Samedi 16 février, Alain Finkielkraut sortant d'un taxi boulevard Montparnasse tombe sur une manifestation de gilets jaunes « Je voulais rentrer chez moi. Et en même temps, je vois cette manifestation qui défile, donc je vais quand même regarder ». Il s'en approche donc, est reconnu et subit une volée d'injures de la part de quelques manifestants, et parmi ces injures celles qui provoquent une levée de boucliers : « grosse merde de sioniste ». En l'état des informations livrées par le médias, c'est bien le terme sioniste et non juif qui a été proféré. Les vidéos montrent qu'il n'a pas été menacé physiquement mais l'on est pas sûr que ce n'aurait pas été le cas si des policiers ne s'étaient pas interposés. En tout état de cause, cette agression verbale est inadmissible. Peu importe que l'agressé soit un de ces idéologues détestables qui ont beaucoup contribué à la dégradation du climat intellectuel en France.
Quand bien même serait-il archi-réactionnaire
Les plus vigilants d'entre nous n'oublient qu'il a ethnicisé les questions sociales en désignant l'immigration et l'islam comme les principaux responsables de ce qu'il nomme la « décomposition » de notre société. Il n'a eu cesse de soupçonner les habitants des banlieues « ces jeunes sont des Noirs ou des Arabes avec une identité musulmane » d'être des terroristes en puissance. La liste de ses errements intellectuels est affligeante. Le philosophe Alain Badiou qui avait accepté un temps de débattre avec lui, y avait renoncé en publiant en mars 2016 une lettre ouverte dans laquelle il déclarait « Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure, une sorte d’anti-universalisme borné et dépourvu de tout avenir autre qu’archi-réactionnaire ». Mais encore une fois, cet énorme contentieux n'a pas à entrer en ligne de compte pour considérer que les insultes dont il été l'objet sont inadmissibles.
Un amalgame infâme
Pour autant, on voit bien le glissement qui s'est opéré dans les médias et dans les déclarations de soutien à Finkielkraut, en confondant volontairement les termes juif et sioniste et par suite en assimilant l'antisionisme à de l'antisémitisme. Le trait a même était poussé jusqu'à considérer que la critique de la politique israélienne serait une forme d'antisémitisme. De sorte qu'en la qualifiant,comme je le fais ici, de colonialiste et d'apartheid, je m'expose à être traité d'antisémite. C'est ce qu'il pourrait se passer si la loi que s'apprête à déposer les députés du lobby pro israélien était votée. Considérant que « la haine d’Israël est une nouvelle façon de haïr les juifs », la haine englobant chez eux la critique et a fortiori la dénonciation de la politique israélienne, ils voudraient que l'antisionisme soit reconnu comme un délit au même titre que l’antisémitisme, C'est extrêmement grave. Le sionisme est une idéologie critiquable comme tant d'autres idéologie. D'aucuns, comme moi, l'analyse comme une idéologie fondamentalement colonialiste et considère que c'est son application jusqu’au-boutiste qui fait qu'aujourd'hui l'Etat israélien justifie l'occupation et la colonisation de ce qu'il reste des territoires palestiniens, officialise l'apartheid des Palestiniens d'Israël, fait de la bande de Gaza un immense prison à ciel ouvert, incarcère par milliers des Palestiniens y compris des enfants
Rien, absolument rien n'excuse l'antisémitisme, mais on ne peut lutter efficacement contre lui en occultant cette terrible réalité.