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Billet de blog 25 mars 2020

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opinions d'un soignant chapitre 2

Un autre ras le bol, différent...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 5 jours de permission, confiné dans mon appartement, durant lequel j'ai eu quelques crises d’énervement. Encore écœuré de voir un type avec un masque FFP2.... autour du cou la semaine dernière, je n'ai plus qu'un petit sursaut quand j'en croise d'autres ces derniers jours.

Je ne reviens pas sur les polémiques sur les masques, tenues de protection, etc. de ces derniers jours nous en sommes tous conscients et un peu gavés.

Non je vais revenir sur les "places en réa". J'entends encore aujourd’hui Martin Hirsch parler de sa "faible visibilité" pour les places en réa. Ce qu'il semble omettre c'est que, au niveau "du discours décisionnel" il ne semble pas avoir tenu compte des places dans le "privé". Je sais je mets plein de guillemets... C'est juste pour mettre en évidence un phénomène Franco-Français . Il y a et j'en ai peur il y aura toujours, une bisbille public-privé. Quand Martin Hirsch parle des places en réa il ne parle, j'ai l'impression, que de l'AP-HP. Or il y a de nombreuses structures privées qui peuvent aussi prendre des patients en réa. Et qui sont prêtes à le faire. Il y a peu de temps un médecin réanimateur d'un hôpital de l'AP-HP nous appelle pour savoir si nous aurions une place en réa pour un patient COVID+. Comme ça fait une dizaine de jours que nous nous préparons, pas de souci nous le prenons. Quelques minutes plus tard, pouvons nous en prendre un second? toujours d'accord. Le patient va s'aggraver avant le transfert, le transfert est annulé, mais en même temps que l'annulation est annoncé nous aurons une troisième demande, acceptée. Bien sur cette situation a été prévue par les structures (ARS, ministère...), mais j'ai le sentiment que l'appel a été fait passant au delà des grandes instances, de réa à réa, de médecin à médecin, d'homme à homme, parce qu'ils se connaissaient, se reconnaissaient.

J'ai toujours, et encore, le sentiment que les petites mains dans la soute à charbon turbinent en permanence pour trouver des solutions pendant que le capitaine ne voit pas l'iceberg et pousse les machines à fond. Ils font des annonces, des discours, s'écharpent sur des protocoles alors que nous essayons de rendre réaliste ce qu'ils proposent. Nous bricolons avec, quelque part, la certitude que, mis à part de grandes déclarations,, nous ne sommes toujours pas aidés comme nous le devrions. Un exemple. Je n'ai pas compris pourquoi les directions hospitalières n'ont pas proposés aux soignants un quotité de SHA (Solution Hydro Alcoolique) pour eux et leurs familles AVANT que la pénurie ne s'installe. Le message est fort : nous protégerons notre structure, pas notre personnel et leur famille. Aujourd'hui, ou plutôt hier, je vais dans notre pharmacie chercher un produit. Je me suis aperçu que nous n'avons plus à notre disposition du paracétamol per os. Manque ou retrait pour éviter le retrait anarchique ? Je m'avance , mais pour moi à nouveau le personnel pointé du doigt. Je pense que dans d'autres endroits ce même type de comportement des directions existe, s'exprimant de façon différente, comme si le vieil adage "dans une structure de soin, l'ennemi c'est le soignant" est toujours présents aux esprits.

Cette nuit, après mes 12 heures de bloc, je suis appelé pour une urgence vers 22h00. le contexte : une petite fille de 4 ans arrive avec une plaie de globe, à suturer au bloc rapidement, c'est une vrai urgence. Comme nous aimons échanger avec les patients, et leur famille, nous demandons comment est-ce arrivé. Elle jouait à la bagarre avec son grand frère, elle armée d'un NERF, lui s'étant construit des shuriken en papier. Mais le papier plié est très dur...La mère était mortifiée, mais qui pourrais prévoir l'imagination des enfants ? Plus tôt nous était arrivé une jeune femme avec une brulure cornéenne, comme elle était confinée elle s’était lancée dans un grand nettoyage de printemps, et l'eau de javel dans l'oeil c'est pas terrible...Durant le week end, nous arrive une jeune femme avec des troubles neurologiques... dus à la prise d'extasy. et j'en passe...

Il y a quelque temps j’avais posté une image où j’avais écrit , comme d'autres: "soyons simples : soit t'es confiné, soit t'es con fini." je n'avais pas imaginé que le confinement pouvait aussi nous rendre idiots. J'aurais du m'en douter en voyant l'interview de cette "joggeuse" qui disait,en simplifiant:  avant je ne pouvait courir qu'une ou deux fois par semaine, maintenant c'est tous les jours. Le confinement c'est faire ce que l'on fait d'habitude, mais en restant chez soi.Vu le nombre de personnes qui reprennent le sport après des décennies d'abstinence, je prévois bientôt un pic d'urgence pour foulures, entorses, ruptures ligamentaires... Haut les cœurs amis orthopédistes, vous allez pouvoir reprendre du poil de la bête.

Aujourd'hui je ne suis pas du tout sorti, inutile, je me repose pour reprendre demain en forme.

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