D'abord il y eut un film, un très bon film, au ton exact, sensible, bien réalisé, bien joué, y compris par l'enfant autiste, assez nuancé, au fond. Il présente un exemple de vécu d'une famille autour d'un enfant à propos duquel les parents s'inquiètent et, après tant d’atermoiements, de banalisations, de demi mensonge, finissent par mettre un nom, un savoir sur leur inquiétude, ce qui stoppe leur chute et leur délitement.
Une jeune mère, un père bien plus âgé, acteur connu. Beaucoup d'angoisse à tous les niveaux, beaucoup de questionnements des parents, et sur eux même aussi.
Et puis on se rend compte que le dispositif censé construire les choses pour un problème aussi sérieux que l'autisme, est inopérant : il hésite, banalise et rebanalise, se renvoie la balle, est sourd aux parents et parle pour lui même. Pas très efficace, c'est le moins qu'on puisse dire. Tout ça, qui part en vrille, jusqu'à ce qu'un certain savoir sur la nature des troubles de l’enfant, d'une certaine communauté au sens américain (une association de parents), permettent à la cellule familiale d'abord de cesser d'errer et d'imploser, puis à ce que l'enfant puisse faire des progrès. Là par une rencontre avec l'ABA, thème qui n'est pas abordé dans le film.
Un très bon film donc.
Puis un débat, lit-on. Un débat ? Non un touchant consensus. Touchant car ce consensus évite les questions qui fâchent trop, sauf quelques coups de griffe plutôt doux sur les psy. C'est qu'au passage, dans les témoignages trés pondérés de parents ou d'une autiste on sent le parfum du vécu.
Le commentateur, plutôt aimable, de mon dernier billet m'avais fourni la liste des erreurs psy-psy, en me transmettant un extrait d'un article de Hochmann. Mis à part l'illusion de ce dernier que les « bonnes formations » chez les « gens sérieux » de la psychanalyse les préserverait de la vindicte des parents furieux, on pouvait faire son miel de mille péchés capitaux des psys (plutôt lacaniens donc). Je ne m'y reconnaissais pas mais, après tout, si ce n’est moi, c'est donc mon frère, et tous dans le même sac de Buridan, mais où sont les neiges d'antan.
Les psys donc, loin d'être lynchés, étaient globalement ignorés, victimes du vent de l'histoire, et dans les poubelles de ladite.
La ministre actait (le joli mot) leur fin prochaine, faisant comme si elle était certaine que les formidables méthodes é-du-ca-tives et miraculeusement efficaces et vertueuses de ce fait remplacerait avantageusement leurs errements. ABA for the people ! Je crains qu'elle n’en ait été qu'à demi dupe, instruite qu'elle est maintenant des résultats mitigés de ces méthodes une fois mises en place dans les structures expérimentales de l'ère Xavier Bertrand.
Un professeur de médecine qui, las de tenter de vendre sa pathologie en convient du han-di-cap, le mot qui semble magique, tente lui aussi de faire consensus, sans charger la barque de ses malheureux collègues restés dans l'erreur, et donc le péché.
Bref tout le monde était d'accord, tout allait aller mieux.
Et tout semble pouvoir aller mieux, mais ne va pas magiquement aller mieux, puisque aucune des vrais questions n'ont été abordées. Puisque les vrais questions, ce n'est pas « la psychanalyse » ou les « méthodes comportementales », source d'articles sans fins et sans sens surtout.
