Acte II : Les fabulations haineuses du phasme Zemmour.
Plus que des grands discours, son discours ne repose exclusivement que sur la conviction de la petitesse de sa condition étendue sur l’ensemble d’un territoire et d’une population, et en conséquence son énergétique qui est la haine et la grandeur. Les discours de haine sont polarisés autour du trope de l’immigration. Celle-ci serait en train « de nous tuer ». L’immigration incarnerait une forme de la mort dont sa prise en main juridique - donc l’effectivité du pouvoir - l’ « interdiction de l’automaticité du regroupement familial » dont lui souverain explique que les immigrés dirigent la politique d’immigration de la France. La réflexivité de sa narration du politique polarisée entre la colonisation et le réchauffement climatique se résoudrait autour de l’épitaphe qu ‘ « on ne tend pas la main à ceux qui vont nous remplacer » ; force latente en quête de son actualisation et dont lui réalisant sa propre prophétie en s’incarnant en est la résolution. Reconfigurant l’histoire même dans son révisionnisme, le phasme n’hésite pas à fabuler la colonisation en insistant sur le trope des pieds-noirs qui plus est les réduisants à des résidus de la colonisation. Encore une fois, c’est à partir de se traumatisme et de sa force électorale réactionnaire qu’il peut se permettre de tenir les rennes d’une pseudo-puissance en redistribuant les blocs illimités de violence dans un espace nationaliste qui émanerait de lui. Comme les totalitarismes avant lui, il doit constituer l’homo sacer qui se nomme le Musulman, cette non-humanité identifiable et condamnable continuellement à l’errance et à la rédemption de son être sur le territoire.
Pour Zemmour, la cible est simple et globale, ce sont les acteurs de son théâtre paranoïaque identifiés sous le nom des partisans du « Djihad du quotidien ». Jonglant avec deux inquiétudes médiatiquement montées depuis « the war on terror », cette formule sémantique flottante assigne une catégorie de la population principalement des quartiers populaires des banlieues dans une cosmologie inventée de toute pièce par le vide souverain qu’il entend occuper. Ce slogan au fond constitue une a-humanité assignant des individus dilués, non-identifiable dans des catégories, mais présente dans chaque pli de l’épaisseur du temps, et donc continuellement présent comme ennemi, détenteur d'un pouvoir invisible. C’est dans cette possibilité de reconnaissance sémantique commune du complot que se structure la possibilité peut-être un peu trop rapidement passé sous silence de la fin des « grands-récits » : celle des théories du complot qui sont à proprement parler le grand symptôme du délire de la suprématie blanche et d’une nouvelle marche de l’Histoire qui serait celle de la guerre des races. La seconde étape est celle de constituer une raison d’Etat et d’un motif de guerre identifiant suffisamment d’ennemi pour engager le conflit armé. La dynamique s’intensifie et se complexifie lorsque la population ciblée, identifiée et désormais massifiée dans un corps unique se rabat une essence juridique et législative coordonnée à partir de la criminologie. Le rabattement d’une essentialisation de l’ennemi dans les coordonnées de la criminologie impose le nécessaire rabattement du vide corporel du souverain sur la Loi et le pouvoir juridique : corps et pouvoir. Être performatif qui dispose et distribue dans sa puissance les blocs illimités de violence dont sa résolution ultime est l’incarnation de notre phasme comme détenteur du pouvoir de l’Etat qui se répand sur son existence et en code la totalité du social. Notre être métamorphique donc chercher la conclusion de sa genèse au travers de l’Etat. Ces entités, dépourvus de genèse ne peuvent se constituer que comme assimilant et incarnant la violence constitutive justement de leurs manque de genèse. La Vie les dégoûtent, les formes de vie multiples les font vomir, pour eux Babel est la plus grande catastrophe de l’humanité. Dans cette thanatophilie comme exécutant le pouvoir paranoïaque, la seule appréhension de la vie, la solution viable pour leur survie d’être vide, c’est le « camp de concentration et non plus la cité », dépensant comme solde de tout compte leur puissance tant rêvée par des citoyens devenus gardiens de la dépense des blocs illimités de violence.
