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Billet de blog 5 janvier 2016

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Autisme : Il y a des Belges dans tous les pays

En Belgique, une école fantastique accueille les adolescents autistes Cette nouvelle est illustrée d'une vidéo, qui montre une école secondaire adaptée qui se donne comme but d'aider, en les scolarisant, les adolescents autistes, et y parvient en adoptant une pédagogie structurée, inspirée de TEACCH, associant souplesse et exigeante : mais pourquoi ne pas créer une école belge en France ?

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Une nouvelle bien réjouissante nous vient du site info.arte.tv : En Belgique, une école fantastique accueille les adolescents autistes. Cette nouvelle est illustrée d'une vidéo, qui montre en effet une école secondaire adaptée qui se donne comme but d'aider, en les scolarisant, les adolescents autistes, et y parvient en adoptant une pédagogie structurée, inspirée de TEACCH, associant souplesse et exigence.

Me venait à l'esprit une question, sans doute scandaleuse mais toute simple : pourquoi ne peut-on ouvrir une école belge fantastique chez nous, en France. Sont ce les idées qui manquent, les financements qui manquent, les vocations qui manquent, les besoins qui manquent ?

J'avais jadis posé la même question à un responsable médical de ce qui préfigurait alors, pour l'enseignement seulement, la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) : pourquoi ne pas ouvrir des établissements belges en France ? Déjà alors la question avait fait rupture, et suivie d'un silence attristé : il était malséant de poser ce genre de question.

Or la poser, aujourd'hui, et être si mal reçu, à n'en pas douter, repose le même problème, ce d'autant que je connais une « école belge » en France, à Paris pour tout dire, qui accueille pareillement des adolescents que ses promoteurs préfèrent nommer « différents », et qui sont presque tous autistes, je peux vous l'assurer. Elle le fait dans la méconnaissance malveillante et l'indifférence générales, et d'abord par ce que ses promoteurs n'ont pas voulu se faire mousser, ni faire pleurer Margot, qu'ils ne se sont pas incrusté dans les antichambres, qu'ailleurs on nomme lobbies, qu'ils n'ont pas menacé les ministres de leurs terribles représailles, qu'ils n'ont pas vitupéré « la psychiatrie » (et ses hôpitaux psychiatriques, de nuit comme de jour), ni la terrible psychanalyse, mère de tous nos maux, responsable du retard-de-30-et-même-40-ans. Qu'ils ont par exemple fait appel aux modestes compétences d'un psychiatre, et pas des plus en vue, votre serviteur, et, constatant que les âmes qui lui étaient confiées allaient parfois un peu moins mal, tirèrent la conclusion que je pouvais leur être de quelque utilité. S'ensuivirent des rencontres bien sympathiques. D'où j'ai tiré la vanité de croire que, pour ces adolescents, je pouvais être efficace, foi d'Evidence Based Medecine (Médecine Fondée sur la Preuve).

Je ne vous donnerai pas le nom de cette école belge en France, mais elle existe. Et si elle existe, c'est que probablement bien d'autres existent, parfois de simple classes dans des écoles standard, menées par un personnel investi et souvent admirable, et aussi que cent autres pourraient ouvrir, de même que cent structures adaptées au vastes problèmes posés par l'autisme. J'en ai moi même quelques unes bien au chaud dans ma besace de retraité, au milieu des mouchoirs, des feuilles mortes, et des regrets professionnels éventés.

C'est que moi non plus je n'ai pas été un bon antichambriste, je regrette, les relations mondaines intéressées, ne sont pas mon fort, la prochaine fois peut être je serai différent, promis. Je ne crois pas être le seul à savoir intimement que beaucoup de choses peuvent changer de l'action périphérique, souvent muette, d'obscurs ou de sans grade, et que l'attente d'une solution parfaite et juste venant des Hauteurs Éclairées est illusion, car ces Hauteurs sont minées par la maladie de la mêmeté (sameness en anglais) : toujours la même chose, par les mêmes, surtout s'ils sont de chez nous, c'est si simple, et beaucoup moins risqué que de procéder autrement.

Mais, voyez vous, on préfère généralement présenter les choses autrement dans le domaine de l'autisme. Je vous parle de professionnels désireux de faire plus et autrement, et on nous montre généralement des parents en rupture fuyant tous ce qui, de près ou de loin, peut ressembler à un professionnel français. Tenez dans l’article qu'au début de vous citais, après la vidéo très explicite, une conclusion que je vous cite :

« Près de 1600 enfants français en situation de handicap sont hébergés dans des établissements conventionnés en Belgique. 1200 enfants supplémentaires sont scolarisés sans y être hébergés. Un flux que le gouvernement français souhaite stopper, à la grande colère des familles. Car le but, en allant en Belgique, est d'échapper au medico-social et à l'hôpital psychiatrique. 
Méthodes comportementalistes plus développées, écoles spécialisées gérées par le ministère de l'enseignement : la Belgique offre des solutions aux familles qui veulent que leurs enfants évoluent vers plus d'autonomie. Là-bas, la prise en charge de l'autisme va de l'institution au sanitaire en passant par le médico-social, l'école spécialisée, les classes spécialisées dans une école ordinaire, l'intégration dans une classe ordinaire, et enfin la classe ordinaire. On doit pouvoir pousser l'enfant le plus possible vers le haut, ce qui n'est pas possible en France. »

Bref des parents en butte aux professionnels qu'il faut fuir (le médico-social et l’hôpital psychiatrique), et les fuir jusqu'en Belgique pour encore plus de sûreté. L'axe du nouvel autisme est donc celui là : seuls les parents seraient les moteurs positifs, et il ne faut rien attendre des professionnels français, ou seulement de quelques uns. C'est une opinion qui mérite d'être reçue, surtout si elle provient du côté de trop nombreux parents qui ont souffert et désespéré dans le parcours labyrinthique qu'on leur a imposé pour que leur enfant autiste soit pris en compte, voire même en charge. Une opinion d'humeur mérite, dans ce cas, le respect. Mais que cette opinion devienne la vérité officielle, la vérité médiatique, celle qui court les rues, les ondes et les ministères est choquant.

Cette vérité là dit qu'il n'y a rien à attendre des professionnels français, et bref qu'on fait beaucoup mieux de les éviter tous. Ce que les Hauteurs Éclairées reprennent volontiers, en oubliant simultanément que ce sont elle qui ont créé, financé, surveillé les dispositifs anciens qui continuent actuellement, dans le domaine de l'Autisme, à exister et à être financé, alors même qu'elles les décrient.

Je suis certain qu'il n'en est rien, tout comme je pense que l'enlisement du 3° plan Autisme provient, pour une part, de cette impasse structurelle. Il existe de bons professionnels, efficaces et engagés, désireux de s'adapter, de se perfectionner, et d'agir, pour peu qu'on leur en laisse la possibilité sans les calomnier de manière globale a priori et qu'on leur propose de faire la preuve de leur efficacité.

Après tout, il y a des Belges dans tous les pays, même en France.

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