La France entière – enfin... les auditeurs d'Europe 1 – a été, une nouvelle fois, mardi matin, redevable à l'indispensable Monsieur Elkabbach d'un grand moment de pédagogie journalistique. Les Français lui sont tous, j'en suis sûre, comme moi, éperdus de reconnaissance.
J'ai pensé, un instant, à poster mes remerciements sur le site d'Europe 1 ; puis je me suis fait la réflexion que le sens exacerbé de la modestie du modérateur sur ce site l'aurait conduit, comme invariablement, à supprimer mon commentaire pour préserver l'humilité de violette de Jean-Pierre Elkabbach...
JPE recevait mardi matin François Baroin, l'encore ministre des Finances, celui qui déclara devant les députés assemblés, que la gauche n'avait jamais vocation à gouverner le pays que par « effraction » – c'est juste pour le situer... Monsieur Elkabbach sait, dans son infinie sagesse, que M. Baroin vaut bien plus que cette déclaration...
C'est pourquoi il lui posa avec pertinence une foultitude de questions parmi celles que nous nous posons tous – ou pas... –, questions que je ne rapporterai pas ici, parce que tel n'est pas mon propos, ni d'ailleurs les réponses, qui importent peu, aussi précises et posées qu'elle eussent été. (Je vais vous faire une confession : je n'arrive jamais à me concentrer sur les propos de M. Baroin ; même si l'avantageux physique qui le caractérise continue de séduire mon œil nonobstant le passage des ans – tant pour lui que pour moi... –, là, je l'écoutais à la radio, et l'absence d'image aurait pu me permettre une meilleure attention. Mais il y a sa voix... une splendide voix de basse, timbrée, juste, posée... Et cette voix, elle lui restera plus longtemps que son physique...)
Il n'y a pas qu'à nous que les réponses n'importent pas : elles laissent de marbre le sagace intervieweur qui, lui, sait à quel point d'orgue, à quelle apothéose, il veut conduire non son invité, dont il se fiche, mais le scintillant créneau horaire qui sert d'écrin à sa grandeur. Parmi les figures oratoires qu'il sait porter à l'incandescence, n'hésitant pas à couper courageusement la parole à l'invité qui s'égare dans des réponses trop longues et inutilement justifiées, figure la répétition, éventuellement incantatoire, qu'il hisse de tout son talent au rang de “droit de suite” – « C'aitait* avant ! c'aitait avant ! c'aitait avant ! » (qui n'est pas sans rappeler le célèbre procédé maïeutique « Raipandaiz* ! raipandaiz ! raipandaiz » dont il ponctue les réponses toujours dilatoires des plus obstinés de ses “patients”).
* Ne vous formalisez pas de cette graphie apparemment déficiente : je m'efforce seulement de rendre visuellement l'ouverture tonitruante de la diphtongue elkabbachienne.
Ainsi était-il loisible de sentir venir, dans une progression haletante, l'acmé de cette interview « sans concessions » : le grand homme l'a close par cette prise à témoins aussi définitive qu'olympienne :
« En tout cas, Julie, Bruce, on a vu pour une fois François Baroin en colère... ».
Ce n'est pas le petit Baroin, déjà en partance, qui aurait été capable de répliquer quoi que ce soit à ce constat définitif !
Bon. À aucun moment M. Baroin ne m'a paru en colère. Mais qui suis-je pour douter des perceptions de M. Elkabbach ? Qui nous a démontré, une fois de plus, avec une imparable maestria que ce qui compte, ce n'est pas le contenu, mais l'“émotion”... Invités, sachez vous effacer toujours derrière son immense stature : vous n'êtes que des « faire-valoir »...
C'est ici.