Un autre exemple de redistribution de ces blocs illimités de violences en construisant tant dans le social que dans les têtes la paranoïa d’un espace concentrationnaire, c’est le discours qu’il mène sur la banlieue. Le récit se tient comme ceci. Faisant référence à un temps nostalgique qui est la banlieue de 1973, il utilise un film elle court la banlieue. 1973 est marquée par notre despote d’une indication particulière : « C'est-à-dire avant le regroupement familial ». Il affirme que ce temps béni est celui de la punition fixée dans l’esprit de chaque individu, car il est soumis au regard et au quand dira-t-on global. Tout doit se passer sous couvert d’honnêteté et de bon sens. Lui notre phasme étatique délire son futur royaume et ses futurs sujets. Sujets eux pleins de la paranoïa ingérable et insoutenable dans le cadre d’une vie bonne. L’assignation au camp au fond n’est qu’une dynamique normale pour ces individus qu’il faut à la fois garder comme force de travail et renier comme humanité. Il constitue donc à la fois la généalogie et la sociologie ; mais cela n’est pas tout, lui, notre être ailé sans terre se permet d’utiliser sa propre expérience généalogique au travers d’un bon sens justifiant ce déracinement. Là-bas : « On mourrait du choléra et du Typhus, l’Algérie est un cloaque et la France elle, elle a transformé cet espace pour le rendre vivable et a permis le développement de sa population ». L’ensemble de l’expérience humaine ne pourrait être que celle que notre papillon de nuit a vécu, ou du moins par procuration au travers des récits familiaux qui lui ont été transmis. Alors qu’ici, là où notre être peut s’ébattre avec délicatesse, tous les là-bas ne sont que des zones de vies mortifères. L’ici et le point de départ de la colonisation construit les conditions mêmes de la vie de ces êtres qui n’auraient pas accomplis la vie et donc le besoin de s’assimiler, c’est-à-dire au travers d’une dévotion et d’une cannibalisation totale à ce pouvoir, le ferait passer qualitativement à une forme de vie supérieure et éclairée, il affirme ainsi en plus de l’action territoriale de la France en dehors de ses frontières, que cette a-humanité se réalise ici grâce notamment à la puissance de la médecine : la France a soigné leurs enfants avec les soignants et la médecine française ; leur donnant un travail décent - hypostase fabulatrice - ; l’accès aux allocations familiale, un accès à la « grande culture française » et en particulier la « Littérature française et la langue française » et enfin un logement dans les « HLM ». Voilà le paysage imaginaire ou notre phasme parque et essentialise cette a-humanité. Véritable arcadie qui donne envie n’est-ce pas ? Et puis la chute… L’arrivée au travers du crime, l’objet même de sa paranoïa, les « terribles bandes maghrébines, voleurs des autoradios » auraient totalement mis à sac cette arcadie nationale, affirmant en cela qu’ « ils ont chassés les autres ». Bref, laissons tout cela aux historiens et sociologues qui en ont démontré la fausseté…
Or, cela n’est ni de la justice, ni de la bienséance. C’est le régime des vigilants et des corbeaux présent à Vichy qui dénonçaient les Juifs, les résistants, les homosexuel.le.s etc… Mais la seconde justification serait aussi le bon sens de la protection des filles par les pères et les mères. Ainsi, on voit se démarquer avec une certaine douceur le projet politique de la configuration sociale qui va sous-tendre le rêve du phasme. La condamnation de la féminité au travers d’une prise en charge par le familialisme et de ses déclinaisons est aussi la même tendance qu’il souhaite donner à la jeunesse. Si la souffrance n’est pas la même que la sienne, alors il en fait un exilé, un errant. Cette démarche, il souhaite la réaliser en supprimant le droit du sol afin de rabattre l’ensemble de toutes les filiations sur le modèle biologique dont il en est le principe générateur. Tout rejetons qui ne reconnait pas son autorité ou la contestation possible alors « le pauvre gamin qui est né chez nous est qui déteste la France » alors paternalisme obligé, il est au plus profond « malheureux » et il a en conséquence comme vie meilleure possible que de « rentrer chez lui » via « des charters sans conditions préalables. »
Dans son rêve et sur son territoire, la question de l’immigration et sa gestion violente ne se pose pas vers d'autres pays, et convoquant à nouveau son bon sens notre papillon de nuit affirme que « les murs arrêtent les gens ». Mesure concentrationnaire nécéssaire, car au fond, qu’importe le prix à payer, car « aucun prix ne sera plus élevé que celui du peuple français ». Le phasme est un homme qui sait compter, qui sait quantifier tellement bien qu’il ne souhaite pas communiquer son salaire. Par contre, il n’hésite pas à s’imposer de parler de la dernière haine tirée de l’angoisse existentielle des potentiels sujets de son royaume.
