C’est un peu comme le quatorze, moins la leçon à en tirer. Le 28 avril 1789 à Paris une foule hétéroclite se dirige vers l’hôtel et la manufacture de l’entrepreneur Jean-Baptiste Réveillon aux cris de « Mort aux riches ! », « À bas les prêtres ! », « Vive le Duc d’Orléans ! », etc. Dans la rue Saint-Antoine on jette des tuiles sur les troupes du Roi en criant « Vive le Roi ! » Au bilan : quarante morts peut-être, peut-être 900.
Pas facile de discerner les motifs de l’émeute Réveillon. L’historien Georges Rudé, qui en avait fait l’essai, avait fini par aller faire carrière en Nouvelle-Zélande. À l’inverse, il est de rigueur qu’on discerne la même intention dans tous les événements « d’importance », les « vrais » événements de la Révolution. La Révolution, disait Michelet, c’est « Le peuple même, le peuple entier, tout le monde. »
Voilà donc l’explication — rappelez-moi l’événement ? La Nation, le scrutin, le 14 juillet c’est toujours l’incarnation de la Volonté Générale chère à Rousseau, le Peuple face-à-face avec lui-même, la transparence sans obstacle. (Les Américains, qui sont moins idéalistes, ont depuis longtemps esquivé la question : il n’y a pas de Volonté Générale à représenter, juste des intérêts particuliers à mettre dans la balance.)
On comprend donc ce qu’il y a de gênant dans les événements du 28 avril, 1789, ou du 27 juin : le Veto Populaire, c’est quand il ne reste qu’une option, le Refus Général. Réveillon était lui-même un délégué du Tiers aux États-généraux, donc un élu à délégitimer.
Mais, comme disait à-peu-près Camus, l’homme qui dit « merde ! » est aussi un homme qui dit oui. La question serait de savoir à quel futur ce « oui » s’adresse. Attendons, et patience.