Il fait 34 degrés dans la capitale. Dans la presse et dans la rue, tout est calme. Voici une autre journée ordinaire, très riche ou très pauvre selon le point de vue. Un peu comme l’Inde en somme.
Dans un hôtel de luxe situé vers le quartier des ambassades se déroule une grande messe réunissant des chefs d’Etats africains et la crème de l’administration indienne. Le continent africain et la plus grande démocratie du monde, anciens colonisés, affichent leur volonté de prendre une revanche commune à base de gros investissements dans les infrastructures, les universités, l’agriculture... Et les diamants. Là, on ne parle plus idéologie, entraide et visée humanitaire (du côté indien) mais dollars. L’Inde – qui polit 11 diamants sur 12 vendus dans le monde- veut à tout prix faciliter l’import des diamants angolais, congolais ou namibiens. Cette industrie connaît une croissance de 15 % par an en Inde et ne risque pas de faiblir. Il suffit de jeter un oeil aux parures qui ornent à la moindre occasion les mains, nez, oreilles, chevilles ou poignets indiens pour comprendre pourquoi.
S’il fallait écrire une version indienne des Choses, je m’intéresserais donc au diamant mais aussi au dromadaire. Entendons nous bien, le dromadaire n’a pas la même fonction décorative (à part sur les photos des touristes au Rajasthan) mais il compte tout autant dans l’économie locale. Dernière trouvaille indienne : le lait de dromadaire que la coopérative des produits laitiers du Rajasthan (où vivent 70% des dromadaires indiens) commence à commercialiser. Difficile à croire que le fameux animal résistant à la soif soit capable de produire du lait mais si, si, le Rajasthan l’a fait. Un lait magique en plus : riche en insuline, le lait de dromadaire aurait des vertus curatives pour le diabète. Bientôt dans les rayons, le fromage de dromadaire.
Ce 9 avril 2008, la presse nous a également servi une série de faits divers glauques. Comme hier et comme demain. Le même scénario se répète : il est 18 heures passées, la nuit est tombée, une femme se fait d’abord agresser puis assassiner. Ca se passe généralement sur une route très empruntée mais non éclairée. Une bande de jeunes hommes n’a rien trouvé de mieux à faire que de poursuivre une femme seule, n’a pas eu d’autre réaction qu’une violente colère quand elle a commencé à se débattre et puis finalement n’avait rien à perdre en sortant un couteau ou une arme à feu. Pas d’éducation, pas de travail, pas de statut, rien à perdre, rien à gagner.
New Delhi, cauchemar urbain. Comme tous les jours, je retarde le moment où je vais devoir sortir de la bulle de mon appartement, croiser ces regards vides de sens, ces gamins déformés, ces Mercedes made in india... Journaliste, étrangère, femme, une journée comme les autres où je tente de ravaler ma colère et de trouver ma place ici.