Quel est en conséquence et pour lui-même le paysage de la scène sur laquelle il actue. Pour notre phasme, l’espace sur lequel il peut se permettre de s’envoler et de s ‘ébattre pleinement est celui du rabattement de son existence au travers de l’apocalypse et de sa matérialité qui est la sécularisation. Or, au contraire d’une sagesse dont il est dépourvu, notre phasme se permet d’apposer un point final au tableau. Cette zone planétaire qui tend de plus à plus à devenir inhanibatale et de ses conséquences que vont être les mouvements de population et une misère généralisée. La réponse est digne du souverain paranoïaque et frivole : « On ferme les frontières et on renvoie tous les gens ». Le territoire de sa souveraineté ne pourra donc qu’être composer de sujet a-humain soumis à une grandeur de peccadille. En effet, si l’on veut des sujets a-humain soumis il faut incarner une certaine grandeur et prestige dont notre phasme en recherche le nectar.
Acte III : Grandeur du phasme ou éclairages des étoiles pâles.
Doux moments de mise en scène de sa propre histoire intellectuelle, le phasme Zemmour souhaite à la fois dans cette logique spatiale qui est la sienne de rabattre le concentrationnaire dans l’esprit de ses sujets, irradié - pour faire l’Histoire - ses propres valeurs qu’il identifie comme étant « les valeurs françaises ». Cette logique n’est pas propre à notre insecte… Non, il s’inscrit dans la filiation impériale dont il s’estime être le digne héritier. Sans franchir le rubicon d’une Rome tellement désirée et extasiée, il faut toutefois pour avoir la certitude de son pouvoir, pouvoir convertir le là-bas qui lui fait tant peur. La distillation d’un monde meilleur portée par le véhicule du « soft power » dont en bon français républicain héritier de Jules Ferry dont il en refuse pourtant le contact que «l’éducation n’est qu’un jeu de pouvoir » qui peut s’exporter à l’extérieur faisant la grandeur des institutions qu’il représente, tout en sélectionnant ceux qui pourront y jouir. On ne jouit qu’avec et qu’à partir du souverain.
Mais pour que cette invisible sémantique fonctionne, il faut agir aussi à partir de la même logique pour prendre possession du matériel et des objets afin que cette reproduction soit possible. Cette logique porte le nom « d’impérialisme économique ». Alors qu’il semblerait que le développement de l’Europe « se soit faite grâce au charbon », la relation avec le grand là-bas qui fait peur ne serait vraiment qu’un « cloaque » mais ou quand même il y a des choses intéressantes à « acheter » pour que la métropole puisse demeurer au sommet de son monde. La question de l’extraction et de la production de ces richesses comme le « plutonium » n’est bien entendu pas dans le giron de notre souverain. Au fond, ils ont voulu l’indépendance alors qu’historiquement, l’empire perdu avait essayé d’ « apporter la lumière dans l'obscurité ». Dark side of the enlightenment ; et dans la rédemption impossible de notre phasme victime de sa propre vie, ils veulent par ressentiment à leur tour faire de son royaume un état satellite d’un univers fantasmé et paranoïaque qui n’est jamais devenu universel et dont on en trouve une théorisation qui porte le nom de « choc des civilisations ». Alors avant, il faut chercher la confiance impériale dans une histoire qui n’est pas déjà plus là, mais dont la distillation de l'éducation en permet sa réactualisation. Le doux charme de l’anachronisme. Cette acmé de la puissance dans laquelle notre phasme ailé de l’hybris de l’esprit du temps porte le nom de Napoléon, géniteur des plus grands criminels du XIX et du XXe siècle. En effet encore une fois, cela donne le tempo du monde roussi et pourri sur lequel se construit son royaume, mais aussi son propre corps.