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Billet de blog 3 février 2014

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DU COMPLOT ET DES COMPLOTEURS

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DU COMPLOT ET DES COMPLOTEURS

Une société secrète tire-t-elle les ficelles de la politique mondiale ?!! Certains exagèrent, qui voient des complots dans les coulisses de toutes les péripéties sociales. Sans doute le plus grand nombre, privé, habituellement, de vigilance, ou manquant d’informations, s’en remet-il, par goût du fait divers, ou simplement parce que, dit-on, la nature à peur du vide, à l’imagination romanesque. Si ce n’est pas très raisonnable, ce n’est pas une maladie, juste une bévue à dimension, sans doute, universelle, une sottise, largement partagée par nos informateurs institutionnels. A propos de ces derniers, on peut, à juste titre, se demander si ceux-là, que de longues études, supposées, ont éclairés, ne se sont pas accordés pour donner un air de mystère à la marche du monde ?                 

« Et pourtant … » Tous les traités élaborés depuis l’implosion de l’Union soviétique, Maastricht par exemple, visent à conforter et optimiser, dans le monde entier, le système capitaliste néolibéral et à le normaliser. Qui ne sait pas que si la vie sociale est aujourd’hui parsemée de difficultés, il faut le reprocher à ce phénomène « naturel » inévitable : la mondialisation et ses règles d’airain : concurrence et compétitivité ? Il n’est pas un jour qu’un politique, appelant le « réalisme » à la rescousse, se défausse de sa propre responsabilité sur le dos de la mondialisation, de l’Europe, si ce n’est de la sainte Providence : personne n’y serait donc pour rien. Et si personne n’est responsable, peut-être s’agit-il, en effet, d’un complot ? Victor Hugo, dans Les Misérables,  stigmatise  « Ces politiques ingénieux à mettre aux fictions profitables un masque de nécessité. »   

Fallait-il, pourtant, être grand clerc, ou paranoïaque, lors de la présentation du traité de Maastricht, pour envisager que si « toutes restrictions aux mouvements de capitaux… sont interdites. » (art. 73 B-1-), cela encouragerait les délocalisations, une « harmonisation salariale » par le bas, et une fraude fiscale débridée, que des officines spécialisées nomment, avec grandiloquence et bon goût : optimisation   ?

Fallait-il être mythomane pour croire que limiter le déficit du budget de l’Etat à 3% sonnerait le glas de la plupart des services publics, pourtant marqueurs d’une république ?

Il ne s’agit pas là de tractations ou d’accords passés en secret. Le texte du traité de Maastricht était parvenu, par la poste, à tous les électeurs, et une majorité l’approuva.

Déjà, les pays vainqueurs de la deuxième guerre mondiale s’étaient accordés, en 1944 pour établir un système monétaire « stable » visant à éviter les cracks boursiers (1930) qui avaient aggravé les tensions internationales. Le FMI est donc né en juillet 1944 pour garantir la stabilité du système monétaire international de l’après guerre, tout en accordant des prêts à certains pays en difficultés. L'objectif était, en gros, d'empêcher les grandes économies mondiales de retomber dans la situation des années 1930. Les décisions de politique économique unilatérales avaient, alors, aggravé les tensions, il fallait donc créer des conditions favorables à la reconstruction et à l’essor du commerce mondial.

Deux autres grandes institutions économiques sont créées à l’époque : la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement, aussi appelée Banque mondiale) prétend réduire la pauvreté dans les pays plus pauvres (mais solvables, parce que… hein ?..) par le biais de ses prêts et de ses garanties (forcément), de ses instruments de gestion des risques et de ses services d'analyse et de conseil. Puis le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, en français : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) s’installe en 1947, pour harmoniser les politiques douanières des parties signataires, suivant le même principe : orthodoxie économique et levée des restrictions au libre échange, prétextant, une nouvelle fois la nécessité que son action soit orientée vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel, il doit encourager la pleine utilisation des ressources mondiales et l'accroissement de la production et des échanges de produits. Les organisateurs de galas mettent donc sur pied un gala au profit des organisateurs de galas ! Sombre complot ?

Dans le cadre du GATT, le Liban serait donc d’accord pour ne pas encaisser de taxes sur les autos importées des Etats-Unis, pour peu que ces derniers en fassent autant pour les dix kilos d’olives et les deux litres d’Arack exportés par le pays ? Est-on obligatoirement débordant d’imagination, ou paranoïaque, pour admettre que les états dominants et, au premier chef, les Etats-Unis, tirent de ces accords la part du lion ? Ainsi, lorsque le FMI accorde un prêt à un état en difficulté et que celui-ci, lors de la première échéance de sa dette, ne peut en rembourser la totalité, le Fonds, bon prince, ne lui en accorde pas moins un nouveau crédit. Cependant, si la dette est de 110, capital et intérêts, le FMI prête encore 210 mais, l’orthodoxie étant ce qu’elle est, il ne verse que 100, se remboursant à l’avance et, subtilité de la « science » économique, les intérêts vont courir sur 210. Il ne s’agit pas de règles secrètes, mais de principes bancaires élémentaires, qui surpassent la volonté affichée de réduire la pauvreté dans les pays les plus pauvres ! Ce n’est pas un complot, c’est l’application pratique de la « science » économique enseignée dans les grandes universités mondiales.

