Le 24 juin 2016 sera normalement le lendemain du 23 juin 2016.
Que ce sera-t-il passé le 23 juin 2016 lors de la manifestation qui devait défiler de Bastille à Nation puis être statique puis qui a été interdite puis finalement à nouveau autorisée jusqu'à nouvel ordre ou contre ordre ? Alors qu'à la minute présente il est bien difficile de savoir l'ultime décision du gouvernement, la réponse n'est pas aisée.
Mais ce qui est sûr, c'est que le 24 juin 2016, Jean-Marc Rouillan est convoqué au Tribunal de Grande Instance à Paris pour « apologie publique d'un acte de terrorisme ».
L'Appel du Collectif Pour l'abandon des poursuites contre Jean-Marc Rouillan a recueilli un large assentiment. Les signataires, sont d'une variété qui fait plaisir. Elle rappelle celle des cortèges que l'on prétend interdire mais qui s'entêtent. Cet entêtement à exister, à ne plus céder, à relever la tête et à prendre soin les uns des autres.
Membre de ce Collectif, c'est cette occasion que je saisis pour rappeler les faits pour lesquels Jean Marc Rouillan se retrouvera le 24 juin 2016 devant la 16ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Le 23 février 2016, Jean-Marc Rouillan accorde un entretien de près d'une heure à une radio marseillaise: Radio Grenouille.
Une très grande partie de cet interview concerne l'état d'urgence, les libertés publiques, la sécurité, le « tout-sécuritaire ». C'est en fin d'émission que Jean-Marc Rouillan, interrogé à nouveau sur les attentats commis à Paris, prononcera les propos retenus pour engager les poursuites à son encontre.
Émission toujours en ligne sur : http://www.leravi.org/spip.php?article404
Le 7 mars, le Parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour « apologie publique du terrorisme ». Le 8 mars Jean-Marc Rouillan dément avoir salué le courage des terroristes de Daech et explique avoir abordé des considérations sur leur courage physique. Considérations qui ne sont en rien synonymes d’éloges et relèvent de son droit à la liberté d’expression.
Pourtant, le 22 mars, sa convocation devant le tribunal de grande instance de Paris le 1er juin devant la 10ème chambre correctionnelle lui est notifiée. Chambre qui se déclarera incompétente en raison d'une erreur d'orientation du dossier. L’affaire est finalement renvoyée au 24 juin 2016, devant la 16ème chambre.
D'ailleurs qu'est-ce que le courage ? Ici même à Médiapart, dans son blog Didier Martz le 21 mars soulignait combien on était désormais obligé d'être prudent si l'on souhaitait réfléchir à ces questions et interrogeait : "l'acte terroriste est-il courageux ?"
Pierre Zaoui, dans la revue Vacarme N°75, page 16, s'interroge lui aussi sur ce qu'est le courage et sur qui est courageux ?
John Dalhuisen, directeur du programme Europe d'Amnesty international suite aux arrestations de 69 personnes pour "apologie du terrorisme" en évoquant la liberté d'expression mettait en garde, « Les autorités françaises doivent veiller à ne pas violer elles-mêmes ce droit." communiqué du 16 janvier 2015
La menace de voir la liberté d'expression totalement bâillonnée se précise jour après jour et se fait de plus en plus concrète à mesure que le gouvernement affiche son mépris et sa brutalité.
L'inculpation pour « apologie publique d'un acte de terrorisme » est bien évidemment sans fondement. Elle n'a pu être envisagée que dans la mesure où la guerre sociale entreprise par le gouvernement est totale. Elle n'a pas comme seul horizon le cadre national mais elle se répand au-delà des frontières hexagonales voulant s'imposer comme modèle.
Au moins 1800 interpellations pendant ou suite aux manifestations de ces derniers mois, perquisitions de locaux syndicaux, de domiciles particuliers, assignations à résidence, utilisation du 49-3, menaces, chantages, interdictions de manifester, coups et bmobilisation permanente de tous les corps de répression et utilisation systématique de la brutalité contre toutes les catégories sociales qui ne se soumettent pas. Autant de symptômes d'un gouvernement qui n'a plus que la répression et la destruction de vies par milliers, des droits fondamentaux et notamment de la liberté d'expression pour détourner l'attention de son effrayante incapacité à gouverner sans détruire.
En inculpant Jean-Marc Rouillan, il ne s'agit pas pour le gouvernement de lutter contre le terrorisme, mais bien de tenter de museler toute parole contraire, de faire feu de tout bois pour mettre tout le monde au pas.

Alors oui, il y a urgence à enrayer la machine à produire la répression, la haine, la manipulation médiatique, la confusion, la censure des idées, avant que nous ne soyons tous broyés.
C'est pourquoi je me fais l'écho de cet Appel pour l'abandon des poursuites contre Jean Marc Rouillan dont le texte est disponible ici ainsi que la liste des signataires.
Cette audience du 24 juin pourrait offrir à la cour l’opportunité d’affirmer son indépendance face au pouvoir mais aussi de rappeler qu’en France, une opinion discordante n’est ni un délit, ni un crime et qu’elle ne doit pas conduire derrière les barreaux, en prononçant pour ce motif la relaxe de Jean-Marc Rouillan.
Amparo Ibañez Martinez