M'étant un peu énervée à la lecture du Vite dit de ce matin de Daniel Schneidermann, j'ai posté sur un forum d'@si, et non sur le papier considéré : c'était impossible.
Vu la rareté de mes billets sur Mediapart, il n'est pas sûr que cette réponse soit beaucoup plus visible ici. Je l'envoie quand même...
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« Ne pas laisser la nation, les valeurs nationales, la Marseillaise, Jeanne d'Arc, la défense de l'orthographe, la dictée quotidienne, la sortie de l'euro, les vrais prolétaires, l'exaspération des SDF tricolores contre les migrants qui leur piquent des logements, ne pas "laisser" tout celà au Front National, très bien, pourquoi pas ? Aucune fraction du réel ne devrait être taboue. Mais le raisonnement est glissant et la glissade rapide. Si l'on va par là, pourquoi laisser le débat sur l'inégalité des races au Front National ? Pourquoi leur laisser la préférence nationale, la décomplexion des blagues racistes, le renvoi des migrants chez eux par le premier bateau ? Qui posera le ralentisseur sur le toboggan ? » (D. Schneidermann, 9.15, “Onfray sur le Toboggan”, 21 sept. 2015.)
C'est un peu facile de ne pas ouvrir de commentaires aux “vite dits”. Ça permet de caser de vrais morceaux de mauvaise foi assortis d'erreurs grossières de raisonnement...
Je réponds ici au vite-dit de Daniel Schneiderman du 21 septembre 9 h 15, “Onfray sur le toboggan”
C'est tout le contraire. Ce n'est pas Onfray qui est sur un toboggan : c'est l'ensemble du journalisme main stream, à force d'interdire toute parole nuancée. Le questionné a-t-il commencé – à peine !... – de répondre à une question, qu'il est immédiatement interrompu pour être mis en accusation sur un mot, forcément tiré de son contexte, puisqu'il n'a même pas pu finir sa phrase, mot qu'il est sommé de justifier, à partir de prémisses non explicitées. Mme Léa Salamé est très forte à ce jeu. C'est là que j'ai compris qu'elle était vraiment journaliste (au sens actuel) : elle n'écoute qu'un mot sur dix, qu'elle extrait et brandit pour tirer à vue. Quant à Monsieur Yann Moix, il m'a constamment donné l'impression que le “x” de son patronyme était de trop... Ça n'aide pas le débat, le personnalise à outrance, et conduit l'invité, pour peu qu'il soit sanguin ou allergique au questionneur, à répliquer par l'attaque ad hominem.
J'en viens à ce que je tiens pour une erreur de raisonnement. Toutes les valeurs nationales que vous énumérez, cher Daniel, au début du paragraphe que je cite, sont revendiquées à gauche comme à droite – je me souviens d'un bel ouvrage de Daniel Bensaïd, Jeanne de guerre lasse, où il montrait en quoi son action anticipait la notion de nation –, et vous savez bien que le souverainisme, dont les scrivailleurs de la presse aux mains de multinationales ont fait un gros mot, est revendiqué tant à gauche qu'à droite (étant entendu que reconquérir la souveraineté n'est qu'un préalable à la conduite d'une politique indépendante, mais n'induit nullement le contenu de gauche ou de droite de cette politique).
Tandis que toutes les “valeurs” que vous énumérez – “la préférence nationale, la décomplexion des blagues racistes, le renvoi des migrants chez eux par le premier bateau” – pour illustrer le risque du toboggan font partie de l'idéologie rance de l'extrême droite, et, de plus en plus, de la droite dite “de gouvernement”, sans parler des fréquents “dérapages” (pour user du terme désormais consacré : comme s'il s'agissait de simples sorties de route...) de la “gauche” dite, elle aussi “de gouvernement”, je veux dire le Parti “socialiste”. Elle est là, pour moi, l'erreur de raisonnement : mettre dans le même sac les valeurs dont Lordon dit que ce n'est pas parce que le FN les a copiées-collées du programme du FdG, par exemple, qu'il faut que la gauche les lui abandonne.
Je vous trouve mi-figue, mi-raisin – c'est la saison !... –, cher Daniel. Navré, sans doute, de la nullité des deux intervieweurs, et consterné de cette défaite de la bien-pensance. Haro sur l'Onfray ! c'est à la mode...
Pardon d'intervenir sur ce forum : c'est celui qui m'est apparu le plus à même d'accepter mes remarques.