux s'exorbitent ; je vais vite les faire rentrer dans leurs trous...). Enfin je me dévoile un peu : Mélenchon vise à affaiblir la “gauche démocratique” – entendez la “gôche” européiste convertie aux délices de Capoue du libéralisme dur, pas même mâtiné de “social” – “qui n'a pas besoin de cela”, en effet, car réduite aux dépouilles du divorce d'avec le macronisme et sa cohorte de politicards recuits partis à la gamelle, elle n'a fait que 6% !
« La France insoumise est un feu de paille, comme la montée éphémère des gauchistes à 10% dans le sillage des grèves de 1995, parce qu’il n’a pas la capacité (ni la volonté ?) de s’incruster dans le paysage électoral, comme le Front National a su le faire avec une patience opiniâtre depuis 1965. Imagine-t-on une « dédiabolisation » du chavisme lyrique de Mélenchon ? L’indignationnisme face à la mondialisation a des ressorts durables, la panique environnementale (au demeurant justifiée), l’extrême difficulté pour les jeunes d’entrer dans la vie professionnelle, et aussi le complotisme diffus et le cloisonnement social générés par les réseaux sociaux. Mais la défiance et l’indignation ne peuvent pas gagner les élections, à la différence de la peur et de la haine, même si les deux peuvent converger dans le désir de « renverser la table ». L’abstention le 7 mai sera un indicateur de la pertinence de cette analyse. Je parie pour un taux de participation normal. »
Et re-voilà la cartomancienne ! “La FI est un feu de paille” ! Allez voir sur le site JLM 2017, cher universitaire ! Malgré la défaite, ou à cause de la mentalité des insoumis (« On ne lâche rien ! »), c'est environ mille adhésions nouvelles par jour qui sont comptabilisées : j'ai relevé hier 5 mai 522.503 adhérents à 11:41 ; et aujourd'hui 6 mai, 523.973 à 17:15. J'ajoute que si un pompier confondait un feu de force 10 et un feu de force 19,58, il partirait en effet se recoucher... Ce n'est pourtant pas ce que fait notre remarquable expert. Douterait-il de ses propres certitudes ?
On peut déceler dans les termes de “patience opiniâtre” attribués au FN toute l'admiration que porte notre intellectuel à cette formation qu'il affecte de vouer aux gémonies : merveilleux repoussoir dont le “système” ne peut plus se passer... C'est plutôt la patience opiniâtre des médias aux mains des milliardaires qu'il faut louer ! Quant à la patience de Mélenchon, depuis le début de sa campagne – pour ne pas la faire plutôt remonter à 2008 et sa rupture d'avec le P“S”, voire 2005 et le vote “non” au traité européen –, puis celle de la France insoumise, il semble qu'elles soient passées sous les radars de notre voyante pas très extralucide.
Enfin réduire le seul programme cohérent et chiffré à de la défiance et de l'indignation – comme laisser traîner un néologisme, “indignationnisme”, associé à une accusation de “complotisme”, synonyme de “crétinisme”, et à un revers de main méprisant pour “les réseaux sociaux”, le seul réseau valable étant celui de l'entre-soi du système auquel se targuent d'appartenir tous les petits servants qui se haussent du col – achève de ridiculiser ce sectateur de l'européisme En Marche !.
Je parie pour une très forte abstention, assortie d'un considérable pourcentage de bulletins blancs et nuls.
http://www.telos-eu.com/fr/vie-politique/a-quoi-sert-le-populisme-de-gauche.html