I
…
On est trop sérieux, quand on a dix-sept ans
- À l'aube de cet an deux mille, plus de thés
Aux cafés tapageurs aux voies tonitruantes
- On se fait tuer pour mèche qui a dépassé
…
Les brigadiers sont lourds de fruits qui éclatent !
L'air est parfois si âcre, que l'on étouffe
Le vent chargé de furie – les villes sont écarlates
A des relents de sang et des relents de soufre …
…
II
…
Voilà qu'ils aperçoivent un petit chiffon
Myosotis, mal placé sur une chevelure
Piqués à vifs, furieux, ils fondent vers nous
Avec rudes insultes, menaçants, aux pas lourds
…
Nuit d'octobre ! Dix-sept ans ! On se fait matraquer.
Procession en campagne, des milliers en cortège
Rendent hommage, ensemble ils bravent policiers
Qui n'respectent plus les cadavres – Sacrilège !
…
III
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L'esprit fou robinsonne à travers le *poète
Qui cherche son Soleil parmi les Kor-analphabètes
"Ne perds jamais espoir,
Mon cœur
Des miracles se préparent
Dans l'invisible"
…
Et, comme ils vous trouvent immensément rétifs
Tout en faisant patrouiller leurs grosses berlines
Ils vous haranguent par mégaphones et explosifs
Pour, depuis les balcons vos voix soient en sourdines
…
IV
…
Vous étiez amoureux de cette gamine
Vous étiez amoureux – Et ils l'ont souillée
Broyée au cœur, déchiquetée en son intime
Il vous faudra du courage** pour encor l'aimer
…
Ce soir-là …, - que les grenades pétaradant
Vous demandez qu'elles redeviennent des fruits sucrés
- On est trop sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a la Liberté comme première volonté
...
** Courage
Source : "Roman" - Arthur Rimbaud