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Billet de blog 7 avril 2014

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PRENEURS D'OTAGES

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PRENEURS D’OTAGES

La finance, « qui n’a pas de visage, qui ne vote pas… » : « l’ennemi » désigné, au Bourget, par le président de la République ! Ses électeurs attendaient une bataille. Ils y auraient participé. La patience a des limites : le 30 mars, tout le monde a pu constater.

Après le crédit d’impôt  pour la croissance et l’emploi, établi pour suppléer la carence de ces banques et de ces entreprises qui ne votent pas, le « pacte de responsabilité » offre, à ces mêmes  entreprises, un allégement de cotisations sociales de 30 milliards d’euros... en espérant que celles-ci voudront bien, en contrepartie, créer des emplois... A Washington, Pierre Gattaz, le patron des patrons, soutenu, lors de son élection à la tête du MEDEF, par les fédérations des assurances et des banques, a dit clairement ce qu’il en pensait. Encore un marché, oui, de dupes !  Lors de son intervention télévisée du lundi 31 mars, le président de la République enfonçait pourtant le clou en déclarant que le deuxième des trois piliers de son pacte de responsabilité était « … la sécurité sociale  avec la priorité donnée à la Santé ;  et le troisième : le pouvoir d'achat avec une réduction des impôts des Français et une baisse des cotisations payées par les salariés »… Moins d’impôts et moins de cotisations pour sauvegarder la Sécurité sociale ? Les cotisations sociales sont  partie du salaire, partie   indirecte certes, mais salaire,  à moins de les considérer comme une libéralité patronale ?  A quand le retour aux jardins ouvriers ? Disparition de l’URSSAF pour soutenir une politique de la famille ? « Redonner du pouvoir d’achat à des salariés » qui n’auront pas, de toute façon, les moyens de payer une assurance complémentaire ? Oui, « l’ennemi juré » considère le salaire comme une « charge » indue ! De la santé de qui le grand chef sioux parle-t-il ?... Et le pauvre smicard se demande de quoi sera fait son lendemain, si le patron, sous la pression de ces actionnaires qui n’ont pas de visages, ne va pas mettre la clef sous la porte ? Après avoir voté Hollande, on attendait Grouchy… Cela devient une habitude désespérante dans l’histoire des élections…  c’est Blücker qui est sorti de sa boite…

Bernard Cazeneuve,  aujourd’hui ministre de l’Intérieur, considère, lui aussi, que « les entreprises ne sont pas des lieux d’exploitation ou d’accumulation de profit ». Pierre Moscovici, ex-ministre de l’économie, pense que « pour lutter contre l’exil fiscal, il faut avant tout valoriser le site France qui doit être accueillant pour les entreprises, les talents ». En résumé : « les entreprises sont au cœur de notre politique économique » et Pascal Lamy, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, un proche de Jacques Delors, invité de l'émission « Questions d'info », sur LCP (2 avril dernier) résumait la pensée sociale du PS : « … je pense qu'à ce niveau de chômage il faut aller vers davantage de flexibilité, et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au smic… Un petit boulot, c'est mieux que pas de boulot. » Quant au nouveau premier ministre, qui se souvientque lors des élections internes du parti socialiste, il pensait déjà nécessaire de « dévérouiller les 35 heures » ? Il s'était livré, au micro de RTL, à un plaidoyer dans ce sens : « Depuis 10 ans, on a subventionné le travailler moins, puis le travailler plus, sans que le pouvoir d'achat ne soit au rendez-vous  donc je pense qu'il faut changer radicalement de stratégie (...) Je propose d’augmenter de deux ou trois heures la durée légale du travail en supprimant également le dispositif sur les heures supplémentaires. (...) Il faut sortir des 35 heures et  être capable d'aller sur tous les sujets : celui de l'entreprise, de l'allègement du coût de travail. (...) Je suis convaincu que la gauche doit renouer un véritable pacte avec le monde économique, avec le monde de l'entreprise. » Nous voilà prévenus sur les intentions de M. Valls. Son attitude est, en tous les cas, plus claire que celle de M. Montebourg, l’homme qui retourne sa veste plus vite que… M. Hamon, pour nous expliquer que le pacte de responsabilité consiste en « une réconciliation de la nation autour de l’entreprise », en contrepartie de laquelle il est bien entendu que « l’entreprise secoure la nation » !

