« Je lis tout ce que vous écrivez, et je me dis : « Tiens, qu’est-ce que j’ai pu décider aujourd’hui dont je ne suis pas au courant », et sur quoi vous allez m’interroger. Alors de deux choses l’une : soit je ne réponds pas, et la mesure que je n’ai pas prise est critiquée. Ou alors je précise, je démens, et on me dit : « vous avez reculé »…
Rires dans la salle de la maison des polytechniciens, un restaurant du septième arrondissement de Paris, hier soir.
A l’initiative de l’association de la presse présidentielle, François Hollande avait rendez-vous avec une centaine de journalistes. Pas de caméras, pas de micros, pas de photos, mais des questions et des réponses, sur un mode intimiste…
L’Europe, le Sénat, la Présidence normale, sa fonction, la réforme des retraites, son pari sur la croissance, le réformisme, l’adversaire qu’il préfère à droite, sa cravate de travers, son récit pour la France dans dix ans, et à la fin du repas un off encore plus off sur le Front national, ou le Front Républicain.
Avec la presse, Hollande est un curieux animal. Il se fait souvent éreinter, mais il ne la fuit pas, il ne refuse aucune question, c’est à peine s’il ne cherche pas sa compagnie. Il fait son numéro et ça marche. Il dit : « Vous étiez dur avec mon prédécesseur aussi, et depuis qu’il n’est plus là, ça va mieux… Et moi je suis devenu populaire quand j’ai quitté la tête du parti socialiste, mais maintenant je suis là… Et je ne vais quand même pas demander un congé sabbatique pour avoir de meilleurs sondages ! ».
Il évoque plus sérieusement l’exercice de sa fonction, enfermée dans un palais, avec ses rituels immuables, son envie de s’en libérer, mais sa volonté de respecter les rites. Il retient l’attention quand il se moque de l’aspect monarchique de nos institutions, mais il s’y soumet quand même, parce que la France serait la France. Ainsi le Président qui se voulait normal explique pourquoi il ne l’est pas devenu, au nom des us, des coutumes, et de sa cravate qui ne doit plus être de travers…
Il y a un mystère François Hollande. Dans l’espace semi-privé de ses relations avec la presse il sait faire, il occupe l’espace, il tient son auditoire, il convainc, et il charme. Dans l’espace public, dans les interviews télévisées, dans certaines interventions à l’Elysée, ça ne passe plus, ses scores d’audience sont faibles, sa popularité est au plus bas.
Il en prend son parti. « Ce qui compte, explique-t-il, c’est de se dire que si j’ai raison je finirai par imposer ma ligne ». Il essaie donc d’annoncer ce moment là, en répétant que l’Euro est sauvé, ou que la récession est derrière nous. Il anticipe même les inconvénients de son succès futur : « Ce qui est terrible, conclut-il, c’est que la réussite d’un Président consiste à permettre à son successeur d’avoir une meilleure France »
Pour l’heure, malgré la bonne soirée passée avec la presse, cette perspective « terrible » ne le menace pas encore…
France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas