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Billet de blog 27 mars 2025

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“La grotte qui répond”

L’improbable est même quelquefois hautement improbable.

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LA GROTTE

Enrique de Cordoba se faufilait dans la jungle. Il avait perdu l’équipage de sa caravelle, La Felicita, qui avait échoué sur les côtes de ce pays encore inconnu, qui deviendrait bien plus tard le Panama.
Seul, affamé après quinze jours de marche sans savoir où aller, ni quoi faire. Heureusement, l’eau ne manque pas, mais les poissons sont insaisissables et le gibier trop véloce pour Enrique de Cordoba.
Pour échapper aux fauves durant la nuit, il s’était installé sur une branche en hauteur. Il avait mal dormi et souffrait du dos.
Il remarque une falaise devant lui. “Est-ce que je fais demi-tour ?” pense-t-il. Ses mains griffées écartent de grosses feuilles... et la vision d’un trou dans la roche lui redonne espoir. L’espoir de pouvoir enfin se reposer à l’abri. “Pourvu qu’il n’y ait aucun ours dans ce pays maudit”, prie-t-il.
Il s’approche avec circonspection, le plus silencieusement possible.
Le nez en avant, il hume l’air, cherchant à détecter une odeur animale. “Non... rien que de l’humidité.”
Rassuré, il entre avec un rondin de bois trouvé à l’entrée. Il déchire une manche de sa chemise, entoure un bout du morceau de bois avec le tissu et sort son briquet.
La flamme vacillante éclaire la trouée dans la falaise. Le couloir semble sans fin. Il avance, tentant de percevoir la présence – ou l'absence – d’un animal. Mais rien. Seulement l’écho de ses pas et de sa respiration, qui, tel des ricochets sur l’eau, rebondissent de paroi en paroi avant de s’évanouir.
Il sourit.
— Oh oh ! lance-t-il dans la nuit de la caverne.
“OH OH... oh oh... oh oh... oh...” résonne jusqu’à disparaître dans l’obscurité.
— Enchanté de vous croiser ici !
“Chanté de vous croiser ici !... té de vous croiser ici !... vous croiser ici !... ser ici !... ci !...”
“Si je continue, je vais finir par me faire la conversation”, se dit-il.
— Oui merci, c’est gentil, entend-il.
Une voix caverneuse le fige sur place. Il n’ose plus bouger un cil.
Il attend plusieurs minutes, immobile et silencieux, respirant à peine.
— Y a quelqu’un ici ? questionne-t-il.

Illustration 1
“Un paysage rocheux...” © (domaine public depuis 1706) Joos de Momper II (vers 15..-16.. ?)


“A quelqu’un ici ?... qu’un ici ?... ci ?”
Rien, hormis l’écho rebondissant contre les parois rocheuses. Il tend l’oreille, attendant une réponse, toujours sans bouger, tandis que la lueur de sa torche vacille.
“J’ai dû délirer”, pense-t-il. Il reprend sa progression avec prudence.
— Dites, pour changer à Nation... quelle ligne ?
Enrique manque de trébucher. “Je deviens fou !” Encore cette voix grave et caverneuse... gutturale.
— Quelle nation ? demande-t-il.
“Quelle nation ?... nation... tion...”
— Mais qui est là ? Montrez-vous ! insiste-t-il.
“Qui est là ? Montrez-vous !... là ? Montrez-vous !... Montrez-vous !... vous !...”
Un vrombissement sourd et lointain lui parvient. Un son qu’il n’arrive pas à identifier. Ni animal, ni tremblement de terre. Rien de familier.
Soudain, une sonnerie stridente retentit.
Perdant tous ses repères, le capitaine Enrique de Cordoba est persuadé qu’il s’agit d’une manifestation du diable. Il lâche sa torche et fait une croix avec ses deux index, qu’il projette devant lui.
— Vade retro Satanas ! crie-t-il.
Le silence retombe brusquement. Enrique reste figé, sa croix de doigts levée en ultime protection.
Il s’aperçoit, bien des minutes plus tard, que sa torche va s’éteindre. “J’ai dû faire fuir Belzébuth”, se rassure-t-il. Il se baisse, reprend sa torche et continue sa marche dans les entrailles de la falaise.
***
Robert Lamorse, chef de l’expédition “Cordoba” au Panama, progresse difficilement, suivi de sa file d’assistants et de porteurs.
Soudain :
— Regardez ! La falaise !... et la grotte !
— C’est bien celle dont parle la légende, Prof ?
— Oui, mon p’tit... la fameuse légende de la grotte dans la falaise qui parle.
Il entre.
Quelques dizaines de mètres plus loin, le faisceau de sa lampe torche éclaire un squelette, à côté duquel repose un morceau de bois qui a dû servir de torche. Le professeur Lamorse s’approche, accompagné de son premier assistant, Kevin Poulard.
— Regardez, prof... il y a un morceau de papier ici.
Kevin se baisse, ramasse un petit bout rectangulaire et le tend à Robert Lamorse.
— Un ticket de métro ?

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