C’est ainsi que, d’avril à Juillet 1994, le Rwanda fut le théâtre d’un génocide. Toutes les télévisions du monde se ruèrent sur les images effroyables qui leur parvenaient. Ils ne commentaient que ces images, comme un fait divers d’importance, passé en boucle, cherchant le meilleur AUDIMAT.

Pourtant, depuis les années 80, le Rwanda avait réussi à stabiliser sa monnaie, l'inflation était l'une des plus faibles du continent et la scolarité s'était bien développée. Les importations de produits de première nécessité étaient minimes et les producteurs locaux protégés. En novembre 88, comme encore aujourd’hui, la Banque mondiale regimba devant le montant des dépenses publiques et prescrit ses recettes habituelles : privatisation des entreprises, licenciement de fonctionnaires, suppression des subventions aux agriculteurs, libéralisation du commerce et, bien sur, dévaluation de la monnaie. En Juillet 1989, sous la pression des grands négociants américains, les pays producteurs de café suppriment les quotas à l'exportation. En quelques mois les prix chutent de 60% ! C’est la ruine pour les producteurs africains, dont le Rwanda. 300.000 caféiers sont déracinés.

De plus, la dévaluation conseillée par les « experts » du FMI, et décidée en 90, qui était prévue pour assainir l'économie produit l'effet inverse : l'inflation s'envole et les revenus s'effondrent. La dette extérieure s’accroît de 34,3% entre 1989 et 1992. Le Fonds monétaire international insiste et conseille une nouvelle dévaluation, suivie d'une nouvelle montée des prix !

L'économie rwandaise se désintègre et l'aide alimentaire en provenance des pays riches, payée en dollars sur les crédits du FMI et de la Banque mondiale, peuvent se déverser (Michel Chossudovsky, Le Monde diplomatique, nov.94) .

La loi fondamentale du FMI, est de soumettre à d'irrésistibles pressions des gouvernements pourtant peu enclins à imposer à leur population de restreindre leur consommation déjà insuffisante, particulièrement sur le plan alimentaire, une austérité dont ils savent très bien, au demeurant, qu'elle va entraîner l'agitation sociale. Devant chaque résistance ou chaque hésitation à sabrer dans les budgets de la santé ou de l'éducation, il suffit au FMI de faire miroiter la monnaie promise ou de menacer d'une demande de remboursement immédiat de la dette en cours. « Agitation sociale » dont l’issue est ici le génocide des Tutsis (800.000 morts, selon l’ONU) ! Traité comme un fait divers par les grands médias du monde : une vulgaire querelle d’ordre ethnique (les méchants contre les gentils), et qui a mal tourné ! Mais les montages financiers fonctionnent à plein : en 1988, les pays du Sud ont payé à ceux du Nord 43 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu. Telle est la loi du marché « libre » : la loi du plus fort. Cela n’empêche pas  M. Sarkorzy de reprocher aux Africains de tourner en rond… et l’opinion publique d’être persuadée que l’Afrique nous coûte cher.

Les véritables maîtres du monde ne sont plus les gouvernements, mais les dirigeants de groupes multinationaux financiers ou industriels, et d'institutions internationales opaques (On l’a vu, le FMI, la Banque mondiale, auxquels on peut ajouter une multitude de satellites comme l’OCDE, l’OMC, et les banques centrales). Le pouvoir de ces organisations se manifeste sur le monde entier, comme le poids des sociétés multinationales dans les flux financiers qui a, depuis longtemps, dépassé celui des états. Le phénomène n’inclut nullement le secret, caractéristique du complot ou de la conspiration. Elles se sont installées et agissent au vu de tous, et quelquefois même, avec l’agrément ratifié de la population. Certains se souviennent, peut-être, qu’à la veille du référendum sur le traité de Maastricht, Serge July, intellectuel de haut vol, ex-maoïste de 68, réputé « de gauche » lançait : « L’Europe c’est l’écu et les culs, moi j’aime ! ». Les mêmes se rappellent peut-être qu’en juin 92, lors du congrès de Versailles, Monsieur Fabius, normalien, énarque, déclarait sans vergogne : « Ce traité (de Maastricht) n’est pas en lui-même socialiste. Mais il n’est pas, en lui-même, libéral ou conservateur… » C’est ainsi que, selon Pierre Bourdieu : le médecin contribue à la maladie.  Si vous vous demandez si Untel est de gauche ou de droite, dites-vous bien qu’il est de droite.

L’idéologie dominante s’insinue dans l’esprit de tous, confondue avec ce bon sens dont Descartes, ironique, disait que personne, hélas ! n’en demandait plus qu’il n’en avait. Ce corpus idéologique est instillé (et jamais mis en cause) par tous les médias dominants, cachés derrière leur objectivité dans la présentation express d’un fait divers.

Complot ? Ou, banalement, pulsion irrépressible pour garder un lucratif emploi ?

G.R.

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