Le MEDEF comme planche de salut ! « Tournant rectiligne » dirait M. Raffarin- dans la logique de ce concept fantasmé de l’ennemi « invisible » et d’une longue expérience de la trahison idéologique. Lénaïg Bredoux et Stéphane Alliès citent M. Matthias Fekl, député proche de M. Pierre Moscovici (Mediapart, 6 mars 2013) « La seule chose qu’on n’a pas essayée, c’est de faire confiance aux entreprises ». Faire confiance au preneur d’otages afin qu’il annule sa demande de rançon !

A cet égard, à voir des « prises d’otages » partout — dans les transports, chez les postiers, les éboueurs, tous ceux qui se défendent comme ils peuvent des agressions répétées dont ils sont l’objet — sauf là où il y en a vraiment une, énorme, massive, 65 millions de personnes, en dit long sur le pouvoir de l’idéologie dominante qui imprègne nos « informateurs » professionnels, aujourd’hui « communicants » complaisants de l’idéologie dominante, qu’ils inculquent, mine de rien, à leurs auditeurs,  à toute heure du jour et de la nuit, matin, midi et soir, ou en boucle continue, et qui s’impose insidieusement aux citoyens, pourtant réputés « libres », et vivant dans un pays réputé « démocratique ». Le pouvoir de ces experts de ne montrer le monde qu’à leur manière, en rendant invisible –c’est décidément la mode- tout ce qui pourrait les contrarier, fait que la plus massive des prises d’otages  ne pourrait passer, au mieux,  qu’après la rubrique des chiens écrasés !

Et pourtant, la finance, le capitalisme, le patronat, l’ennemi « invisible », ne prennent pas en otage que la vie de quelques individus, mais la vie de la société toute entière, celle dont la qualité devrait être l’objet unique de la politique. Il faut être un croyant intégriste, un diplômé de l’ENA, un « journaliste », ou un économiste décoré, pour s’imaginer que le capitalisme pourrait ne pas pousser son avantage jusqu’au bout, abattre tous ses atouts issus d’une crise qui ne peut, au demeurant, que lui être imputée -et à lui seul- mais dont il est, aussi, le seul à profiter, (Le CAC 40 a gagné  18% en 2013, mieux que Londres, qui prend 14,13%, mais moins bien que Francfort, qui a clôturé sur un gain annuel de 25,48%). L’homme invisible pleurniche bruyamment, se lamente de la création empêchée, d’énergies qui voudraient tant être libérées, d’étouffement administratif, de strangulations fiscales et de charges sociales qui l’ ensevelissent, et puis il renifle et déglutit sa morve : « si c’est comme ça, je m’en vais », « si c’est comme ça, je vais payer mes impôts ailleurs », « si c’est comme ça, je n’embauche pas ».  

Depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 80 jusqu’aux dispositions de l’ANI (Accord interprofessionnel sur l’emploi, entériné par la Loi du 14 mai 2013), qui remet notamment en cause les modalités des licenciements économiques, en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au CDI, le travail du dimanche, la liste interminable de butins de guerre, dont il faut comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment, tant qu’il ne se trouvera pas, en face, une force du même calibre, mais de sens opposé, pour le ramener, autoritairement, à la raison. L’ennemi « invisible » n’a, en effet, aucun sens de l’abus. Il faut que soient agrées toutes ses demandes, faute de quoi il pratiquerait, par exemple, la grève de l’investissement ! Et pour M. Montebourg, nous devrions lui témoigner, en plus, de l’amour ! Dernière période de la prise d’otages : en plus de la rançon, le maître- chanteur réclame d’être aimé !

Le parti socialiste n’est pas « la gauche » : il est une droite honteuse.

GR.

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