Normalito ou l'apprentissage de la différence
- 26 mars 2020
- Par guillaume lasserre
- Blog : Un certain regard sur la culture

La pièce s'ouvre sur un décor de latrines. Celles-ci sont celles de l'école de Lucas, dix ans, élève de CM2, qui s'y est enfermé après avoir piqué une grosse colère contre la maitresse au sujet d'un devoir pour lequel ils n'ont pas tout à fait le même point de vue. Pour traiter la question « inventez votre super héros », Lucas a imaginé Normalito, dont le superpouvoir est de rendre les gens normaux. C'est bien là le début du point de discorde, la maitresse arguant du fait qu'il ne s'agit pas un superpouvoir, qu'il doit s'agir d'un atout extraordinaire à utiliser dans un moment extraordinaire. Au cri de « Je suis Normalito, je rends tout le monde normaux », Lucas n'en démord pas. Vivant avec ses deux parents qui appartiennent à la classe moyenne, c'est un garçon « normal », ni beau, ni laid, avec un QI dans la moyenne, en même temps, il incarne une position spécifique, celle d’un petit male blanc occidental. Sa position d'enfant ordinaire le fait se sentir médiocre, lui donne l'impression de ne susciter aucun intérêt, d'être insignifiant. « Nous les normaux on va disparaitre ! » affirme-t-il, jugeant que dans sa classe, ils sont de moins en moins. La maitresse le gronde, affirmant qu'il ne faut pas penser comme ça. Enfermé dans les toilettes, Lucas défend son opinion à voix haute quand arrive Iris, la fille la plus ennuyeuse de la classe, décrochant toujours les meilleures notes, sachant tout, raisonnable en tout, bref déjà adulte. Iris est ce que l’on appelle un Zèbre, terme forgé il y a une quinzaine d’années pour désigner les enfants à haut potentiel, autrefois appelés surdoués. Bien décidée à devenir normale, elle l'interroge: « C'est vrai que tu peux rendre les gens normaux ? Tu peux essayer avec moi. » Après une phase de rejet, les deux enfants vont finir par s’apprivoiser. La maman de Lucas, venue le chercher à l’école, invite Iris à se rendre chez eux le lendemain, rendez-vous qui va devenir hebdomadaire. Lucas bientôt découvre à son tour les parents d’Iris. Ils réalisent vite tous deux que l’autre famille correspond mieux à leurs espérances. Iris, subjuguée par les parents de Lucas, leur intérieur subtilement aménagé où tout, mobilier et objets de déco, paraît imaginé spécifiquement pour le lieu – la maman de Lucas est architecte d’intérieur –, ne comprend pas ce que ce dernier trouve à ses parents à elle, qu’elle tient pour inintéressants, irresponsables, ennuyeux. « Pour toi être normal, c'est être bête ? » lui rétorque-t-elle lorsque, se délectant de pouvoir faire n’importe quoi chez eux, il lui fait remarquer que sa famille à l’air normale. Il passe de plus en plus de temps chez Iris, même si elle n'est pas là, ce qui pour lui revient au même. La plupart du temps, elle est chez ses parents à lui.

Normalito, m.e.s. et écriture de Pauline Sales, pièce créée en février 2020 au Théâtre Am Stram Gran, Genève © Ariane Catton
« Normalito » texte et mise en scène de Pauline Sales, avec Antoine Courvoisier, Anthony Poupard et Pauline Belle. Spectacle vu lors de sa création au Théâtre Am Stram Gram de Genève en février 2020.
Théâtre Am Stram Gram du 17 février au 3 mars 2020
Route de Frontenex, 56 CH - 1207 Genève
Le Carreau du Temple (Les Plateaux Sauvages hors les murs) du 13 au 15 mars 2020 (dans le cadre du parcours enfance et Jeunesse du Théâtre de la ville)
4, rue Eugène Spuller 75 003 Paris
Le Quai des rêves, Lamballe, 19 - 20 mars 2020 (annulé)
La Maison du Théâtre, Brest, 26 - 27 mars 2020 (annulé)
Les Scènes du Jura - Scène nationale, Lons-le-Sonnier, du 30 au 31 mars 2020 (annulé)
Théâtre du Champ du Roy, Guingamp, 3 avril 2020 (annulé)
Le 11, Avignon, du 3 au 26 juillet 2020
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