Non la première vraie question est : comment peut se concevoir l'architecture d'un système où les enfants (et les adultes, mais là, je connais moins) sont diagnostiqués tôt et pris en charge de manière simultanée, et cela partout en France, et pas seulement autour d'un Centre Hospitalier Vertueux de Paris Nord Est. Comment faire, avec qui, avec quelles ressources, les maîtres mots étant pertinence, rapidité et efficacité ? Qui va faire ça. Je sais qu’un petit centre banalisé, tel le CMPP que naguère je dirigeais pouvait faire quelque choses comme ça, à son échelle, et avec ses moyens. Ça a été du reste un des thèmes du dernier rapport d'activité que j'ai rédigé. Le diagnostic se basait plutôt sur le savoir faire clinique que des check-lists qui peuvent se révéler utile quand on manque d’expérience, et en tout cas pour tenter d'homogénéiser les diagnostics. Nous nous contentions de ce diagnostic clinique, car la voie menant aux super-centres des diagnostiques savants était pavée, comme l'enfer, de bonnes intentions mais de grands retards, puisque la connaissance engendre une certaine asymétrie, source de bien des rentes d'influence. Dame, le monopole du vrai savoir nouveau n'a, sur ce plan, pas de prix. Et on faisait quelque chose, un programme individualisé, mais dans le genre du CMPP, le côté psy-psy amène forcément un grand degré d'individualisation, ce qui est, lisez l'HAS, aussi une recommandation. On devait se débrouiller avec ce que nous pouvions mettre en place vite, sur un mode peut être trop peu soutenu, 3 parfois 4 séances par semaine, de la psychomotricité, de l'orthophonie, une éducatrice spécialisée, des psys essayant d'assurer soutien et guidance, ce qui n'est pas facile, fomentant des groupes divers. Un semblant de programme, sûrement insuffisant, et pas assez intensif , mais mis en place vite cependant, parce dans ces cas là, d'enfants vus jeunes, c'est indispensable. Notre réseau « petite enfance » (école, garderies, crèches PMI, pédiatres) fonctionnait en confiance, et nous avions un tiers d'enfants de 0 à 6 ans dans nos primo-consultants, ce qui facilitait notre abord par une population tout venant, celle d'un quartier difficile et pluriel. Nous nous efforcions aussi d’assurer un soutien à l'inclusion scolaire, qui nécessite là encore de l’attention pour le milieu incluant, et beaucoup de diplomatie. Et même si cette inclusion est perfectible, qualitativement et quantitativement, nous notions d'incontestables progrès du milieu scolaire, avec des enseignants formidables, et des directions engagées. Et nous avions des résultats, bien entendu, (et pas de neuroleptiques, bien sur, pourquoi faire ?). Des résultats encourageants, et bien entendu nous aurions pu, ne nous eut-il pas manqué quelques millions d'euros et quelques années, faire une étude avec échantillon représentatif et groupe témoin. Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Mais qui, en France, a fait ça ? Les méthodes qui marchent marchent aux USA, ou en Europe du Nord, pas chez nous, en tout cas on ne l'a pas prouvé chez nous ! Il nous manque cette tradition anglo-saxonne de la preuve.
Nous étions, pour de vrai, loin de la caricature du retard français, où on ne fait rien, à cause de la psychanalyse, etc...
Nous avons bricolé. J'ai transmis aux autorités de contrôle ce que nous faisions, j'en ai parlé ça et là.
Nous nous sommes formés, non pas à la prédication du Seul Vrai Autisme, chassant les diables psy-psy par l'imposition des neurosciences, mais aux nouvelles conceptions, aux nouvelles classifications, aux nouvelles voies possibles, domptant les termes barbares, les contextualisant pour nous, avec la volonté de partir d'où nous étions, en tenant compte aussi des résultats, parfois excellent que nous obtenions. Un long travail de dédiabolisation de l'inconnu étrange et étranger, le cheminement d'un établissement. Sortir les personnels de leurs certitudes réconfortantes bien que dépassées est une œuvre de longue haleine.
Oui j'ai accueilli le terme Troubles Envahissants de Développement avec soulagement, ; n'ayant jamais saisi ce qu'étaient les psychoses infantiles, oui, nous avons adhéré au concept de Troubles du Spectre Autistique, qui décrit une gamme très large, probablement 25 % de notre file active, de problèmes variés, avec des enfant toujours à côté, un peu ou davantage.
Alors quand je dis qu'un CMPP, par exemple, peut être une base intéressante d'un dispositif de diagnostic et d'intervention précoces, je ne parle qu'au vu de nos actions, et pas en l'air. Bien entendu des ouvertures au comportementalisme, aux développementalisme, et donc des possibilités d'intégrer des professionnels, encore faudrait-il qu'ils existent. Et puis un minimum de reconnaissance des autorités de contrôle, ne serait-ce que pas un accusé de réception. Au lieu de ça, rien, mais rien, pas un mot, et bien sur, pas un sou. Du blâme indéterminé, mais d'encouragement, base, chacun le sait, du comportementalisme le plus fondamental, aucun, jamais. Jamais même de peut mieux faire, ni même de « un peu moins mal », rien…..
Et pourtant des compétences, à développer bien entendu, existent, et une volonté de concourir à un projet d'ampleur aussi. Si dans le CMPP que je dirigeais, j'ai pu obtenir quelque chose comme ça, pourquoi pas ailleurs, pourquoi pas partout ?
C'est la volonté de mouvoir le dispositif qui manque ! Reconstruire, à côté de l'ancien, un nouveau dispositif entièrement neuf est trop coûteux et trop long, Penser le reconstruire à l'aide de l'idée qu'une conception « vraie » et « scientifique » purgera l'atmosphère de l'autisme de ses miasmes est une illusion. Les savoirs actuels ne sont pas davantage dénué de parti pris que les précédentes. Ils sont actuels, ils ont fait ailleurs consensus, ils peuvent être chez nous une base de consensus, à condition de pouvoir les étendre jusqu'à englober le système hérité, puisque celui ci existe.