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Billet de blog 23 septembre 2023

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Deux écologies incompatibles émergent... combats politiques et sociétaux de demain?

Après le boomerang du glyphosate et le boost de l'exploration pour le lithium et l'hydrogène, je constate qu'après 30 de luttes contre le climatosepticisme, nous faisons face une nouvelle lutte... entre deux écologies incompatibles?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D'un coté, il  y a l'écologie des écolos, construite par 50 ans de prise de conscience, de travail interdisciplinaire entre associations naturalistes, biologistes, recherche d'alternatives et luttes sociales. Cette écologie s'est incarnée dans des projets pionniers : initiateur de la Bio, des premiers panneaux photovoltaïques, des écovillages, des écoquartiers, volontiers antinucléaires, pro ENR, adeptes de santé naturelle, de yoga et de CNV. Les écolos portent une écologie du vivant, des réserves naturelles, soucieux des espèces menacées, comme des nappes phréatiques, planteurs d'arbres, promoteurs de la permaculture, de l'agriculture bio, de la phyto, des ENR, de l'écoconstruction. On y cherche à être en équilibre avec l'écosystème, à reprendre humblement notre place au sein de la nature : en la protégeant, on prend aussi soin de nous. Humilité, exigence de connaissance en se penchant sur les intra-terrestres qui cohabitent sur notre terre, nombreux cherchent à se reconnecter à cette nature que d'autres trouvent hostile tant ils sont devenus artificiels. Penser global, agir local, prendre soin du vivant.

De l'autre, l'écologie est phagocytée par des mouvements fraichement acquis à cette cause,  qui récupèrent cette préoccupation en l'intégrant dans leur logique combative, faite de défis et de challenges, winners qu'ils sont. Ces mouvements fourmillent d'initiatives toutes plus innovantes les unes que les autres : captation carbone, optimisation par la 5G, réindustrialisation, hydrogène vert, blanc, électrification tout azimut y compris pour l'aviation, boostée par IA, big data, drones et robotisation, voir exosquelettes et implant humains : tout est possible pour Prométhée, y compris aller sur Mars. Issu du réductionnisme qui a fait le succès de la plus part de nos industries, tant qu'on en ignore les dommages collatéraux, ils l'appliquent à ce nouveau champ qu'est la transition environnementale. On se focalise sur le carbone, oubliant les 8 autres limites planétaires, tant pis pour le transfert d'impact. On agit local ou global selon l'opportunité et on refuse la pensée global, engoncé dans les compétition nationaliste qu'on est. Aveuglé par la foi en le progrès, dans le déni des limites planétaires, on continue de surfer sur la voie si prolixe du progrès qui fit le succès du siècle passé, condamnant le suivant. Jonglant avec les oxymores, reniant leur incompatibles origines, ils portent la croissance verte, le découplage carbone croissance, l'opportunité environnementale qui fera la croissance de demain, le développement durable, la pollution saine et résorbable, la fuite vers Mars, le rêve y compris impossible, pour toujours mieux fuir l'implacable réalité de l’anthropocène et sublimer les limites qu'ils refusent. Penser opportunité, agir focalisé, prendre soin de la croissance.

Les premiers sont volontiers décroissants, altruistes, mondialistes, militants pour la convergence des luttes, seul levier permettant d'atténuer le chaos social à venir, fruit 50 ans de réflexion sur l'impasse environnementale et sociale qui nous fait face de façon implacable. De plus en plus fatalistes, pessimistes connaissant trop bien le rapport Meadow suivi de ceux du GIECC, donc trop radicaux quand ils veulent encore agir. Dans un sursaut vital, ils inventent encore le travail qui relie, la sobriété heureuse, chantent, dansent et inventent moultes collectifs, nouvelles façons de vivre ensemble, mais la CNV ne suffit à créer de nouveau liens apaisés, les échecs sont nombreux.

Les seconds rejettent la décroissance, compétitifs, postcoloniaux, diabolisant la convergence des luttes, aveugles à l'impasse sociale tant ils n'en sont que les winners, ils ne jonglent qu'entre storytelling, rêves, pensées positives, innovations, businessplan. Après 50 ans de procrastination, ils continuent sur cette lancée, ne voulant que trouver une astuce géniale, transcendante, pour continuer de profiter de la société de surconsommation qui leur sied si bien. Avec la force et la violence du capitalisme, ils continuent à artificialiser l'espace : aéroports, autoroutes, mines, usines, villes, champs photovoltaiques, forages, siphonage des nappes fossiles, raclage des fonds marins, toujours plus, plus gros, plus haut,  quoiqu'il en coute. Factuel, comptable, un arbre centenaire est remplacé par un scion replanté... qu'ils n'arroseront pas : un pour un, just do it!

Entre ces verts bruns qui enfoncent leurs racines dans la terre-mère et ces verts bleus qui plongent leurs racines dans la technoide aigue pour solutionner ce petit problème de climat, comment trouver un espace de cohabitation, de compromis... en si peu de temps... avant qu'il ne soit trop tard?

Le XX fut le siècle de l'affrontement gauche-droite, rude mais souvent constructif. Le XXI sera le siècle de l'affrontement entre ces deux écologies. L'issue étant vitale, l'enjeu est non négociable, donc ce combat se radicalise chaque jour un peu plus. Malheureusement, nous n'avons plus le temps de laisser 30 ans d'essais-erreurs techno-solutionnistes à ces nouveaux acquis à la cause environnementale qui en refusent l'implacable réalité et son timing intransigeant. On a déjà perdu tant de précieuses années à lutter contre le climatosepticisme qui connait une nouvelle vague, boostée par la crise de confiance démocratique laissée par la gestion biaisée du covid et de sa dogmatique vaccination hors AMM.

Enfant d'écolo, je fus longtemps combative, patiente, pédagogique. Là, je me sens écartelée, sidérée par la fuite en avant suicidaire de ces verts-bleus, qui refusent de voir le réel qu'ils écrasent avec leur bulldozer de technologie. Choquée d'être cataloguée du coté des écolos terroristes alors qu'on ne veut que sauver le vivant le plus pacifiquement possible. Bousculée par ces complotistes qui portent aussi des espoirs magiques d'énergie libre, d'extraterrestres salvateurs... rejetant de fait ces deux écologies qu'ils soupçonnent d'être les deux faces d'une même manipulation... Certes ce capitalisme écocide, biocide, fait d'artificiel, de surexploitation est incompatible avec la transition écologique qui se préoccupe d'abord de sauver l' écosystème, mais qui propose une alternative viable sur le plan environnemental comme sociétal, qui peut réconcilier ces trois pôles divergents? Désemparée ne voyant plus d'issue pour sauver l'avenir de mes propres enfants, tant le chaos que dessine ces affrontements me semble insolvable.

Quelle issue politique peut-on trouver dans un tel chaos? C'est un défi abyssal qui n'a jamais aussi noir!

J'avoue être démunie par l'absurdité humaine, faite d'ambition folle, d'intolérance combative et de crédulité vaine.

Je ne peux qu'arroser les arbres qui poussent dans mon jardin, pailler mes plants et méditer sur le non-sens de la vie. Et je comprends toutes ces figures militantes écologiques qui, à un moment donné, disparaissent de l'espace médiatique et se réfugient dans une vie d'ermite méditant : je les comprends enfin.

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